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Après la libération d’Aden, le sud du Yémen fera-t-il sécession ?

Les observateurs ne pensent pas qu’une sécession ait lieu dans un avenir proche

Après la libération de la ville portuaire d’Aden, au sud du Yémen, de l’emprise de la milice houthie soutenue par les forces loyales à l’ancien président Ali Abdallah Saleh, la question de la sécession du sud du pays a refait surface.

Depuis que l’unité du Yémen a été prononcée le 22 mai 1990, celle-ci a été confrontée à de nombreux défis, notamment la guerre de l’été 1994 qui s’est conclue par la victoire des partisans de l’unité.

Cependant, cette victoire a été suivie par ce que certains habitants du sud perçoivent comme les pratiques de répression et d’exclusion des dirigeants du nord, conduisant nombre d’entre eux à demander la sécession.

Ces voix se sont faites plus retentissantes lorsque les milices houthies, qui ont renversé le gouvernement du président Abd Rabo Mansour Hadi à Sanaa, se sont dirigées vers le sud pour y chasser ses partisans, tuant des dizaines de personnes.

Réagissant aux appels à l’aide d’Hadi, désormais en exil à Riyad, l’Arabie saoudite a formé le 26 mars dernier une coalition militaire chargée de repousser les houthis.

Les frappes aériennes de la coalition dirigée par les Saoudiens n’ont que très récemment obtenu des résultats sur le terrain, principalement à Aden, où sont revenus certains membres du gouvernement yéménite exilés.  

Les partisans des houthis et de Saleh ont affirmé que les habitants du sud combattaient uniquement pour obtenir l’indépendance de leur région, une accusation démentie par le gouvernement yéménite.    

En fait, Saleh est même allé jusqu’à affirmer que l’Arabie saoudite supportait la sécession du sud du Yémen.

« Les Saoudiens se trompent quand ils pensent qu’un Yémen unifié constitue une menace pour eux », a-t-il déclaré dans une interview pour le site d’information almotamar.net.

« En 1994, l’Arabie saoudite avait tenté d’appuyer la sécession [du sud] mais avait échoué », a ajouté Saleh durant la même interview.

« L’Iran veut diviser la région »

Les accusations d’Ali Abdallah Saleh ont été réfutées par certains observateurs, qui affirment que le rival de Riyad, Téhéran, bénéficierait de la division du pays.

« L’Iran veut diviser la région en de petites entités faciles à avaler. Le Yémen ne sera pas le dernier, mais seulement le début », a déclaré à Middle East Eye l’analyste politique Kamal al-Baadani, ajoutant qu’une sécession placerait le nord du pays sous le contrôle de l’Iran.

« Certaines des voix qui se sont élevées après la libération d’Aden pour exiger la sécession du sud sont connues pour ne pas être très éloignées de Téhéran », a-t-il affirmé sans davantage d’explications.

Baadani voit toutefois dans l’unité nationale du Yémen « un lien idéologique entre le nord et le sud » toujours souhaité par de nombreuses personnes dans les deux camps.

L’opinion de Baadani n’est pas rare parmi les Yéménites, particulièrement chez les critiques des houthis et de Saleh.  

« Les habitants du sud ne sont pas prêts pour une sécession, malgré l’existence de différents courants au sein du Mouvement du Sud opposés à l’unité », a déclaré à MEE un représentant du gouvernement yéménite s’exprimant sous couvert d’anonymat.

« Il existe un courant [favorable à la sécession] qui est soutenu par l’Iran, certaines forces tribales au nord et même le président déchu Ali Abdallah Saleh », a-t-il poursuivi.

Cela dit, l’élan en faveur d’une partition du pays n’a pas atteint un niveau suffisamment élevé, selon le journaliste yéménite Jamil Tarbush, désormais basé en Arabie saoudite.

« La victoire d’Aden n’est pas une menace ; c’est un espoir pour nous, les habitants du sud », a-t-il indiqué à MEE, ajoutant que ces derniers étaient « unis » contre les milices houthies et les forces loyales à Saleh mais ne chercheraient pas nécessairement à faire sécession si leur vie était en danger.

« La souffrance unira tout le monde dans le cœur d’un seul homme » 

D’après Tarbush, « la génération actuelle ne peut oublier les crimes qui ont été commis contre elle » par l’alliance houthis-Saleh, mais si la situation s’améliore sur le terrain, alors les populations recouvreront l’espoir quant à leur avenir dans un nouveau Yémen libéré.  

« L’effusion de sang, les destructions, les déplacements de population et la souffrance uniront tout le monde dans le cœur d’un seul homme », a-t-il déclaré, suggérant que les attaques perpétrées par l’alliance houthis-Saleh dans de nombreuses zones du Yémen rapprocheront probablement les victimes du sud et du nord.  

« L’échec essuyé par certains des anciens dirigeants [comme Saleh], qui sont dépendants du projet perse, ne signifie pas que les Yéménites ne peuvent construire un pays fort et sûr qui contribuera à la sécurité et à la stabilité de toute la région », a ajouté Tarbush.

Certains responsables du sud ont utilisé les réseaux sociaux pour demander à leurs partisans de ne pas confondre l’alliance houthis-Saleh avec l’ensemble du peuple du nord, qu’ils considèrent comme étant lui aussi opprimé.

« Opposons-nous uniquement à ces oppresseurs qui contrôlent le nord », a déclaré Salah Bates, un dirigeant du sud, exhortant les habitants de sa région à se montrer justes et à ne pas en vouloir aux habitants du nord dans leur totalité.
 

Mamoon Alabbasi a contribué à la rédaction de cet article.

Photo : des combattants yéménites du mouvement séparatiste du sud, loyaux au président exilé Abd Rabo Mansour Hadi, brandissent le drapeau de leur mouvement dans une rue du district de Khormaksar, à Aden, en juillet 2015 (AFP).

Traduction de l’anglais (original).

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