Sommet Biden-Bennett : un échange de vœux pieux entre deux dirigeants opposés à Netanyahou
La rencontre entre le président américain Joe Biden et le Premier ministre israélien Naftali Bennett, organisée vendredi 27 août, était pleine d’amabilités visant à projeter l’image d’une véritable amitié. Mais sur le plan pratique, ce sont deux discours empreints de vœux pieux qui ont convergé.
Il s’agissait de la première rencontre entre les deux nouveaux dirigeants, qui ont trente ans d’écart et partagent très peu de points communs en matière de valeurs, de vision du monde ou de stratégies politiques.
S’il y a une chose qui relie Biden, entré à la Maison-Blanche il y a sept mois, et Bennett, à la tête d’une coalition très étroite et fragile depuis juin, c’est bien leur ennemi commun, l’ancien Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.
Tous deux feront tout ce qui est en leur pouvoir pour s’assurer que Netanyahou, parti en vacances avec son épouse et son fils sur une île hawaïenne appartenant presque entièrement au milliardaire juif américain Larry Ellison, restera un chef d’opposition.
Au cours de cette entrevue, Biden espérait persuader Bennett de relancer, ne serait-ce que symboliquement, le processus de paix israélo-palestinien qui a été jeté aux oubliettes.
Le Premier ministre israélien, en revanche, s’est gardé de mentionner les Palestiniens, préférant tenter de convaincre le président américain que l’Iran cherche à devenir au plus vite un État du seuil nucléaire.
Cependant, le spectre de l’Afghanistan et la menace d’attaques terroristes contre les forces américaines planaient sur cette visite et l’ont éclipsée dans une large mesure.
Séduire un petit public de droite
En ce moment même, l’attention de Biden pour toute autre question est très limitée. La décision de la Maison-Blanche de reporter de 24 heures l’entrevue avec Bennett illustre bien les priorités actuelles des États-Unis. L’Afghanistan et le retrait ordonné des forces américaines d’ici fin août figurent en haut de la liste.
Avant de partir pour sa visite-éclair de 48 heures, Bennett a formulé des déclarations rappelant les propos de son prédécesseur Benyamin Netanyahou dans une interview accordée au New York Times.
Le Premier ministre israélien a réaffirmé son opposition à la reprise des négociations avec l’Autorité palestinienne (AP), son rejet d’un État palestinien et sa volonté de construire davantage de logements dans les colonies juives de Cisjordanie occupée.
Pour plaire à Israël, Biden a déclaré qu’il renoncerait à exiger des Israéliens un visa pour entrer sur le territoire américain
Mais il a également déclaré que l’annexion de la Cisjordanie occupée, préconisée par Netanyahou mais bloquée par le président américain Donald Trump, n’était pas à l’ordre du jour.
L’administration Biden s’oppose toutefois à toutes ces déclarations et politiques que Bennett formule en grande partie pour séduire un petit public de droite.
Biden veut geler complètement toute expansion des colonies juives, reprendre les pourparlers de paix et, avec l’aide de la CIA, améliorer la coopération palestino-israélienne en matière de sécurité dans la lutte contre le Hamas et le Jihad islamique.
Le projet de rétablissement de l’aide financière versée à l’AP, interrompue sous l’ère Trump, et de réouverture du consulat américain à Jérusalem-Est occupée, également fermé durant cette période, figure également en bonne place dans le programme américain.
Pour plaire à Israël, Biden a déclaré qu’il renoncerait à exiger des Israéliens un visa pour entrer sur le territoire américain et qu’il réapprovisionnerait Israël en missiles pour son système Dôme de fer, en nombre insuffisant depuis les combats avec le Hamas en mai.
L’Iran et ses aspirations nucléaires sont également une source de divergences d’opinion entre les deux dirigeants. Néanmoins, les deux hommes ont convenu que leurs différends seraient gérés calmement en coulisses, et non à travers des coups de sang publics, comme Netanyahou en avait l’habitude.
Des objectifs très limités
En ce qui concerne l’Iran, Israël a une liste de souhaits en trois volets à soumettre aux États-Unis :
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Faire reculer – ou du moins réduire – l’effort iranien en vue de l’hégémonie régionale ainsi que son implication à travers ses intermédiaires et milices chiites dans les affaires intérieures des pays du Moyen-Orient.
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Empêcher l’Iran de fournir des armes aux groupes chiites et sunnites du Moyen-Orient, notamment le Hezbollah, le Hamas et le Jihad islamique, les Houthis et les Kataeb Hezbollah, un groupe paramilitaire opérant en Irak avec le soutien de l’Iran.
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Accepter de bombarder les sites nucléaires de l’Iran en dernier recours si les pressions économiques et diplomatiques visant à entraver ses activités ne suffisent pas.
Bennett sait toutefois que Biden a des objectifs très limités. Son administration s’oppose à la fourniture d’armes par l’Iran et à ses activités qui déstabilisent la région, mais il n’a pas l’intention d’agir unilatéralement et militairement.
Une chose est sûre : Biden ne fera pas ce que ses trois prédécesseurs se sont abstenus de faire, à savoir bombarder les sites nucléaires iraniens
L’époque où les États-Unis jouaient le rôle de gendarme du monde s’est lentement estompée depuis le mandat de George W. Bush, puis sous Barack Obama et Trump. Aujourd’hui, sous la présidence de Biden, l’infuence des États-Unis dans la région s’est largement évaporé.
Au cours de l’entrevue de 50 minutes avec Bennett, Biden a réaffirmé son refus de permettre à l’Iran d’acquérir des armes nucléaires. « Nous privilégions la diplomatie et nous verrons où cela nous mène. Mais si la diplomatie ne suffit pas, nous sommes prêts à nous tourner vers d’autres options », a-t-il déclaré sans entrer dans les détails.
Une chose est sûre : Biden ne fera pas ce que ses trois prédécesseurs se sont abstenus de faire, à savoir bombarder les sites nucléaires iraniens.
Bennett et ses conseillers spécialistes des questions militaires et de renseignement savent très bien que l’administration Biden souhaite vivement que l’Iran revienne dans l’accord sur le nucléaire conclu en 2015 avec les six grandes puissances, un accord que Trump a déchiré.
Sur le plan rhétorique, Israël s’oppose au retour de l’accord sur le nucléaire mais est prêt à accepter cette réalité. Pourtant, Israël espère aussi que l’accord sera tout au moins amendé de manière à renforcer la surveillance internationale et à l’assortir de clauses punitives si l’Iran est déclaré coupable de violations de ses engagements.
Ils savent également qu’Israël dispose d’options militaires et de scénarios très limités pour attaquer les installations nucléaires de l’Iran. Il est certain que cela ne se produira pas tant que les États-Unis s’y opposeront.
Entre 2015 et 2018, date à laquelle Trump est sorti de l’accord, l’Iran a commis plusieurs violations, mais les États-Unis sous Obama et les autres grandes puissances ont fermé les yeux.
Israël a décroché un lot de consolation lors du premier tête-à-tête entre Biden et Bennett, puisque les services de renseignement et les armées des deux camps ont convenu d’accroître leur coopération stratégique afin de mettre à nu le comportement de l’Iran dans la région et ses ambitions nucléaires.
Ainsi, des opérations plus secrètes du Mossad et de la CIA sont attendues tant que l’Iran adoptera une posture agressive sous la houlette de son nouveau président Ebrahim Raïssi, issu du camp de la ligne dure. Avant toute chose, l’entrevue à Washington a prouvé qu’en dépit des désaccords, les États-Unis restent un allié fort et important d’Israël.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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