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Contrairement aux idées reçues, les immigrés contribuent plus qu’ils ne coûtent

Un rapport sur l’incidence budgétaire de l’immigration dans les pays de l’OCDE montre que la contribution des immigrés sous la forme d’impôts et de cotisations a été supérieure aux dépenses publiques consacrées à leur protection sociale, leur santé et leur éducation
La Caisse d’allocations familiales (CAF) de Belfort, dans l’est de la France, le 25 janvier 2017 (AFP/Sébastien Bozon)
La Caisse d’allocations familiales (CAF) de Belfort, dans l’est de la France, le 25 janvier 2017 (AFP/Sébastien Bozon)

Une idée reçue, largement diffusée par les courants d’extrême droite européens, décrit l’immigré sous les traits d’un parasite social qui vit sur le dos des contribuables en profitant allègrement du système et des aides de l’État.

En période électorale, comme actuellement en France, ce leitmotiv polarise le débat politique. La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, considère ainsi qu’il faut arrêter d’attribuer les allocations familiales aux étrangers.

Idem pour le polémiste Éric Zemmour, qui appelle par ailleurs à la suppression de l’aide médicale de l’État (AME), un dispositif d’accès aux soins pour les immigrés en situation irrégulière, affirmant sur Twitter que « l’hôpital public est assiégé par une population venue du monde entier ».

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Zemmour estime aussi que la fraude à l’aide sociale, dont il accuse les immigrés, atteint 50 milliards d’euros. Or ce chiffre est 50 fois plus élevé que le préjudice annoncé par les principaux organismes sociaux en 2019.

Il s’avère en fait que les immigrés ne constituent guère une charge financière pour leurs pays d’accueil. Bien au contraire. Une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) vient de le démontrer en affirmant que la contribution des immigrés sous la forme d’impôts et de cotisations était supérieure aux dépenses publiques consacrées à leur protection sociale, leur santé et leur éducation.

L’étude figure dans le rapport 2021 sur les « Perspectives des migrations internationales », publié en octobre dernier. Elle traite de l’impact budgétaire de l’immigration dans 25 pays de l’OCDE (22 pays de l’Union européenne, les États-Unis, le Canada et l’Australie) au cours de la période allant de 2006 à 2018.

Des dépenses publiques qui profitent surtout aux natifs

« De façon générale, la contribution des immigrés est suffisamment importante (un peu plus de 1 % du PIB en moyenne) pour couvrir entièrement leur part des dépenses publiques consacrées aux biens publics congestibles (soumis à congestion comme la police et la justice) et pour financer en partie les biens publics purs, tels que la défense et les frais de la dette publique, dans une grande majorité de pays. En 2017, la contribution des immigrés au financement des biens publics purs a représenté un total de 547 milliards [de dollars] dans les 25 pays inclus dans l’analyse », souligne le rapport.

Ce dernier précise en outre que dans presque tous ces pays, les dépenses publiques per capita profitent généralement plus aux natifs qu’aux étrangers.

« Il est vrai que les immigrés reçoivent plus d’aide sociale mais ils sont sous-représentés dans des dépenses qui pèsent très lourd sur le budget de l’État, comme la santé [et] l’éducation »

- Jean-Christophe Dumont, chef de la division Migrations de l’OCDE

« Les dépenses par habitant au titre de la vieillesse et de la survie, de la maladie et de l’invalidité, de l’éducation et de la santé sont moins élevées pour les personnes nées à l’étranger que pour les personnes nées dans le pays. À l’inverse, les dépenses par habitant au titre de la famille et des enfants, du droit au chômage, de l’exclusion sociale et du logement sont en moyenne plus élevées pour les personnes nées à l’étranger », précise l’étude.

« Il est vrai que les immigrés reçoivent plus d’aide sociale mais ils sont sous-représentés dans des dépenses qui pèsent très lourd sur le budget de l’État, comme la santé, parce qu’ils sont plus jeunes, et l’éducation, car étant déjà adultes à leur arrivée dans les pays d’accueil », explique Jean-Christophe Dumont, chef de la division Migrations de l’OCDE, à Middle East Eye.

L’expert regrette que le débat politique soit focalisé uniquement sur ce que dépense l’État pour les immigrés.

« Il y a un double biais dans le regard qui est porté sur l’immigration. Souvent, on ne regarde que les prestations sociales versées aux immigrés. Mais si on veut faire un calcul, il faudra mettre ces droits au regard des devoirs et donc de la contribution des immigrés. Et c’est ce qui n’est généralement pas fait », ajoute-t-il.

Combler l’écart en matière d’accès à l’emploi

Le rapport révèle, à ce propos, que dans la quasi-totalité des pays analysés, plus de la moitié des immigrés sont d’âge de forte activité (25-54 ans) et constituent la catégorie dont la contribution budgétaire nette est la plus favorable, même si le montant de leurs cotisations est moins important à cause de leur forte exposition au chômage et de la nature précaire de leurs emplois.

« L’écart budgétaire entre les immigrés et les personnes nées dans le pays qui appartiennent à des classes d’âge de forte activité tient davantage aux cotisations moindres des immigrés qu’à des dépenses publiques accrues consacrées aux étrangers, et cet écart est plus marqué chez les personnes très instruites », note l’OCDE.

« Les taux d’emploi inférieurs des immigrés représentent d’importantes pertes de contributions fiscales dans de nombreux pays de l’OCDE » (AFP/Georges Gobet)
« Les taux d’emploi inférieurs des immigrés représentent d’importantes pertes de contributions fiscales dans de nombreux pays de l’OCDE » (AFP/Georges Gobet)

Pour améliorer la contribution budgétaire des immigrés, le rapport préconise de combler l’écart en matière d’accès à l’emploi entre les immigrés et les natifs qui se trouvent dans la même catégorie d’âge et ont un niveau d’études similaire, en soulignant que « les taux d’emploi inférieurs des immigrés représentent d’importantes pertes de contributions fiscales dans de nombreux pays de l’OCDE ».

L’étude montre par exemple que les gains les plus importants en matière de contribution budgétaire nette des immigrés entre 2006 et 2018 ont été relevés dans des pays qui ont attiré d’importants flux de migrants de travail, en particulier des migrants hautement qualifiés.

« La nature et les canaux de l’immigration sont déterminants. La Suède, par exemple, a accueilli ces dernières années un certain nombre de réfugiés qui auront besoin de temps pour être intégrés dans le marché du travail. À l’inverse, d’autres États sont très sélectifs dans le choix des immigrés, comme le Canada, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis », développe Jean-Christophe Dumont.

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Selon lui, la contribution fiscale des immigrés reflète aussi la situation économique du pays. « Dans les pays qui ont un faible taux de chômage comme les Pays-Bas, cette contribution est plus importante », précise-t-il.  

Le rapport affirme de son côté que « la contribution budgétaire nette totale des immigrés, de même que celle des personnes nées dans le pays, suit généralement la même courbe ».

« Si dans de nombreux pays de l’OCDE, les immigrés ont davantage perdu leur emploi pendant la crise financière mondiale, leur situation budgétaire s’est détériorée de la même manière que celle des personnes nées dans le pays », fait remarquer Jean-Christophe Dumont.

L’étude conclut en demandant aux États de l’OCDE d’accroître les investissements pour l’insertion des immigrés sur le marché du travail, notamment après la crise du COVID-19, estimant que ces financements sont utiles et largement rentables sur le plan budgétaire.

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