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Naftali Bennett : le faucon de la droite israélienne à deux doigts du pouvoir

L’ancien ministre de la Défense a déclaré ne pas avoir de problème avec le fait de tuer des Arabes et a exhorté au bombardement de Gaza. Il semble en bonne voie pour mettre fin aux douze années de Netanyahou au pouvoir
Le chef du parti israélien Yamina, Naftali Bennett, arrive à la Knesset (AFP)

En transférant son soutien de Benyamin Netanyahou au chef de l’opposition Yaïr Lapid, et en s’assurant très probablement le poste de Premier ministre, Naftali Bennett attire l’attention non seulement des médias israéliens mais aussi de la presse internationale.

Devenir Premier ministre après douze ans de Netanyahou serait un grand événement pour Israël et le monde, mais cela ne se fera pas sans heurts. Lapid, bien qu’ami personnel de Bennett, forme une grande coalition de petits partis politiques fragmentés allant de la gauche à l’extrême droite. Exercer le pouvoir ne sera pas simple.

En tant qu’homme politique associé au mouvement juif orthodoxe nationaliste, lequel s’efforce d’étendre les frontières de l’État d’Israël pour des raisons théologiques, Bennett fait partie des dirigeants de la droite israélienne.

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À maintes reprises, il a promis à ses électeurs de ne pas former de coalition avec les partis qualifiés de « gauche », allant de Yesh Atid (le parti centriste de Lapid) au parti Meretz (dirigé par Nitzan Horowitz). Mais ces derniers jours, Bennett a rompu ses promesses de campagne et annoncé son intention de rejoindre la coalition de Lapid, qui comprend des personnalités de gauche et des citoyens palestiniens d’Israël, en échange de sa nomination au poste de Premier ministre.

En 1996, Bennett était officier de l’armée et a demandé un bombardement d’artillerie pour couvrir la retraite de son unité près du village de Kafr Kana au Liban. Ce barrage a tué plus d’une centaine de civils libanais. Bennett fut alors traité de lâche pour avoir ordonné le retrait et l’appui de l’artillerie.

Comme de nombreux autres grands acteurs politiques israéliens, tels que le procureur général Avichaï Mandelblit et Avigdor Lieberman du parti Israel Beytenou, Bennett a commencé sa carrière politique en étant chef du bureau de campagne de Netanyahou, brièvement en 2005 quand le chef du Likoud dirigeait l’opposition.

Cela lui a ouvert la voie vers la direction du parti orthodoxe nationaliste associé avec le mouvement des colons, alors appelé le Foyer juif.

Il a présidé le conseil de Yesha, l’alliance de municipalités des colonies illégales israéliennes en Cisjordanie occupée, qui est une sorte de direction officieuses du mouvement des colons.

Un dirigeant singulier

En tant que politique, Naftali Bennett a développé l’image d’un homme embourbé dans ses contradictions internes, un homme qui tente de se montrer dur et belliqueux mais n’arrive pas à endosser ce rôle. Il dirige le mouvement des colons, mais vit lui-même à Ra’anana, du côté israélien de la ligne verte. En tant que millionnaire et ancien responsable de start-up, c’est un dirigeant singulier pour le mouvement des colons.

Bennett dirige un mouvement religieux, mais sa femme était laïque. En 2014, alors ministre de l’Éducation, il avait encouragé un bombardement plus brutal de la bande de Gaza pendant le conflit. Lors de l’invasion israélienne, Bennett a utilisé ses liens avec des rabbins de l’armée afin d’obtenir des informations que l’armée et le Premier ministre ne partageaient pas selon lui avec le cabinet.

Les déclarations publiques de Bennett sont calculées pour le positionner du côté belliqueux, raciste et religieux de la politique israélienne

Les déclarations publiques de Bennett sont calculées pour le positionner du côté belliqueux, raciste et religieux de la politique israélienne. Il a notoirement assuré en 2013 : « J’ai tué de nombreux Arabes dans ma vie et ça ne pose aucun problème » et aussi « les Palestiniens sont comme un fragment [de bombe] dans le derrière ». En 2018, il a menacé de bombarder le Liban et de le renvoyer à l’âge de pierre.

En 2017, il a comparé les parents juifs qui manifestaient contre l’endoctrinement religieux dans les écoles israéliennes aux « chrétiens qui blâment les juifs pour la crucifixion du Christ » et a qualifié les juifs à tendance de gauche d’« auto-antisémites ».

Cependant, ces déclarations n’ont pas empêché les émissions satiriques de se moquer de lui, le traitant d’immature, de susceptible et de mou. Un enregistrement de 2018 dans lequel on entend Netanyahou le qualifier de « roquet » a été révélé en 2020, ce à quoi Bennett a répondu en disant que « les attaques personnelles ne [le] blessent pas ». D’étranges vidéos de campagne le montrant déguisé en hipster avec une fausse barbe ou parlant à un pigeon sont venues alimenter son image de bouffon.

En avril 2019, pour les premières des quatre séries d’élections israéliennes en espace de deux ans, Bennett a été humilié en ne remportant pas le moindre siège lorsque son parti Nouvelle droite n’a pas franchi le seuil électoral.

Les complexités

Bennett s’est vu confier divers portefeuilles ministériels sous Netanyahou : ministre des Services religieux, de Jérusalem, de l’Économie, de la Diaspora, de l’Éducation et enfin ministre de la Défense.

Il est de notoriété publique que Bennett désirait ardemment ce dernier poste mais n’a été ministre de la Défense que pendant quelques mois, entre novembre 2019 et mai 2020. Pendant cette période, il a principalement supervisé les bombardements réguliers des cibles iraniennes en Syrie, qui selon lui ont réduit de 30 % la présence des forces soutenues par les Iraniens dans ce pays en guerre. Une célèbre photo de Bennett l’air courroucé prise à cette période lui a valu d’être encore raillé.

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La famille de Bennett vient des États-Unis et il a donné énormément d’interviews à la presse internationale anglophone affirmant que la Bible accorde aux juifs la propriété de la Palestine. Dans l’une de ces interviews, il agitait une pièce ancienne avec des inscriptions en hébreu en affirmant que cela prouvait ses allégations. Bennett a déclaré à Mehdi Hasan d’Al Jazeera que les musulmans devaient accepter le contrôle juif de la Terre sainte en vertu de leur foi.

Le parti de Bennett, Yamina (« vers la droite »), n’a remporté que 7 des 120 sièges du Parlement israélien, la Knesset, lors des élections du mois de mars. L’un de ses députés, Amichai Chikli, s’est engagé à voter contre un gouvernement de coalition avec les « gauchistes » et les « Arabes », et ne rejoindra pas la coalition de Lapid.

Certains électeurs de Yamina ont vivement réagi à l’abandon par Bennett de la droite menée par Netanyahou, laquelle ne semble pas en position de former un gouvernement de son côté. Ils ont manifesté devant sa maison, et Bennett a même reçu des menaces de mort, le contraignant à accepter une protection.

Naftali Bennett a peut-être trouvé un moyen de devenir Premier ministre (tant que durera cette coalition précaire), mais ce faisant, il a perdu sa propre base.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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