Amnesty International dénonce les restrictions discriminatoires contre les députés palestiniens de la Knesset
« Les autorités israéliennes doivent mettre fin aux restrictions discriminatoires visant les députés palestiniens à la Knesset, et veiller à ce que le droit à la liberté d’expression soit respecté », a appelé Amnesty International, le 4 septembre, dans un rapport intitulé Des mesures discriminatoires nuisent à la représentation des Palestiniens à la Knesset.
« Les députés palestiniens sont la cible d’une discrimination profondément enracinée et de restrictions injustifiées »
- Saleh Higazi, Amnesty International
Ce rapport pointe les différentes pratiques discriminatoires à l’encontre des députés palestiniens du Parlement israélien alors que se préparent les législatives du 17 septembre en Israël.
« Les députés palestiniens à la Knesset font de plus en plus souvent l’objet d’attaques discriminatoires. Alors qu’ils ont été élus démocratiquement, tout comme leurs homologues israéliens juifs, les députés palestiniens à la Knesset sont la cible d’une discrimination profondément enracinée et de restrictions injustifiées qui nuisent à leur capacité de défendre les droits du peuple palestinien », a déclaré Saleh Higazi, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.
L’organisation relève plusieurs législations, règlements internes et pratiques au sein de la Knesset jugés discriminatoires vis-à-vis des députés palestiniens.
« Une épée suspendue au-dessus de nos têtes »
L’ONG cite notamment une modification de la législation datant de 2016 qui « prévoit que les membres de la Knesset peuvent décider à la majorité des voix d’exclure des députés palestiniens élus, ce qui signifie que les députés palestiniens qui expriment des opinions politiques pacifiques jugées inacceptables par la majorité des députés peuvent être exclus du Parlement ».
Un député palestinien a déclaré à Amnesty : « Il s’agit d’une épée suspendue au-dessus de nos têtes par les membres de la Knesset qui sont opposés à nous politiquement ».
Le rapport note aussi « le discours clivant des représentants politiques israéliens à l’égard de leurs homologues palestiniens ».
L’inégalité codifiée et institutionnalisée
« Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a ouvertement déclaré : ‘’Israël n’est pas un État pour tous ses citoyens [...] Il est l’État-nation du peuple juif uniquement’’. Il a aussi déclaré que les partis politiques palestiniens essaient d’éradiquer l’État d’Israël », peut-on lire dans le rapport.
La loi sur « l’État-nation » (appelée par le passé « loi fondamentale : Israël, État-nation du peuple juif » ), qui est entrée en vigueur en 2018, dispose qu’Israël est l’État-nation du peuple juif, et inscrit dans la Constitution l’inégalité et la discrimination à l’égard des non-juifs.
En dix points, cette loi dessine un régime politique où le caractère juif de l’État l’emporte désormais sur la démocratie.
La loi énonce, entre autres, qu’Israël est la patrie historique du peuple juif, que la capitale d’Israël est le grand Jérusalem réunifié, que la langue officielle est l’hébreu et qu’Israël encouragera la colonisation juive.
Or, vivent en Israël environ 1,6 million de citoyens non juifs, arabes de nationalité et israéliens de citoyenneté, Israël distinguant en effet entre nationalité et citoyenneté. Si la déclaration d’indépendance israélienne de 1948 pose que l’État « assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe », c’est bien une vision ethniciste que vient entériner cette loi fondamentale.
Discours stigmatisants
Pour rappel, en février 2014, Israël a adopté un projet de loi qui, pour la première fois, fait la distinction entre les citoyens arabes de confession musulmane et ceux d’obédience chrétienne, suscitant des protestations palestiniennes.
Le texte élargit la Commission nationale sur l’égalité des chances dans l’emploi de cinq à dix membres, accordant des sièges distincts à des représentants des travailleurs chrétiens et musulmans de la communauté arabe israélienne.
« Nous avons beaucoup en commun avec les chrétiens. Ils sont nos alliés naturels, un contrepoids aux musulmans qui veulent détruire le pays de l’intérieur », a déclaré le parrain de ce projet de loi, Yariv Levin, du parti Likoud (droite nationaliste).
« Les autorités israéliennes ont intensifié leur discours incitant à la division à l’encontre des minorités et des communautés marginalisées »
- Amnesty International
« Ces dernières années, les autorités israéliennes ont intensifié leur discours incitant à la division à l’encontre des minorités et des communautés marginalisées, réduisant la marge de manœuvre pour les personnes qui veulent défendre les droits des Palestiniens », relève Amnesty.
« Elles menacent et diffament les défenseurs des droits humains palestiniens et israéliens, les organisations de la société civile et les organisations internationales telles qu’Amnesty International. »
« Traîtres », « hors-la-loi »
Autre pratique dénoncée par l'ONG : « De hauts représentants du gouvernement israélien et des députés israéliens recourent régulièrement à des propos incendiaires et stigmatisants pour décrire leurs homologues palestiniens, cherchant ainsi apparemment à ôter toute légitimité à ces personnes et à leur travail. »
« Les députés palestiniens qui ont osé critiquer la politique israélienne ont été qualifiés de ‘’traîtres’’ et des appels ont été lancés pour qu’ils soient considérés comme des ‘’hors-la-loi’’ ou jugés pour ‘’trahison’’. »
Par ailleurs, Amnesty explique que le règlement intérieur de la Knesset, qui visait à l’origine à faire respecter des pratiques éthiques, « a été utilisé à mauvais escient pour restreindre indûment le droit à la liberté d’expression des députés palestiniens ».
« Deux députés palestiniens n’ont pas pu faire un voyage à l’étranger avec des fonds provenant d’ONG inscrites sur une ‘’liste noire’’ du gouvernement israélien, en raison d’une modification apportée en 2018 aux règles d’éthique de la Knesset interdisant d’effectuer un voyage si ce voyage est financé par une entité ‘’appelant au boycott de l’État d’Israël’’ ».
En Israël, la loi autorise les poursuites en dommages-intérêts contre les partisans du Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), même si aucun préjudice économique n’est prouvé.
L’AFP a remarqué ce paradoxe : « En 2015, [les députés palestiniens] ont enregistré leur plus large victoire en emportant treize sièges sur les 120 de la Knesset. Mais depuis, ils ne se sont jamais sentis autant visés et impuissants. »
Depuis 2011, quatre propositions de loi au moins portant sur les droits des Palestiniens, y compris leur droit de participer à la vie publique, ont été invalidées avant même d’avoir été soumises à débat au Parlement.
« Comme Israël commet systématiquement des violations des droits humains contre les Palestiniens en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, il est indispensable qu’au Parlement, les voix palestiniennes soient entendues, prises en considération et respectées », avertit Amnesty International.
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