« C’est une trahison » : la double nationalité de Youssef Chahed passe mal auprès de certains Tunisiens
« Pendant trois ans, vous avez gouverné la Tunisie avec une double nationalité sans nous avoir rien dit. C’est une trahison. » Sur la page Facebook de Youssef Chahed, un internaute s’énerve.
Mardi 20 août, le chef du gouvernement tunisien, un des principaux candidats à la présidentielle anticipée prévue le 15 septembre, révèle avoir renoncé à la nationalité française avant le dépôt de sa candidature, comme le demande la Constitution.
« Comme des centaines de milliers de Tunisiens qui ont résidé et travaillé à l’étranger j’avais une deuxième nationalité », a écrit Youssef Chahed sur sa page Facebook.
Il a également appelé les autres candidats possédant une autre nationalité à effectuer « la même procédure », à savoir déposer une demande pour renoncer à l’une des deux.
En Tunisie, cette annonce a suscité des réactions mitigées. Une partie de l’opinion publique estime que Youssef Chahed aurait dû informer les Tunisiens de sa binationalité avant sa prise de fonction.
« Il est inacceptable » que Youssef Chahed « n’ait jamais fait mention de sa double nationalité, donc double subordination et donc double allégeance alors que ce type occupait le poste de pouvoir le plus important du pays » commente un internaute.
Certains ont même remis en question la « tunisianité » de Youssef Chahed. D’autres ont détourné le slogan de sa campagne et le nom du parti qui le soutient, Tahya Tounes !, en « Vive la Tunisie… et la France ! »
Traduction : « Vive la Tunisie… et la France ! »
Certains binationaux Tunisiens estiment en revanche que cette polémique est « un faux problème » entraînant « l’opinion publique vers des thèmes malsains et des divisions fatales ».
Karim Azouz, ancien consul général de Tunisie à Paris, binational, a critiqué « l’instrumentalisation » de cette polémique.
« Comme plusieurs centaines de milliers de mes compatriotes, je suis binational et je suis effaré par la façon dont certains candidats ont instrumentalisé le sujet pour prouver leur amour de la patrie en insinuant que la double nationalité est une tare à cacher tant qu’on ne l’a pas corrigé ou un accident à réparer » a-t-il affirmé.
L’article 74 de la Constitution stipule que si le candidat à la présidentielle « est titulaire d’une autre nationalité que la nationalité tunisienne, il doit présenter dans le dossier de candidature un engagement stipulant l’abandon de l’autre nationalité à l’annonce de son élection en tant que président de la République ».
Jeudi 22 août, lors d’une intervention à la télévision publique tunisienne, Youssef Chahed a par ailleurs déclaré avoir « décidé de déléguer ses pouvoirs de chef du gouvernement au ministre de la Fonction publique jusqu’à la fin de la campagne électorale ». Celle-ci est prévue du 2 au 13 septembre.
Prévue en fin d’année, cette élection a été avancée à la suite du décès du président Béji Caïd Essebsi.
Cette décision a été prise « dans le souci d’assurer la transparence dans le processus électoral et pour éviter tout conflit d’intérêt », a déclaré Youssef Chahed, devenu en 2016, à 40 ans, le plus jeune Premier ministre de la Tunisie.
Le premier tour du scrutin présidentiel aura lieu le 15 septembre. Vingt-six candidatures, dont celle de Youssef Chahed, ont été validées et 71 écartées au terme d’un examen préliminaire des dossiers, a annoncé le 14 août l’Instance chargée des élections en Tunisie (ISIE). La liste finale sera publiée le 31 août.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].