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Du cœur de la Bretagne, 60 ans de cinéma algérien vous contemplent

Le Festival de cinéma de Douarnenez consacre à l’Algérie sa 42e édition, du 17 au 24 août, avec une programmation remarquable qui met habilement en lien le travail des jeunes cinéastes avec les increvables classiques des années 60, 70 et 80
Affiche de la 42e édition du Festival de cinéma de Douarnenez
Par MEE

Le soulèvement populaire et pacifique en cours en Algérie depuis le 22 février 2019 n’a rien à voir avec le choix de faire du « peuple algérien » le thème central de la 42e édition du Festival de cinéma de Douarnenez, en Bretagne (France).

Les organisateurs de ce festival avaient pris cette décision avant le déclenchement du hirak en Algérie, « il y a plus d’un an », affirme à Middle East Eye Christian Ryo, le directeur du festival.

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« L’idée était de reprendre des nouvelles de ceux que nous considérons comme nos sœurs et frères qui luttent pour ne pas être désappropriés de leur environnement (naturel, culturel, social, linguistique…) », explique-t-il.

Des réalisateurs algériens comme Habiba Djahnine (Lettre à ma sœur, Avant de franchir la ligne d’horizon) et Malek Bensmaïl (La Chine est encore loin, La bataille d’Alger, un film dans l’histoire) ont été régulièrement invités par le passé au Festival de Douarnenez.

« Il y avait donc aussi l’idée de poursuivre cette collaboration avec eux et de s’intéresser à ce cinéma dont ils nous avaient parlé », poursuit Christian Ryo, pour qui un autre lien fort entre les organisateurs du Festival de Douarnenez et les cinéastes algériens est le nom et l’œuvre engagée du réalisateur français René Vautier.

« Il ne faut pas oublier que René Vautier était breton, très important pour le développement du cinéma en Bretagne et en Algérie et familier du festival. Par lui, le lien entre le cinéma algérien et le cinéma en Bretagne existe depuis longtemps. »

Tout au long de sa vie, le réalisateur breton René Vautier s’est opposé avec virulence au colonialisme français (AFP)
Tout au long de sa vie, le réalisateur breton René Vautier s’est opposé avec virulence au colonialisme français (AFP)

Avoir 20 ans dans les Aurès (1972) de René Vautier est donc au programme, ainsi que Une si jeune paix (1964) de Jacques Charby et La bataille d’Alger (1966) de Gillo Pontecorvo, qu’il sera intéressant de revoir avec la perspective de l’excellent documentaire de Malek Bensmaïil, La bataille d’Alger, un film dans l’histoire (2017).

Le public du Festival de Douarnenez pourra également (re)découvir d’autres classiques du cinéma algérien des années 70 et 80, comme Tahia ya Didou (1971) de Mohamed Zinet, Omar Gatlato (1976) de Merzak Allouache ou encore Nahla (1979) de Farouk Beloufa.

Damien Ounouri et Adila Bendimerad, réalisateur et actrice principale de Kindil el Bahr (Eric Catarina)
Damien Ounouri et Adila Bendimerad, réalisateur et actrice principale de Kindil el Bahr (Eric Catarina)

Des réalisateurs parmi ceux qui font le meilleur du cinéma algérien contemporain, de fiction ou documentaire, sont présents avec leur film pour débattre avec le public : Hassen Ferhani avec Dans ma tête un rond-point (2015), Bahia Bencheikh El-Fegoun avec Fragments de rêves (2017), Karim Moussaoui avec En attendant les hirondelles (2017) et Nadir Dendoune avec Des figues en avril (2018).

Si le festival a choisi de démarrer en trombe avec l’un des chefs-d’œuvre de la comédie slapstick algérienne, l’hilarant, trépidant et subtil Mascarades (2008) de Lyes Salem, il n’oublie pas le sombre, mélancolique et sensuel Viva Laldjérie (20014) de Nadir Moknèche et deux films contemporains en passe de devenir des films culte : Kindil el bahr (2016) de Damien Ounouri et Les bienheureux (2017) de Sofia Djama.

Derwisha (2018), éloquent documentaire de Leïla Beratto et Camille Millerand, s’intéresse à l’Algérie sub-saharienne, tandis que Atlal (2016), de Djamel Kerkar, ose une incursion dans la mémoire des décombres de la guerre civile algérienne dans les années 90.

Lyes Salem, 46 ans, réalisateur de la comédie Mascarades (2008)
Lyes Salem, 46 ans, réalisateur de la comédie Mascarades (2008)

Cette « traversée du cinéma algérien » permet, comme le soulignent les organisateurs, de « repérer quelques préoccupations dominantes : la place, le rôle et le quotidien des Algériennes, la confrontation des Algérien-nes à un mythe national peu propice à l’émancipation, une diversité de cultures, de langues qui s’entrecroisent et donnent une Algérie créole, un aller-retour permanent, physiquement et/ou symboliquement, entre l’Algérie et la France pour nombre d’Algérien-nes… ».

Une « traversée » qui a aussi le mérite de faire intelligemment le lien entre le passé cinématographique algérien et son présent, profondément imprégnés de l’idée de lutte et de révolte contre l’injustice, l’esprit même du hirak qui secoue pacifiquement le pays depuis près de six mois maintenant.

La bande annonce de la 42e édition du Festival de cinéma de Douarnenez, avec la musique de KasbaH, est la plus belle des invitations à cette immersion collective dans le cinéma algérien.

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