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La tension monte dans le Golfe après des « actes de sabotage » contre des pétroliers saoudiens

Des navires saoudiens ont été la cible de mystérieux « actes de sabotage » dans le port de Fujaïrah, seul terminal qui contourne le détroit d’Ormuz, par où passent la plupart des exportations de pétrole du Golfe
Le port de Fujaïrah (AFP)
Par AFP

Plusieurs navires ont été la cible de mystérieux « actes de sabotage » au large des Émirats arabes unis (EAU), selon Ryad et Abou Dabi, suscitant une montée des tensions dans le Golfe au moment où le secrétaire d’État américain Mike Pompeo est à Bruxelles pour discuter de l’Iran.

« Nous sommes très inquiets du risque qu’un conflit se produise par accident », a réagi lundi le ministre britannique des Affaires étrangères, Jeremy Hunt, avant de rencontrer ses homologues européens et Mike Pompeo.

Tôt lundi, les autorités d’Arabie saoudite, alliées de Washington, ont rapporté des « actes de sabotage » ayant endommagé des navires saoudiens au large des Émirats, autre pays proche des États-Unis qui viennent de renforcer leur présence militaire dans le Golfe dans le contexte iranien.

« Deux pétroliers saoudiens ont fait l’objet d’actes de sabotage dans la Zone économique exclusive [ZEE] des Émirats arabes unis, au large des côtes de l’émirat de Fujaïrah, alors qu’ils étaient sur le point de pénétrer dans le golfe d’Arabie », a déclaré le ministre de l’Énergie Khalid al-Falih, cité par l’agence SPA.

Dimanche, après avoir démenti, les Émirats avaient finalement fait état d’« actes de sabotage » contre quatre navires commerciaux de différentes nationalités à l’est de l’émirat de Fujaïrah, sans identifier les auteurs mais en qualifiant l’évènement de « grave ».

« Ces incidents en mer d’Oman sont alarmants et regrettables »

- Abbas Moussavi, porte-parole du ministère des Affaires étrangères

À Téhéran, les autorités iraniennes ont appelé à l’ouverture d’une enquête.

« Ces incidents en mer d’Oman sont alarmants et regrettables », a souligné Abbas Moussavi, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, en mettant en garde contre « l’aventurisme [d’acteurs] étrangers » pour perturber la navigation maritime dans la région.

« L’enquête sera menée de manière professionnelle », a assuré dans un tweet le ministre d’État émirati aux Affaires étrangères, Anwar Gargash. « Les faits seront indiqués clairement », a-t-il promis en soulignant qu’Abou Dabi avait déjà « sa propre lecture et ses propres conclusions ».

Toutes les places boursières du Golfe étaient en baisse lundi, y compris Ryad (-2,7 %), Dubaï (-3,7 %) et Abou Dabi (-3 %).

« Une incidence néfaste sur la paix et la sécurité »

La chaîne TV Sky News Arabia a diffusé des images d’un des deux navires saoudiens portant le nom d’Al Marzoqah. Un photographe de l’AFP a quant à lui pu prendre des photos du second bateau, dénommé Amjad. 

Le ministre saoudien de l’Énergie a déclaré que les actions contre les pétroliers saoudiens n’avaient causé ni victime ni marée noire, mais qu’ils avaient provoqué « des dégâts significatifs aux structures des deux navires ».

Un des deux pétroliers était en route pour être chargé de pétrole au terminal saoudien de Ras Tanura en vue d’une livraison à des clients américains, a-t-il précisé.

Ultérieurement, le ministère saoudien des Affaires étrangères a « condamné » un « acte criminel » qui constitue une « sérieuse menace » à la navigation maritime et a « une incidence néfaste sur la paix et la sécurité ».

Comme Abou Dabi, Ryad n’a désigné aucun responsable. Les deux pays n’ont pas non plus précisé la nature des « actes de sabotage ».

Dimanche, le gouvernement des Émirats arabes unis a appelé la communauté internationale à « prendre ses responsabilités pour empêcher que de telles actions soient commises par des parties cherchant à porter atteinte à la sécurité de la navigation ».

Le port de Fujaïrah est le seul terminal aux Émirats arabes unis situé sur la côte de la mer d’Arabie qui contourne le détroit d’Ormuz, par où passent la plupart des exportations de pétrole du Golfe.

L’Iran a, à plusieurs reprises, menacé de fermer le détroit d’Ormuz, crucial pour la navigation mondiale et le commerce pétrolier

L’Iran a, à plusieurs reprises, menacé de fermer ce détroit stratégique, crucial pour la navigation mondiale et le commerce pétrolier, en cas de confrontation avec les États-Unis.

L’annonce de ces incidents par deux proches alliés de Washington intervient dans un contexte de regain de tension entre Washington et Téhéran après le renforcement des sanctions américaines contre la République islamique, qui a, pour sa part, suspendu certains de ses engagements nucléaires.

Vendredi, le Pentagone a annoncé l’envoi dans la région d’un navire de guerre transportant des véhicules, notamment amphibies, et d’une batterie de missiles Patriot, s’ajoutant au déploiement d’un porte-avions et de bombardiers B-52.

Dimanche soir, le département d’État a annoncé que le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait décidé de se rendre lundi à Bruxelles pour discuter de « questions urgentes », et notamment de l’Iran, avec ses homologues européens. Il a annulé en conséquence son passage à Moscou.

Mike Pompeo avait déjà annulé ces derniers jours des déplacements à Berlin et au Groenland pour se consacrer au dossier iranien.

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Lundi, le secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe (CCG), Abdullatif al-Zayani, ainsi que l’Égypte, la Jordanie et Bahreïn – trois alliés de Ryad et d’Abou Dabi –, ont condamné les incidents.

« C’est un développement dangereux et une escalade caractérisant des intentions diaboliques », a commenté Abdullatif al-Zayani.

Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a aussi condamné avec la plus grande fermeté.

Le petit émirat de Fujaïrah dispose de deux terminaux pétroliers et d’un oléoduc qui fournit du pétrole en provenance d’Abou Dabi, où se trouve la majorité des réserves pétrolières des Émirats.

Cet oléoduc d’une longueur de 406 km permet d’acheminer 600 000 barils de brut par jour et surtout d’éviter le détroit d’Ormuz. Le port de Fujaïrah a une grosse capacité de stockage (70 millions de barils).

par Moumen Khatib avec René Slama à Dubai

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