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Tunisie : la crise du coronavirus, un contexte difficile pour le nouveau gouvernement

Les autorités tunisiennes doivent gérer la pandémie de coronavirus tout en tenant compte des changements intervenus depuis 2011 : transition démocratique, pluralisme, décentralisation, transparence. Une épreuve pour le nouveau gouvernement Fakhfakh
Les médecins et infirmières d’urgence du gouvernement tunisien de Ben Arous, formés pour gérer les cas de coronavirus COVID-19, quittent les locaux du ministère tunisien de la Santé (AFP)

Lors d’une conférence de presse, mercredi 11 mars, le nouveau chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, a appelé les citoyens à respecter les règles sanitaires à même de limiter la propagation du coronavirus.

Une phrase a retenu l’attention des médias et a été reprise sur les réseaux sociaux : « Nous ne voulons pas être contraints à la stricte application de la loi ! ». En effet, l’article 312 du code pénal punit de six mois de prison et d’une amende tout contrevenant aux interdictions et mesures de prophylaxie ou de surveillance prises en temps de pandémie.

Or, la majorité des patients testés positifs au COVID-19, sept officiellement à ce jour, n’ont pas respecté les mesures de confinement qui leur ont été imposées. Pire, un Franco-Tunisien de 85 ans, testé positif au virus, a réussi à « s’évader » d’une clinique où il avait été placé en quarantaine et à prendre un vol Tunisair pour Strasbourg !

Lors de la dernière crise sanitaire de cette ampleur, l’épidémie de H1N1 en 2009, la Tunisie était encore sous le régime de Ben Ali et pouvait prendre des mesures autoritaires sans avoir à se soucier de l’opinion publique. Aujourd’hui, le gouvernement sait qu’il doit rendre des comptes à tout moment et qu’il existe des contre-pouvoirs qui limitent sa marge de manœuvre.

Dès que le risque épidémique a été pointé, les autorités ont mis en place un certain nombre de mesures afin de protéger les Tunisiens. Mais quand il a été envisagé de confiner les cas suspects dans un hôtel désaffecté à Borj Cédria, dans la banlieue sud de Tunis, le conseil municipal de Hammam Chott (la commune qui abrite l’établissement) a vigoureusement protesté et menacé de démissionner en bloc, provoquant automatiquement des élections municipales anticipées.

Menace de démission

Depuis mai 2018, la Tunisie s’est engagée sur la voie de la décentralisation, en confiant plus de pouvoirs aux collectivités territoriales. Mais ce transfert de souveraineté ne se fait pas sans heurts et, en moins de deux ans, on compte une dizaine de dissolutions d’exécutifs locaux. Face au risque d’une nouvelle élection partielle, le gouvernement sortant de Youssef Chahed a préféré reculer.

Alors que l’Égypte connaît un développement inquiétant de l’épidémie sur son sol, un responsable du ministère de la Santé a proposé que le match retour opposant l’Espérance sportive de Tunis (EST) au club cairote du Zamalek se tienne à huis clos provoquant la colère des responsables de l’EST. Le public pourra donc assister à la rencontre.

https://twitter.com/dalizzoo/status/1235209525248110593

Par ailleurs, l’apparition du premier cas confirmé en Tunisie est intervenue à peine quelques jours après l’arrivée à la tête du département de la Santé d’un nouveau ministre, Abdelatif Mekki (Ennahdha). Celui qui a déjà occupé le poste entre 2011 et 2014 a décidé de jouer la carte de la transparence en parlant régulièrement à la presse pour rendre compte de l’évolution de la situation.

Et comme tout changement de ministre implique un mouvement de hauts fonctionnaires, les directeurs régionaux de la Santé publique tiennent quasi quotidiennement des conférences de presse pour tenir la population informée… et montrer à leur ministre de tutelle que leur remplacement n’est pas nécessaire.

Si le volontarisme des autorités est à saluer, le laxisme reste le point noir de cette gestion de crise. Comme le souligne le représentant de l’OMS en Tunisie, Yves Souteyrand, l’État est appelé à faire preuve d’autorité dans l’application des mesures sanitaires. Une situation peu enviable pour un gouvernement qui ne dispose pas d’une réelle majorité parlementaire capable de le soutenir.     

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