Jordanie : troisième remaniement ministériel en moins d’un an
Le Premier ministre jordanien Omar Razzaz avait demandé mercredi à ses ministres de présenter collectivement leur démission en vue d’un important remaniement gouvernemental prévu dans les prochains jours : ce jeudi, il vient de procéder à son troisième remaniement gouvernemental en moins d’un an.
Le roi Abdallah II a nommé Razzaz en juin 2018 à la suite de vastes protestations contre l’impôt sur le revenu qui ont traversé le pays à court d’argent. Razzaz a déjà remanié son cabinet à deux reprises au cours de ce mandat.
Le royaume a connu des manifestations régulières depuis mai dernier, lorsqu’un premier rassemblement massif s’est formé contre les politiques économiques du gouvernement et la corruption généralisée, entraînant la démission du Premier ministre Hani Moulki début juin.
Le bureau du Premier ministre a déclaré dans un communiqué que la demande de Razzaz faisait suite à l’idée que « la prochaine étape nécessitera davantage d’efforts pour surmonter les défis et concrétiser les projets du gouvernement ».
En octobre, Razzaz a fusionné six ministères et invité dix ministres à démissionner.
En janvier, il a également demandé à quatre ministres, dont les ministres de l’Éducation et du Tourisme, de présenter leur démission suite à des inondations qui ont frappé un autobus scolaire et tué 21 élèves lors d’un voyage à la mer Morte en décembre 2018.
L’ancien vice-Premier ministre jordanien Mamdouh al-Abbadi a déclaré à Middle East Eye que des ministres dotés d’une expertise politique devaient être intégrés au cabinet jordanien.
Une expertise politique
« Il y a beaucoup de ministres technocratiques, au même titre que le gouvernement actuel, qui s’est concentré sur les questions économiques. Ce n’est pas suffisant », a-t-il affirmé.
« Nous avons besoin que les chefs du gouvernement se confrontent aux répercussions politiques de l’‘’accord du siècle’’ et forment un front uni »
– Mamdouh al-Abbadi, ancien vice-Premier ministre
Selon Abbadi, la Jordanie a besoin de ministres qui soient des hommes politiques dotés d’une base populaire et disposés à s’adresser aux gens dans la rue.
« Nous avons aussi besoin que les chefs du gouvernement se confrontent aux répercussions politiques de l’‘’accord du siècle’’ et forment un front uni », a soutenu Abbadi, en référence au plan de paix israélo-palestinien du président américain Donald Trump qui devrait être rendu public après le Ramadan.
Il a ajouté que les ministres ayant une expertise politique pourraient communiquer de manière approfondie avec les partis, les ONG et le peuple.
La Jordanie lutte contre un taux de chômage en très forte hausse qui a atteint 18,6 % l’an dernier, une augmentation de l’inflation résultant des taxes sur les produits de première nécessité et une dette nationale qui s’élevait à 39 milliards de dollars en 2018.
Les protestations du Ramadan
Hassan Barari, analyste politique, explique à MEE que le gouvernement Razzaz devrait connaître des manifestations contre l’austérité et les hausses de taxes pendant le mois du Ramadan.
L’an dernier, des Jordaniens ont manifesté par milliers dans la capitale, Amman, après la rupture du jeûne au coucher du soleil.
« Ils ont besoin d’un gouvernement qui bénéficie d’un soutien populaire afin de pouvoir absorber toute protestation susceptible de se produire durant le Ramadan. C’est la raison pour laquelle Razzaz s’est débarrassé de certains de ses ministres », poursuit Barari.
Il a ajouté que le remaniement ministériel n’avait aucun lien avec l’« accord du siècle » et les dernières fuites israéliennes à ce sujet.
« La Jordanie n’est pas un acteur important en matière de politique étrangère et le changement de gouvernement est une question de politique intérieure », résume l’analyste. « En ce qui concerne l’accord de Trump, la cour royale et le roi ont mobilisé les Jordaniens en formulant des mises en garde. »
Traduit et actualisé de l’anglais (original) par VECTranslation.
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