L’Irak, nouvelle cible inavouée d’Israël contre l’Iran
C’est une véritable guerre aérienne que mène depuis un mois l’aviation israélienne en Irak, contre des dépôts d’armes et de supposées positions iraniennes ou pro-iraniennes.
Dimanche, un combattant du Hachd al-Chaabi a été tué par des drones non identifiés dans l’ouest de l’Irak, près de la frontière avec la Syrie, a indiqué cette coalition paramilitaire de milices à majorité chiite constituées en 2014 au plus fort de la guerre contre le groupe État islamique (EI).
Hachd al-Chaabi a accusé Israël d’être derrière cette attaque qui n’a pas été revendiquée.
Avant cette frappe, le 20 août 2019, c’est la base aérienne de Balad, où sont stationnés les F16 de l’armée de l’air irakienne, qui a été ciblée.
Les milices ciblées, Hachd al-Chaabi, sont ouvertement soutenues par l’Iran, en hommes et en équipements
Un dépôt d’armes et de munitions qui inclurait des missiles à longue portée a été réduit en cendres.
Cet entrepôt, qui se trouvait dans l’enceinte de la base, n’appartenait pas à l’armée irakienne mais aux Brigades de l’imam Ali, une milice qui dépend des Unités de mobilisation populaire (UMP), aussi connues sous le nom de Hachd al-Chaabi.
Les milices Hachd al-Chaabi sont ouvertement soutenues par l’Iran, en hommes et en équipements, et font partie, depuis fin 2016, de l’armée irakienne sous l’autorité directe du Premier ministre. Elles sont opposées à la présence des forces américaines, déployées en Irak dans le cadre de la coalition internationale sous commandement américain.
Quelques minutes après le bombardement, Abu Mahdi al-Muhandis, numéro deux de l’organisation, a publié un communiqué indiquant que les milices Hachd al-Chaabi étaient au courant de l’origine des frappes.
Selon lui, ce sont les États-Unis qui ont aidé l’armée israélienne à transporter quatre drones en Azerbaïdjan pour mener ces frappes de précision. Le lendemain, cette déclaration a été démentie par le numéro un de la coalition de milices, Falah Fayadh.
Le Pentagone a nié toute implication dans les explosions survenues en juillet dans des bases du Hachd al-Chaabi.
Premiers raids israéliens en Irak depuis 38 ans
Cette série de bombardements a en réalité débuté le 19 juillet et consiste en quatre frappes contre des positions appartenant aux milices Hachd al-Chaabi ou soupçonnées d’abriter des agents ou soldats iraniens.
Le 30 juillet 2019, le quotidien londonien Asharq Al-Awsat donne deux informations capitales sur le premier bombardement.
Le journaliste cite une source diplomatique occidentale qui pointe du doigt Israël comme responsable de l’attaque et indique que c’est en fait une attaque de drones.
L’information est contredite le lendemain par le quotidien israélien Haaretz, qui affirme que ce sont des avions furtifs F35 de la Force aérienne et spatiale israélienne qui ont détruit Camp Ashraf, à Diyala en Irak, le 28 juillet et la base d’Amirli le 19 juillet.
C’est officiellement le premier raid israélien sur l’Irak depuis l’opération Ofra qui détruisit le réacteur nucléaire d’Osirak en juin 1981.
Complicité de pays arabes voisins
Le raid ainsi avoué implique la complicité directe d’un ou de plusieurs pays arabes.
L’Arabie saoudite, la Jordanie, ou les deux, ont forcément dû autoriser le survol de leurs territoires à l’aviation israélienne. S’il y a eu raid aérien, il serait même logique que la Russie et les États-Unis soient au courant, vu le nombre de radars qu’ils ont installés dans la région.
Bis repetita le 12 août après le bombardement de Camp Falcon, au sud de Bagdad : un entrepôt des milices Hachd al-Chaabi est réduit en cendres.
Cette fois, la frappe secoue les habitants de la capitale irakienne et provoque un large mouvement de panique.
Cette dernière attaque a aussi provoqué la stupéfaction de la rue irakienne devant l’incapacité totale de l’armée irakienne à protéger son espace aérien.
Le 19 août, Benyamin Netanyahou avoue à demi-mot la responsabilité de son pays dans ces bombardements
Deux jours plus tard, le porte-parole du ministère irakien de la Défense annonce l’annulation de toutes les autorisations de survol au-dessus de l’Irak.
Les États-Unis et leurs alliés dans la coalition contre L’EI n’ont plus le droit d’opérer dans l’espace aérien irakien sans autorisation du Premier ministre.
Le 19 août, Benyamin Netanyahou, en visite officielle en Ukraine, avoue à demi-mot la responsabilité de son pays dans les bombardements qui touchent l’Irak.
« L’Iran n’a aucune immunité, nulle part », déclare-t-il à des journalistes en ajoutant : « Nous allons agir. D’ailleurs, nous agissons en ce moment, contre eux [l’Iran] à chaque fois que c’est nécessaire ».
Cette déclaration a été faite la veille du bombardement de la base aérienne de Balad qui a fait d’énormes dégâts.
Dans son édition du 21 août, le quotidien Asharq Al-Awssat qui cite une source diplomatique, confirme la connivence ente Moscou, Washington et Tel Aviv pour laisser l’aviation israélienne procéder à des frappes en Irak, afin « d’assurer la sécurité d’Israël ».
Dans le cadre de cet accord supposé, Israël aurait interdiction de reconnaître publiquement être l’auteur de ces frappes.
De quels moyens dispose Israël pour frapper l’Irak ?
En 1981, lors de l’opération contre le réacteur Osirak, l’aviation israélienne était allée au bout de sa portée opérationnelle, avec une exposition ultime de ses équipages à l’interception et à la destruction par l’aviation de chasse irakienne.
Aujourd’hui, elle dispose de deux atouts considérables : l’avion furtif F35 qui lui permet d’agir très discrètement et larguer plusieurs tonnes de bombes intelligentes.
Moins connu mais tout aussi redoutable, le drone Harop, « drone suicide » au rayon d’action de 1 000 km, capable de voler six heures avant de s’écraser sur sa cible et de la faire exploser.
Cette campagne de bombardement coïncide avec le lancement, le 22 août, du système de défense anti-aérien iranien Bavar 8, qui pourrait vite se retrouver en Irak pour renforcer la défense des positions pro-iraniennes et barrer la route à une éventuelle attaque contre l’Iran.
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