Climat de terreur en Égypte : plus d’un millier d’arrestations dont plusieurs dizaines de mineurs
Depuis le vendredi 20 septembre 2019, jour où des manifestations de protestation contre le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi ont éclaté dans plusieurs villes d’Égypte, un climat de terreur s’est installé dans le pays.
Des vagues d’arrestations sans précédent depuis les événements sanglants qui ont suivi le coup d’état militaire du 3 juillet 2013 ont lieu dans tout le pays et les organisations de défense des droits de l’homme et avocats semblent submergés et avoir du mal à faire face à l’ampleur de la répression.
Selon le Centre égyptien pour les libertés et les droits, 1003 personnes ont été arrêtées depuis le 20 septembre, à savoir en l’espace de cinq jours. Le Centre pour les droits économiques et sociaux a lui parlé de 1 298 arrestations.
Parmi les personnes arrêtées, plus de la moitié (561) sont détenues dans des lieux qui ne sont pas connus de leurs familles et avocats.
Les avocats et défenseurs des droits de l’homme ont tenté de diffuser à travers les réseaux sociaux des appels à destination des familles de détenus avec des « instructions à suivre » et des numéros de téléphone où appeler pour demander de l’aide.
Traduction : « Témoignages oculaires. La police a commencé à faire des descentes dans des domiciles du centre-ville et continue à stopper les passants et à les fouiller sur la place Tahrir. »
Les mineurs ne sont pas épargnés par ces rafles : ils sont 29 à avoir été arrêtés depuis le 20 septembre, selon l’organisation égyptienne Belady, qui se spécialise dans l’information relative aux mineurs en détention dans les affaires politiques.
Les mineurs ont été, selon Belady, « arrêtés de manière arbitraire au Caire et dans d’autres villes égyptiennes et ont été détenus dans des lieux inconnus de leurs parents ou avocats et sans que des enquêtes ne soient ouvertes pendant plus de 24 heures après leurs arrestations. »
« Il s’est avéré ensuite que parmi ces mineurs, certains ont été détenus dans des casernes de l’armée », souligne encore l’organisation, qui dénonce le fait qu’ils soient poursuivis dans le cadre de lois anti-terroristes, contrevenant à la législation égyptienne concernant la détention de mineurs et les poursuites judiciaires à leur encontre.
Les arrestations, la détention prolongée et les actes de torture perpetrés sur des mineurs accusés dans des affaires politiques ne sont pas une nouveauté en Égypte depuis le coup d’état militaire du 3 juillet 2013.
Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme ont tenté de briser le silence sur ce sujet les 4 et 5 septembre 2019, dates où les autorités égyptiennes s’apprêtaient à recevoir en grande pompe au Caire une rencontre internationale sur la torture.
Cette rencontre a été annulée, après avoir été décriée par les organisations nationales et internationales de défense des droits de l’homme. Les militantes et militants égyptiens avaient notamment décidé de lancer une campagne sur les réseaux sociaux contre la torture pendant ces deux journées en lieu et place de l’événement initialement prévu.
Des témoignages très durs, notamment de mineurs, ont été récoltés par les avocats et défenseurs des droits de l’homme puis publiés et partagés.
Traduction : Torture des enfants. « Ils m’ont menotté à la chaise par les mains et les pieds. Ils m’ont électrocutée très fort dans mes parties génitales, c’était plus fort que les fois précédentes. L’un d’entre eux a mis ses mains sur ma poitrine et l’autre a mis son pénis dans ma bouche. »
Aucune des méthodes utilisées contre les adultes n’est épargnée aux mineurs selon ces témoignages difficiles à lire : ils sont battus, torturés à l’électricité, pendus et violés.
Selon le rapport de cette organisation, nombre de ces cas de violations contre les droits des mineurs ont lieu dans le Sinaï égyptien.
Les forces de sécurité égyptiennes détiennent près de 60 000 prisonniers politiques, majoritairement des personnes accusées d’appartenir à l’organisation des Frères musulmans, que l’Égypte qualifie de terroriste, mais également des militants politiques de gauche, de activistes des droits de l’homme, des avocats, des journalistes.
Mahinour el-Masry, 33 ans, avocate connue pour son engagement dans la défense des prisonniers politiques en Égypte, a été arrêtée le 22 septembre après avoir assisté des manifestants arrêtés après le 20 septembre pendant les interrogatoires des forces de sécurité.
L’avocate avait déjà été arrêtée auparavant et écopé de peines de prison pour ses activités militantes.
Selon l’organisation Committee to Protect Journalists, trois journalistes égyptiens font partie des centaines de personnes arrêtées en représailles des manifestations anti-Sissi du 20 septembre.
La situation plus qu’alarmante a poussé l’organisation Amnesty International à lancer un appel aux leaders mondiaux afin qu’ils confrontent Abdel Fattah al-Sissi et condamnent fermement la répression des manifestations pacifiques.
Sissi a été appelé par le président des États-Unis Donald Trump « mon dictateur préféré » lors du sommet du G7 le 13 septembre dernier à Biarritz, en France.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].