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Des émissaires français négocient pour la libération des otages détenus au Sahel

Alors que la situation sécuritaire continue de se dégrader au Sahel, la France négocierait avec des proches du groupe d’Iyad ag-Ghali, qui pourrait prendre ses distances avec al-Qaïda au Maghreb islamique
Iyad ag-Ghali (au centre) dans une vidéo annonçant la formation du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans au Maghreb islamique (Twitter)
Par MEE à ALGER, Algérie

Des émissaires français auraient été envoyés en Mauritanie pour négocier la libération de plusieurs otages au Mali, révèle le quotidien algérien arabophone El Khabar, sans évoquer les nationalités des détenus. Mais cette opération concernerait logiquement l’otage française, Sophie Pétronin, enlevée le 16 décembre 2016 à Gao.

Selon l’édition de ce mercredi 18 novembre, les discussions seraient menées avec des proches du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans au Maghreb islamique (GSIM).

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Ce groupe a été créé en avril 2017 par Iyad ag-Ghali, figure des groupes islamistes armés au Sahara et au Sahel, pour fédérer plusieurs mouvements de la région, dont certains ont contrôlé le nord du Mali pendant près de dix mois, à la faveur d’une rébellion touarègue, à partir du printemps 2012 : Ansar Dine (fondé en 2012 par Iyad ag-Ghali), al-Mourabitoune de Mokhtar Belmokhtar, et l’émirat du Sahara d’AQMI, dirigé par Djamel Okacha. 

Le groupe affirme avoir prêté allégeance à Ayman al-Zawahiri, actuel dirigeant d’al-Qaïda.

Les Français se seraient ainsi rapprochés de notables des Ifoghas (massif montagneux au nord du Mali qui a donné son nom à une tribu locale) et au moins deux rencontres auraient eu lieu « entre juin et novembre 2019 » en Mauritanie. Elles auraient été possibles grâce au gendre d’Iyad ag-Ghali et grâce à un intermédiaire d’un pays du Golfe, poursuit le quotidien de référence en citant des sources sécuritaires algériennes.

Alors que les contacts avec les groupes armés avaient été rompus depuis longtemps, les négociations auraient repris autour de deux axes : la libération des otages, mais surtout, « l’avenir du groupe » qui pourrait marquer ses distances avec al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). 

Selon des sources sécuritaires algériennes contactées par Middle East Eye, si les Français ont repris contact avec leurs interlocuteurs sur place c’est parce qu’ils ont pris conscience que les opérations militaires ne suffisaient plus.

L’organisation, tentée par un rôle politique, plus que par l’action armée, s’inquiète notamment du sort de plus de 1 000 personnes des tribus touarègues maliennes, recherchées par les forces de sécurité maliennes.

Une étendue vaste comme l’Europe

La situation sécuritaire au Sahel s’aggrave chaque mois un peu plus. Les violences perpétrées par des groupes islamistes armés persistent dans le nord du Mali et se sont propagées au centre du pays ainsi qu’au Burkina et au Niger voisins. Les pertes sont de plus en plus lourdes pour les armées locales, débordées. 

Depuis novembre 2019, au moins quatre soldats maliens, deux soldats burkinabé et un soldat français ont été tués par des mines artisanales. Les civils ne sont pas épargnés.

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C’est aussi dans ce contexte que lundi 25 novembre, treize militaires français de la force Barkhane ont ont été tués, dans la collision de deux hélicoptères lors d’une opération de combat contre des islamistes armés. Il s’agit du plus lourd bilan humain essuyé par les militaires français depuis le début de leur déploiement au Sahel en 2013.

L’opération française Barkhane mobilise 4 500 hommes dans la bande sahélo-saharienne, une étendue vaste comme l’Europe, pour lutter contre les groupes armés. Mais après six ans de présence ininterrompue, et 41 morts côté français, l’horizon est de plus en plus plombé.

Les groupes islamistes armés du Sahel, liés notamment à l’organisation Etat islamique (EI), sont en train de constituer « un arc » vers le Tchad et le Nigeria, qui pourrait « remonter » jusqu’au Proche-Orient, a mis en garde le 15 décembre le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian.

Le groupe État islamique (EI) a revendiqué l’attaque d’Inates dans laquelle 71 soldats nigériens ont trouvé la mort le 10 décembre, à la frontière avec le Mali, une des attaques les plus meurtrières menées au Sahel. 

« Il y a les risques d’extension de ces groupes terroristes vers le Tchad, vers le Nigeria », a poursuivi le ministre français des Affaires étrangères.

Selon Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, les groupes armés du Sahel sont en train de constituer « un arc » vers le Tchad et le Nigeria, qui pourrait « remonter » jusqu’au

Le groupe État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP), faction du groupe nigérian Boko Haram affiliée à l’EI, multiplie les attaques dans le nord-est du Nigeria. Les violences jihadistes se sont propagées aussi au Niger, au Tchad et au Cameroun voisins.

« Il y a aussi les groupes terroristes qui fonctionnent en Libye. Tout cela fait un arc des groupes terroristes qui peuvent remonter jusqu’au Levant », a relevé Jean-Yves Le Drian.

Le 13 janvier, un sommet sur le Sahel voulu par Emmanuel Macron doit se tenir à Pau, dans le sud-ouest de la France pour réévaluer « les objectifs de l’engagement français » dans la zone. 

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