« On n’a plus confiance » : colère à Beyrouth après la nomination de Hassan Diab au poste de Premier ministre
Des débris ont peut-être été déblayés dans les rues du centre de Beyrouth mais la colère persiste.
Malgré la violente répression menée par les forces de sécurité libanaises quelques nuits auparavant, des centaines de manifestants ont envahi le centre de Beyrouth jeudi en fin de journée pour exprimer leur colère face à la nomination de Hassan Diab, professeur en ingénierie, au poste de Premier ministre.
Se préparant à d’éventuelles nouvelles violences, certains portaient des casques de vélo et des casques de sécurité, tandis que d’autres étaient pourvus de masques à gaz au cas où des gaz lacrymogènes seraient utilisés.
« Je suis en colère à cause de l’élection d’aujourd’hui », a déclaré Mia, une quadragénaire aux cheveux courts.
« Nous avons besoin de démocratie, nous avons besoin d’un véritable gouvernement qui fonctionne »
- Lena, manifestante
Cette propriétaire de club de remise en forme déplore le fait que Hassan Diab ait déjà été membre du gouvernement, et appartient donc à la classe politique responsable de l’actuelle crise économique au Liban. « Pour nous, il est corrompu. Le peuple n’a plus du tout confiance. »
Des manifestations de masse font rage à travers le Liban depuis des semaines en réaction aux hausses d’impôts prévues, à la corruption généralisée et à l’inefficacité du gouvernement.
Depuis la mi-octobre, les manifestants réclament quotidiennement le départ de la classe politique et la fin de la corruption et du système confessionnel qui maintient au pouvoir les mêmes politiciens depuis des décennies.
Le pays est actuellement englué dans la pire crise économique qu’il a connue depuis la guerre civile de 1975–1990 ; les importantes dépenses publiques ont entraîné l’un des ratios de la dette publique par rapport au PIB les plus élevés au monde.
Le pays est également confronté à une crise de liquidité en dollars, les banques limitant le retrait et le transfert du billet vert, qui se vend pour plus de 2 000 livres libanaises sur le marché parallèle pour la première fois depuis qu’il a été officiellement fixé à 1 507 livres en 1997.
« C’est nous ou eux »
Plus tôt ce jeudi, Hassan Diab, qui a été ministre de l’Éducation de 2011 à 2014 dans un gouvernement composé du Hezbollah et de ses alliés, a déclaré qu’il n’y avait « pas de retour à la situation d’avant le 17 octobre », le jour où les manifestations ont commencé.
« J’appelle les Libanais sur toutes les places et partout à être partenaires d’un atelier de réforme », a-t-il ajouté lors d’une allocution télévisée après sa nomination au poste de Premier ministre.
Certains de ceux qui sont descendus dans la rue jeudi étaient prêts à lui accorder le bénéfice du doute.
« Nous devrions attendre de voir », a estimé Mohammad Ali, étudiant en commerce de 23 ans, qui a indiqué être venu manifester contre la situation économique en général, et non la nomination de Diab en particulier.
« Nous voulons de meilleures conditions de vie, il doit régler les problèmes économiques », a-t-il ajouté, précisant néanmoins qu’il n’accorderait à Diab qu’« une seule chance ».
La plupart des manifestants interrogés par MEE ont toutefois décidé de ne pas soutenir la nomination de Diab, compte tenu de son expérience antérieure au gouvernement et du fait qu’il n’a que le soutien du Hezbollah et de ses alliés. Hassan Diab, sunnite, a obtenu l’appui de seulement six députés de sa propre confession.
Les slogans les plus populaires de la révolution ont été rapidement adaptés pour inclure Diab : « Quand on dit “tous”, c’est “tous”. Hassan est l’un d’eux. »
Un manifestant inventif a transformé le chant de Noël « Jingle Bells » en un chant contre le nouveau Premier ministre.
Avec l’effondrement de l’économie et la montée de la violence, certaines des personnes présentes dans le centre-ville jeudi considéraient le fait de rester dans les rues comme une question de vie ou de mort.
Nadine, l’amie de Mia, s’est dite préoccupée par l’escalade de la violence. « Bientôt, nous serons chez nous, vous et moi, parce que dans la rue, il y aura un autre [genre] de gens qui se battront, et avec de vraies armes à feu », a-t-elle prédit.
« Nous en sommes au point [où] c’est nous ou eux, donc nous ne pouvons pas quitter la rue », a pour sa part déclaré Lena, qui travaille dans une société d’ingénierie.
« Nous avons besoin de démocratie, nous avons besoin d’un véritable gouvernement qui fonctionne. On [a] atteint le point où on ne voit plus le bout du tunnel », a ajouté la femme de 49 ans.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].