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« Sur ordre du peuple » : des hackers irakiens frappent les sites web du gouvernement et de milices

Un groupe de jeunes pirates informatiques irakiens s’est engagé à perturber des cibles en ligne si les manifestants continuaient à faire l’objet d’une répression meurtrière
Le groupe de hackers irakien M4XPro cible divers ministères du gouvernement et des chefs de milices (AFP)
Par Azhar Al-Rubaie à BAGDAD, Irak

Un groupe de jeunes pirates informatiques irakiens a réagi au massacre de centaines de manifestants pacifiques en s’attaquant aux sites web du gouvernement et de milices et aux comptes personnels de responsables des forces de sécurité.

Les protestations antigouvernementales en Irak, qui se poursuivent depuis le début du mois d’octobre, se sont heurtées à plusieurs reprises à la violence des forces de sécurité.

« Le gouvernement irakien s’effondre électroniquement » est devenu un hashtag viral sur Twitter ce mercredi après que le site du Premier ministre ainsi que ceux des ministères de la Santé, de l’Éducation, de l’Intérieur et du Pétrole ont été piratés par un groupe opérant sous le nom de M4xPr0.

En plus de ses piratages, M4xPr0 mène une campagne de signalement de comptes d’institutions gouvernementales et de milices sur les réseaux sociaux.

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Depuis le début des protestations, qualifiées de « révolution d’octobre » par les Irakiens, au moins 511 personnes ont été tuées et plus de 25 000 ont été blessées ; il s’agit essentiellement de manifestants. 

Parmi les responsables désignés de ces pertes figure Asaïb Ahl al-Haq, une milice soutenue par l’Iran et accusée de déployer des snipers sur les toits de Bagdad au cours des protestations.

La semaine dernière, Twitter a suspendu temporairement le compte de son chef, Qais al-Khazali, pour violation des normes de publication après de nombreux signalements.

« Nous avons décidé de pirater les sites web du gouvernement et [de signaler] le compte de Khazali après le massacre de manifestants dans la capitale irakienne et dans les autres provinces depuis le 1er octobre », déclare à Middle East Eye Muhannad, membre de M4xPr0, qui s’exprime sous un faux nom pour des raisons de sécurité.

Mardi, Khazali a rejeté l’accusation, soulignant à l’occasion d’une interview accordée à la BBC que sa milice n’avait pas participé aux violences contre les manifestants.

Selon Hayder Hamzoz, fondateur et directeur général du Réseau irakien pour les médias sociaux, les utilisateurs s’en sont pris au compte de Khazali parce que ses tweets contenaient des propos haineux.

Les Irakiens ont notamment été irrités par son dernier tweet, dans lequel il a jugé que les protestations étaient « perturbatrices », indique-t-il.

Dénoncer la corruption

Les membres de M4xPr0 ont longtemps considéré que leurs actions étaient purement ludiques. Cependant, après avoir été témoins de la force meurtrière à laquelle le soulèvement s’est heurté, ils ont décidé de s’en prendre à tous ceux qui partageaient selon eux la responsabilité du massacre de manifestants pacifiques.

En novembre, M4xPr0 a piraté le site web du ministère de la Communication, « sur ordre du peuple » après que les autorités irakiennes ont coupé Internet à Bagdad et dans les provinces du sud, où les protestations sont les plus actives.

« Ils nous tuent avec des armes, nous les tuons par la science »

– Muhannad, membre de M4xPr0

« Au sein du ministère de la Communication, nous avons découvert des documents attestant d’une corruption de l’ordre de plusieurs millions de dollars entre le ministère et les fournisseurs de services Internet et pour les services de maintenance des sites officiels », explique Muhannad.

« Pendant ce temps, les gens reçoivent de mauvais services alors que le gouvernement coupe fréquemment Internet. »

Quelques jours plus tard, le groupe a piraté les comptes Facebook et Twitter du Service irakien de lutte contre le terrorisme, laissant derrière lui le message suivant : « Cette page a été fermée sur ordre du peuple. Ce message a pour but de faire pression sur les forces de sécurité afin qu’elles mettent fin à leurs violations à l’encontre des manifestants. »

Le puissant ministère du Pétrole est une des autres cibles de M4xPr0.

« Par exemple, nous avons trouvé à l’intérieur du site web du ministère du Pétrole de nombreux documents dévoilent notamment une corruption à hauteur de plusieurs millions de dollars, ainsi que des contrats conclus avec des sociétés étrangères révélant les gros salaires des employés de ces sociétés alors que les Irakiens souffrent d’un chômage extrême », poursuit Muhannad.

Une main « tachée de sang »

La milice irakienne des Kataeb Hezbollah a également été piratée, M4xPr0 l’accusant sur Twitter d’avoir la main « tachée du sang de la jeunesse irakienne ».

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« Les responsables politiques et les chefs de milices irakiens dépensent des milliers de dollars pour que leurs armées électroniques se battent pour elles, mais les manifestants n’ont rien pour se protéger face à une force meurtrière », affirme Muhannad.

« S’ils continuent de tuer les manifestants, nous continuerons de pirater leurs sites web. Ils nous tuent avec des armes, nous les tuons par la science. »

La campagne de piratage a été acclamée par les manifestants qui sont descendus dans la rue pour protester contre la corruption endémique, le chômage galopant et la pauvreté généralisée.

« Je suis si heureux de voir cette campagne de piratage contre les responsables politiques qui sont derrière la destruction du pays depuis 2003 », a commenté Ali Rasool, un manifestant de Bassorah.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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