EN IMAGES : Dix expressions égyptiennes insolites à tenter d’apprivoiser
Mai El Naga se trouvait dans un café du Caire lorsqu’elle a surpris une conversation émaillée de locutions égyptiennes. Lorsque cette étudiante de 22 ans a réalisé à quel point il serait difficile de les traduire, elle a décidé que les illustrer serait son objectif pour Inktober, un défi artistique d’un mois.
L’une de ces expressions désigne quelqu’un qui « s’achète son cerveau » (ce qui se traduit par « ishtirri dmaghak »). Au sens figuré, on l’utilise pour conseiller à quelqu’un de ne pas s’inquiéter. Une autre expression similaire vous conseille d’« avaler une pastèque » (« hut f’batnak batikha sefi »). L’idée est d’encourager quelqu’un à y aller mollo. (Crédits images : MEE/Mai El Naga).
« Le fréquent contraste entre le sens littéral et le sens figuré des expressions m’a frappée », explique Mai El Naga, qui étudie la médecine à plein temps à l’Université Ain Shams du Caire tout en gérant sa propre entreprise de mode. « J’ai commencé à en esquisser une puis à la peindre numériquement. J’ai posté la première [sur Instagram] avant de demander aux gens de deviner quel était le sujet. » L’une des images de Mai El Naga illustre l’expression « des gens ont mangé mon visage » (« al-naas kallit wishi »). En Égypte, l’expression sert à exprimer l’humiliation.
Mai El Naga a découvert que de nombreuses locutions égyptiennes étaient liées à la nourriture, ce qui démontre selon elle qu’il s’agit « d’une part importante de la culture [égyptienne] ». Par exemple, l’expression « il a pressé un citron sur lui » (« aaser ala nafso lamouna ») fait référence à quelqu’un qui vit une expérience particulièrement acerbe. Elle se rapproche des expressions française et anglaise « une pilule amère ».
Au début, la série de Mai El Naga illustrait des expressions populaires anglaises telles que « getting under my skin » (sortir par les trous de nez), « on cloud nine » (être au septième ciel) et « butterflies in my stomach » (avoir des papillons dans le ventre). Mais elle a ensuite décidé de virer de bord, car la plupart de ses abonnés sont Égyptiens. « En tant qu’Égyptiens, nous en avons qui sont bien plus frappantes ou plus bizarres que les anglaises », explique-t-elle. En égyptien, dire que quelqu’un « dort dans le miel » (« naayim fil aasal ») signifie qu’il est indifférent.
Mai El Naga a posté les premières images sur son compte Instagram, comme celle d’une personne avec « des ventilateurs sur son cœur » (« ala albo maraweh »), ce qui signifie qu’il est bien trop détendu en ce qui concerne la ponctualité et l’efficacité. Elle n’a pas tardé à être submergée de commentaires et ses publications ont été largement partagées. « Dans les commentaires, les gens disaient apprécier regarder les images », déclare l’artiste. « Alors j’ai commencé à recueillir davantage d’expressions, auprès de gens, d’amis, de conversations que je surprenais. Et j’ai ensuite commencé à en faire davantage. »
Mai El Naga explique que ses illustrations aident également les locuteurs qui ne sont pas natifs de l’arabe à comprendre les expressions. Une professeure russe l’a par exemple contactée pour demander si elle pouvait utiliser ses images pour enseigner l’arabe. Certaines expressions sont peut-être plus faciles à expliquer que d’autres, comme « pêcher en eau trouble » (« bistaad fi mayya aikra »).
Mai El Naga a découvert que certaines histoires derrière les expressions mettent en lumière la culture égyptienne, notamment « il prétend être de Banha » (« aamil nafso min Banha »), qui est utilisée pour décrire quelqu’un qui feint l’oubli. Banha, plateforme ferroviaire fréquentée, est la première gare au nord du Caire. Certains passagers montant dans le train dans la capitale parviennent à s’arroger un siège en prétextant qu’ils sont de Banha et ne font donc qu’un seul arrêt – mais restent ensuite dans le train en espérant que personne ne les remarque parmi l’agitation.
« Les gens m’envoyaient des messages avec toutes les expressions qu’ils utilisaient quotidiennement, et qu’ils trouvaient très bizarres », raconte Mai El Naga. Ce dessin illustre l’expression idiomatique « une femme intelligente peut tricoter même si tout ce qu’elle a à disposition est une patte d’âne (« al-shatra tighzil birigl homaar »). Elle est utilisée pour décrire une personne ingénieuse.
Autre expression égyptienne courante : « une invitation de batelier » (« ozoumit marakbiya »). Elle est utilisée lorsque quelqu’un est invité par courtoisie plutôt que par véritable envie, reposant sur l’idée d’un pêcheur sorti en mer invitant une personne au loin sur la rive à se joindre à lui pour le déjeuner.
La sélection de Mai El Naga n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des expressions familières courantes en Égypte et dans le monde arabe. Elle travaille actuellement sur une nouvelle série pour mettre au jour les contradictions existant au sein de la culture égyptienne. L’une de ces illustrations montre un jeune homme vêtu d’un tee-shirt déchiré, vendant des parfums de marque qu’il porte dans un plateau sur sa tête. « J’ai l’impression qu’il y a tellement à explorer », commente la jeune femme.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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