L’indignation de Macron à Jérusalem révèle la complicité de la France dans l’oppression des Palestiniens
La « scène » du président français Emmanuel Macron à Jérusalem pendant sa visite le mois dernier – il s’était emporté contre des soldats israéliens qui tentaient de pénétrer dans une église catholique romane française – a été décrite comme celle d’un dirigeant gâté faisant un caprice.
Bien que cela corresponde peut-être en partie à son comportement, en réalité, cette scène démontre parfaitement quelque chose de plus important en ce qui concerne les relations de pouvoir entre la France, Israël et la Palestine.
Ne vous y trompez pas : il ne venait pas au secours des Palestiniens opprimés. Il n’était pas indigné par la manière dont ils sont traités aux mains de l’État israélien et il ne s’agissait pas non plus d’un acte de solidarité internationale. Tout comme Jacques Chirac avant lui, Macron défendait les vestiges de l’empire, et l’église Sainte-Anne, qui appartient toujours au domaine national français.
Harcèlement et arrogance
Cette scène a servi de rappel : pendant que des terres, des maisons, des libertés et des vies sont volées chaque jour par l’État d’Israël – qui viole le droit international en s’appropriant les terres palestiniennes –, le statut et le droit de l’État français dans la région continuent d’être respectés.
De la même manière, Macron, qui était en visite officielle – au cours de laquelle il a rappelé la relation étroite et spéciale de la France avec Israël –, a démontré qu’il était prêt à défendre ses droits et ceux de la France pour que cette église reste exempte de la présence des forces militaires israéliennes, tout en trahissant les droits des Palestiniens vis-à-vis de leur terre.
La France reste un fier partenaire d’Israël dans le soutien à la colonisation de la Palestine
Il a rappelé aux sceptiques que, comme tous les autres dirigeants occidentaux, il estime que le harcèlement et l’arrogance des soldats israéliens doivent être réservés exclusivement aux Palestiniens et leurs alliés. La position pro-Israël adoptée de longue date par l’Élysée confirme cela.
La France reste un fier partenaire d’Israël dans le soutien à la colonisation de la Palestine. Elle a soutenu la création d’Israël, son annexion militaire de terres palestiniennes en plus de celles lui ayant déjà été transférées par l’ONU, et même le développement de son programme nucléaire.
En échange, elle pouvait compter sur un allié fidèle dans la région. Bien que cette relation se soit distendue quelque peu depuis la fin des années 1950, Macron et ses prédécesseurs ont maintenu leur soutien à l’égard d’Israël, malgré le meurtre, le vol et l’exploitation continus du peuple palestinien.
Simulacre de dignité
La France attend également d’Israël qu’il honore les arrangements tels que l’accord Fischer-Chauvel de 1948, qui préserve les institutions françaises dans l’État d’Israël nouvellement créé, comme l’église Sainte-Anne. La reconnaissance symbolique de sa puissance dans la région est, après tout, la moindre des choses pour la France.
Les médias ont fait le parallèle entre la réaction de Macron et celle de Chirac au milieu des années 1990 pendant une visite dans la vieille ville de Jérusalem. Alors que des soldats israéliens avaient agressivement bousculé des journalistes, des Palestiniens et des membres de la délégation en visite, l’ancien président avait crié : « Ce n’est pas une méthode, c’est de la provocation. »
Alors que Jacques Chirac avait au moins apporté un soutien de façade aux droits des Palestiniens – bien qu’il n’ait pas fait grand-chose pour les faire respecter –, Macron, tout en essayant d’affirmer l’intérêt impérial de la France dans la région, en a fait encore moins pour remettre en cause l’expansion coloniale perpétuelle d’Israël.
Tout comme Jacques Chirac avant lui, Macron défendait les vestiges de l’empire
Peut-être que l’État israélien ne souhaite pas poursuivre le simulacre que les dirigeants français lui font jouer : raisonnable, digne et visant à maintenir la paix. Peut-être que les soldats, les gardes-frontières et les policiers israéliens sont tellement habitués à être envoyés violenter, humilier, réprimer et renforcer le pouvoir de l’État israélien qu’ils ont simplement agi avec la force de l’habitude.
Cette scène a plus vraisemblablement servi toutes les parties impliquées. Macron se présente comme fièrement indépendant, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou montre qu’il n’a pas peur des dirigeants occidentaux et le statu quo reste fermement en place. En 1996, Netanyahou avait indiqué que l’affaire Chirac n’avait fait que montrer le perfectionnisme des forces militaires israéliennes.
Annexion de la terre palestinienne
Israël continue d’étendre et de renforcer ses colonies illégales, de raser les terres occupées, d’affamer et d’assassiner les Palestiniens piégés à Gaza, d’occuper illégalement la Cisjordanie, Jérusalem et le plateau du Golan et de traiter ses citoyens palestiniens comme des citoyens de seconde zone. Les deux candidats en tête pour les élections à venir se sont vantés de leurs projets d’annexion de nouvelles terres palestiniennes. Macron ne s’est pas élevé contre ça, alors que cela comptait vraiment.
Il suffit de regarder l’état actuel de la répression des activités pro-palestiniennes en France pour constater le niveau de complicité de l’État français. L’assimilation juridique de l’antisionisme avec l’antisémitisme a servi uniquement à faire taire et censurer les activistes et ceux qui font campagne contre l’impérialisme.
Macron lui-même a déclaré que l’antisionisme est « l’une des formes modernes de l’antisémitisme ». Ce n’est que plus insultant de la part du dirigeant qui a rendu hommage à Philippe Pétain, célèbre collaborateur français avec le régime nazi.
Lorsque Macron crie en Palestine que « tout le monde connaît les règles », il est difficile de ne pas rire.
Oui, tout le monde connaît les règles. Et tout le monde sait également que lorsqu’il s’agit des Palestiniens – ou des personnes de couleur, des musulmans et des migrants en France –, les règles du jeu sont claires : privez-les de leur liberté, opprimez-les à volonté et bâtissez la gloire de la République sur leur dos.
- Malia Bouattia est une militante, ancienne présidente du Syndicat national des étudiants britannique (National Union of Students), cofondatrice du réseau Students not Suspects/Educators not Informants et présentatrice-animatrice de « Women Like Us », un programme de la chaîne britannique British Muslim TV.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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