Des acteurs du hirak algérien préparent une « conférence unitaire »
Capter une partie de l’énergie qui se déverse du hirak algérien dans la rue lors des manifestations hebdomadaires, qui n’ont pas cessé depuis un an, pour créer un espace de dialogue au sein du mouvement populaire, voilà le but d’une rencontre qui devait se tenir le jeudi 20 février à Alger mais qui a été reportée ce mercredi à une date ultérieure faute d’autorisation de la préfecture.
L’initiative est celle d’une dizaine de collectifs d’étudiants, d’avocats, de journalistes et d’activistes de la société civile algérienne. Elle devrait rassembler près de 300 personnes dont un grand nombre de hirakistes venus de toutes les wilayas (préfectures) du pays, selon les organisateurs qui ont annoncé cet événement lors d’une conférence de presse à Alger, le 17 février.
La conférence de presse prévue initialement dans un hôtel de la capitale, l’hôtel d’El Biar, a été interdite par les autorités, le 17 février, obligeant les animateurs de l’événement à migrer rapidement vers un autre lieu et à inviter tous les journalistes présents à les suivre.
La conférence de presse a donc eu lieu plusieurs heures plus tard dans les locaux de SOS Disparus, une organisation fondée par les familles des personnes victimes de disparitions forcées pendant les violences des années 1990 en Algérie.
Au départ, il était question de rassembler près de 900 personnes venues de tout le territoire national, a appris Middle East Eye auprès des organisateurs de cet événement. Mais après l’interdiction surprise par les autorités de la conférence de presse, les initiateurs ont revu leurs ambitions de participants à la baisse faute d’avoir un lieu qui puisse accueillir tout le monde.
D’ailleurs, le lieu où devait se tenir initialement cette « conférence nationale unitaire », une grande salle de sports au centre de la ville, la salle Harcha, n'est plus accessible aux activistes du hirak qui avaient pourtant, ont affirmé les organisateurs lors de la conférence de presse, obtenu l’autorisation préalable de l’office olympique, administrateur de la salle, de s’y réunir.
« Le hirak, c’est la volonté populaire »
À la conférence de presse, plusieurs intervenants se sont succédé pour expliquer rapidement aux journalistes les raisons d’une telle rencontre : tous et à tour de rôle ont insisté pour dire qu’ils ne sont pas « des représentants du hirak » mais des individus qui sont « partie prenante » du hirak.
Parmi les personnes qui ont pris la parole à la conférence de presse, des activistes venus d’horizons professionnels divers : Hafid Tamert, avocat au sein du collectif en charge la défense des détenus d’opinion ; Said Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), trois étudiants de différentes organisations estudiantines ; Hachem Saci, avocat et membre d’un groupe de hirakistes de la ville de Khenchela à l’est du pays ; Adila Bendimerad, actrice, féministe et activiste politique ; Aldja Seghir, membre d’un collectif de la diaspora algérienne ou encore Khaled Drareni, journaliste et membre du Collectif des journalistes unis.
Aucun parti politique ne fait partie de cette initiative qui se veut être un premier forum qui permette aux hirakistes qui le souhaitent de se réunir : « Nous n’avons pas vocation à structurer le hirak ou à parler en son nom, car le hirak, c’est la volonté populaire. Nous voulons offrir un espace de discussion, d’échange, de jonction entre les dynamiques autonomes du hirak », a affirmé le vice-président de la LAADH, Said Salhi.
L’avocat membre du Collectif de défense des détenus d’opinion, Hafid Tamert, a rappelé l’atmosphère en Algérie qui demeure oppressive pour les libertés, avec les « militants politiques qui continuent à être convoqués par la police, l’espace public qui n’est toujours pas ouvert et des détenus du hirak qui demeurent à ce jour en prison ».
Alors que le journaliste Khaled Drareni a relevé, lui, que si le hirak a réussi à arracher la liberté d’expression dans la rue pendant les manifestations, « le journalisme en Algérie vit en revanche ses moments les plus difficiles depuis la fin des années 1990 » à cause de la pression exercée par les autorités sur les médias depuis le déclenchement du soulèvement populaire, le 22 février 2019.
Des Algériens de tous bords s’apprêtent à célébrer, en manifestant le vendredi 21 et le samedi 22 février, le premier anniversaire du hirak, soulèvement pacifique qui a permis aux Algériens de se séparer du président Abdelaziz Bouteflika, qui a régné sur le pays pendant vingt ans, mais pas encore d’accéder à l’État de droit dont rêvent les slogans des manifestants.
Cette « conférence nationale unitaire » qui présentera « à la critique du hirak » un texte appelé « Manifeste du 22 février » se veut une manière de célébrer cet anniversaire en provoquant le débat politique au sein même du soulèvement, débat que de nombreux manifestants ne cessent de réclamer.
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