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Le Maroc enquête contre une transgenre à l’origine d’une violente campagne contre les LGBTQI+

Des appels en ligne à dénoncer l’identité de Marocains qui taisent leurs préférences sexuelles par crainte de représailles provoquent de véritables drames
Une militante marocaine portant le numéro 489 inscrit sur son t-shirt, référence à l’article 489 qui stipule que l’homosexualité est punissable au Maroc d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison (AFP)

Adresses et numéros divulgués à leur insu et photos intimes étalées sur les réseaux sociaux : la communauté LGBTQI+ marocaine fait face à une campagne de lynchage d’une rare violence sur les réseaux sociaux dans laquelle les victimes risquent non seulement l’opprobre mais aussi la punition de leurs propres familles.

Sujet tabou, objet de condamnation sociale, l’homosexualité est considérée comme un crime au Maroc, le code pénal marocain sanctionnant de six mois à trois ans de prison « les actes licencieux ou contre-nature avec un individu du même sexe ». Selon les chiffres officiels, 170 personnes ont été poursuivies pour ce motif en 2018. 

Les défenseurs des droits humains demandent depuis plusieurs années l’abrogation de cette loi, ainsi que des articles sanctionnant les relations sexuelles hors mariage et l’adultère.

Tout a commencé quand une célèbre transgenre marocaine résidant en Turquie, connue sous le pseudonyme de Sofia Taloni, a diffusé sur Instagram une série de lives invitant ses followers (600 000) à dénoncer les homosexuels à l’aide de faux profils créés à cet effet sur des applications de rencontre gay, comme Grindr ou PlanetRomeo. Selon plusieurs sources, une centaine de personnes ont ainsi été « outées », autrement dit, leur orientation sexuelle a été révélée.

« Pour tuer le temps, oublier l’ennui et le corona, s’amuser, rigoler, certains Marocains n’ont rien trouvé de mieux ces derniers jours que de se lancer dans une nouvelle chasse aux sorcières », dénonce l’écrivain marocain Abdellah Taïa sur le site du magazine Têtu.

« Débusquer leurs concitoyens gays là où ils ‘‘se cachent’’, ces pervers, dans les sites de drague, screener leurs profils et les partager sans aucune hésitation sur les réseaux sociaux traditionnels. Autrement dit : les OUTER. Les exposer. Rire d’elles et d’eux. Leur lancer des pierres. Les placer dans une plus grande vulnérabilité. Les mettre dans un très grand danger. Les tuer. Mieux : les pousser au suicide. »

Une situation aggravée par le confinement

Une chasse aux sorcières qui n’est pas sans conséquence pour les victimes, nombreuses, qui plus est, à être confinées en famille.

« Un ami vient de m’annoncer le décès de son ami. Ses photos ont été partagées. Par désespoir, il s’est suicidé. Mon ami a dû apprendre la nouvelle de la bouche de la mère du défunt. Elle ne comprenait pas pourquoi son fils s’est suicidé. On en est là », écrit sur Twitter le militant et écrivain Hicham Tahir.

« La communauté LGBTQI+ marocaine a longtemps souffert et souffre encore grandement de l’homophobie. Et encore une fois, elle subit cet acte ignoble et dégradant qui a touché à l’intégrité physique et personnelle de beaucoup de personnes, un acte de diffamation dans le but de répandre la rumeur, chose qui est criminalisée par tous les pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, la Constitution et la loi marocaine », s’indigne dans un communiqué l’association Akaliyat (Minorités) en réclamant une réaction des autorités.

https://www.facebook.com/Association.Akaliyat/posts/825863381157924

« Nous recevons des appels et nous assistons les personnes en difficulté qui ont été ‘’outées’’ contre leur gré », a déclaré à l’AFP Nidal Alhary, une responsable de l’Union féministe libre, une association de Rabat qui anime une plateforme téléphonique d’urgence dédiée aux violences conjugales et sexuelles.

Dans une dépêche de l’AFP datée du 24 avril, la police marocaine a ouvert la semaine dernière une enquête sur ces fuites de données ciblant la communauté LGBT.

Selon une source judiciaire, l’enquête ne concerne, à ce stade, que l’instagrameuse Sofia Taloni. « L’enquête a été diligentée par la police en collaboration avec le parquet pour incitation à la discrimination et à la haine. Elle ne vise que Sofia Taloni, qui se trouve en Turquie », précise la même source à Middle East Eye.

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