EN IMAGES : La course spectaculaire de dromadaires du Wadi Zalaga, en Égypte
Par une froide matinée de janvier, les premiers rayons du soleil se répandent dans le Wadi Zalaga, révélant des panoramas spectaculaires constitués de plaines tapissées de roche désertique qui s’écrasent contre des sommets irréguliers.
Le calme prémonitoire du désert est interrompu par l’agitation d’hommes et de jeunes garçons enthousiastes qui se préparent pour la journée à venir.
Peu d’entre eux ont dormi. « Il y a une grosse somme d’argent en jeu », affirme Khedr, 70 ans, un ancien de la tribu bédouine des Muzeina, dans le Sinaï.
Dans les prochaines heures, sa tribu affrontera la tribu rivale des Tarabin dans une course spectaculaire de dromadaires sur un parcours de 30 kilomètres à travers le désert. À gagner : un 4x4, une récompense en espèces non annoncée et, surtout, le droit de se vanter.
Les Arabes des tribus des Muzeina et des Tarabin vivent depuis longtemps côte à côte dans une relative harmonie dans la péninsule égyptienne du Sinaï, mais ont développé une rivalité digne de voisins séculaires.
Des membres des deux tribus font de longs trajets à travers le Sinaï pour assister à cette course annuelle qui relie deux points quelconques dans le désert. Sur la ligne de départ, des enfants de chaque tribu montent sur les dromadaires aux côtés de leurs aînés, installés dans des pick-ups. Des rafales de mitrailleuses lancent la course et tous avancent à l’unisson.
La course est un test d’endurance épuisant sur un terrain impitoyable, à une période de l’année où les températures peuvent être proches de 0 °C. Mais c’est un territoire que les tribus connaissent bien.
Selon la tradition, les Tarabin sont les descendants de la tribu des Quraychites de la région du Hedjaz, aujourd’hui en Arabie saoudite, à laquelle le prophète Mohammed a également appartenu. Les Muzeina sont eux aussi originaires du Hedjaz, plus précisément entre les villes saintes islamiques de La Mecque et Médine.
« La course mobilise l’esprit de compétition », affirme Khedr, de la tribu des Muzeina, qui explique qu’un travail important est effectué pour s’assurer que les dromadaires soient à la hauteur. « Ce n’est pas facile. Le dromadaire nécessite quelques années d’entraînement spécifique à la course. Son régime alimentaire est [aussi] très coûteux. »
Si les tribus bédouines du Sinaï pratiquent la course de dromadaires depuis environ 300 ans, cette version spécifique impliquant des véhicules d’accompagnement et des mitrailleuses est apparue il y a trente ans.
Les dromadaires sont depuis longtemps honorés par les nomades arabes pour leur polyvalence et leur tempérament calme et digne. Les chameaux d’Arabie ont été domestiqués il y a environ 3 500 ans et sont utilisés depuis pour leur capacité à transporter d’importantes charges sur de vastes distances et à des vitesses pouvant atteindre 65 km/h.
Leur lait et leur viande sont également consommés. Surnommés « vaisseaux du désert » par les Bédouins, les dromadaires sont parfaitement adaptés à la vie dans le désert. Leurs longs cils les protègent de la poussière et du sable, tandis que leurs pattes élancées et leurs larges pieds leur permettent de fouler facilement le sable désertique. « Cela donne des frissons de regarder les dromadaires courir ensemble », confie Ibrahim Salama, de la tribu des Muzeina.
Malgré le développement à grande échelle de stations balnéaires telles que Charm el-Cheikh et Dahab dans le sud du Sinaï, de nombreux Bédouins n’ont pas encore pu bénéficier des avantages de l’industrie du tourisme.
Au même titre que la production et le trafic de drogue, la marginalisation économique a été pointée du doigt en tant que facteur d’une insurrection contre les forces armées égyptiennes dans le Sinaï.
Les activités de contrebande vers la bande de Gaza assiégée constituent une autre source de revenus. Parmi les sources de revenus traditionnelles figurent l’élevage d’animaux et l’activité – apparue plus récemment – de guide pour les touristes qui visitent la région.
Les tribus bédouines dénoncent les politiques discriminatoires des dirigeants égyptiens depuis l’administration coloniale britannique au début du XXe siècle. L’une des questions les plus courantes à l’heure actuelle concerne la propriété des terres, qui engendre des conflits récurrents entre les tribus elles-mêmes.
Les préoccupations politiques semblent lointaines au moment où les participants se rapprochent de l’arrivée. La scène devient frénétique sous l’effet de l’adrénaline et des tirs de mitrailleuses fusent en l’air alors que la course touche à sa fin. Après trois victoires consécutives des Muzeina, l’édition 2021 est remportée par les Tarabin.
Compte tenu de l’intensité de l’événement, les accidents impliquant des véhicules d’accompagnement sont fréquents mais aucun n’a entraîné de blessures graves.
La pandémie de coronavirus a limité le nombre de personnes ayant pu assister à l’édition 2021 de la course, mais les tribus sont parfaitement conscientes de son potentiel d’attractivité auprès des touristes. Cette année, plusieurs 4x4 remplis de touristes locaux et internationaux ont pu suivre les dromadaires tout au long du parcours. (photos : MEE/Mostafa Mansour)
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].