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Une Jordanienne condamnée à une peine de prison pour avoir dit que son père valait mieux que le roi

Accusée d’avoir insulté le roi Abdallah II, Athar al-Dabbas a reçu une vague de soutien sur les réseaux sociaux
La condamnation d’Athar al-Dabbas survient dans une période agitée : la Jordanie connaît actuellement des difficultés économiques, la pandémie de COVID-19 et des dissensions internes au sein de la famille royale (AFP)

L’agitation perdure en Jordanie. Une femme y a été condamnée à un an de prison pour avoir tenu des propos jugés offensants envers le roi Abdallah II, suscitant l’indignation sur les réseaux sociaux.

Selon la page Facebook Amman City, qui publie des informations sur la capitale jordanienne, Athar al-Dabbas, jeune femme de 34 ans qui travaille dans une entreprise d’électricité, a déclaré « mon père vaut mieux que le roi » lors d’une dispute portant sur le stationnement d’une voiture.

Au cours de cette querelle, la plaignante, Amal Hussein, une journaliste, a affirmé : « Sa majesté est au-dessus de toutes choses et personne ne lui est supérieur. Ton père lui est inférieur. » 

Athar al-Dabbas, dont le père est décédé, s’est irritée de cette remarque et a rétorqué : « Qui parle du roi ? Pour moi, mon père vaut mieux que le roi et le reste du monde. »

Les magistrats de la cour pénale du Nord d’Amman ont considéré qu’elle avait « allongé la langue » envers le roi par cette remarque – une expression arabe désignant le fait de tenir des propos inconvenants. La plaignante a poursuivi Dabbas. 

La phrase « mon père vaut mieux que le roi » s’est muée en hashtag tendance en Jordanie mardi, des dizaines d’internautes s’indignant de la décision de justice.

Sur les réseaux sociaux, certains ont mentionné plus particulièrement la question de la liberté d’expression dans le pays.

Traduction : « Combien de fois est-ce que je vous ai dit que les Jordaniens ne doivent ouvrir leur bouche que chez le dentiste. »

Une personne a tweeté : « La Jordanie est un lieu de malheur… vous n’êtes pas autorisé à exprimer ne serait-ce que de l’amour à moins que ce ne soit envers le régime. »

D’autres n’ont rien vu de mal dans les commentaires de la jeune femme, faisant valoir que tout le monde considèrerait son propre père comme supérieur au roi.

Traduction : « Mon père vaut mieux que le monde entier, y compris le roi, le prince et les ministres et toute personne qui ne considère pas son père comme meilleur [que le roi] doit avoir quelque chose qui ne va pas chez lui et je pense que son cerveau va mal. »

Un autre internaute a tweeté : « Est-il possible que nous ayons atteint le point où une affaire est portée contre une citoyenne parce qu’elle a dit “mon père vaut mieux que le roi” ? Combien parmi nous ne considèrent pas leur père comme étant la meilleure personne au monde ? »

Un autre Twitto a fait une capture d’écran des hashtags tendances en Jordanie, exprimant son soulagement pour cette récente prise de conscience vis-à-vis d’un problème auxquels font face les citoyens. 

Traduction : « Le peuple jordanien sort d’une profonde léthargie. » 

La condamnation d’Athar al-Dabbas s’appuie sur l’article 195 du code pénal jordanien qui interdit les insultes envers le roi, délit passible d’une peine d’un à trois ans de prison.

Cette affaire tombe dans une période agitée pour la Jordanie.

Les difficultés économiques, couplées à la pandémie, ont suscité des troubles dans le royaume. Les dissensions au sein de la famille royale ont aggravé les choses. 

Une présumée tentative de coup d’État par le prince Hamza ben Hussein, demi-frère du roi, a notamment secoué le pays au début du mois.

Dans une vidéo envoyée par le prince à la BBC, celui-ci mentionnait le mécontentement généralisé et la répression de la liberté d’expression, affirmant : « Personne ne peut parler ou exprimer une opinion quelconque sans être intimidé, arrêté, harcelé et menacé. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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