Gaza : pourquoi le Hamas n’a pas riposté contre les derniers bombardements israéliens
L’ombre des avions de guerre israéliens a plané une fois de plus sur la bande de Gaza assiégée lors des onze jours d’offensive en mai, laquelle a laissé dans son sillage des centaines de mort et d’énormes destructions.
Le cessez le feu – inconditionnel – signé sous l’égide de l’Égypte n’a pas mis fin aux malheurs de Gaza. Beaucoup là-bas souffrent encore : qu’il s’agisse de la perte d’êtres chers ; des scènes de destruction, de l’impact sur les infrastructures ; des restrictions israéliennes sur les entrées et sorties du territoire ; ou de la réduction des zones de pêche à seulement six milles marin de la côte.
Israël maintient fermé le poste-frontière d’Erez au nord de Gaza, excepté pour les urgences, et empêche l’entrée du courrier de Cisjordanie ou de l’étranger. Au poste-frontière de Kerem Shalom au sud, les autorités israéliennes empêchent la plupart des biens non alimentaires de passer, ainsi que le carburant destiné à l’unique centrale électrique de Gaza.
De nombreux politiques et analystes qualifient l’accord de cessez-le-feu de fragile, en particulier à la lumière du resserrement du siège de Gaza et de la poursuite de ce qui est considéré comme des provocations à Jérusalem, comme la « marche des drapeaux » de l’extrême droite mardi dernier.
Les restrictions israéliennes ont amené le Hamas et d’autres factions palestiniennes à répéter certaines activités menées lors de la Grande Marche du retour le long de la barrière de séparation : des pneus brûlés la nuit au lancement de ballons incendiaires et explosifs vers les terres israéliennes par-delà le territoire gazaoui.
Israël a réagi en lançant des frappes aériennes sur Gaza dans les nuits de mercredi et jeudi, visant prétendument les sites d’entraînement du Hamas, et faisant craindre une possible reprise des échanges de roquettes moins d’un mois après leur arrêt.
Les factions palestiniennes, menées par le Hamas, ont mis en garde Israël contre la poursuite des exactions contre les Palestiniens à Jérusalem, source de l’escalade du mois de mai.
Mais elles n’ont pas réagi aux dernières frappes israéliennes, bien que celles-ci constituent une violation de l’accord de cessez-le-feu.
Via son porte-parole, Hazem Qassem, le Hamas a déclaré : « Le bombardement sioniste de la bande de Gaza est une tentative ratée de mettre fin à la solidarité et à la résistance de notre peuple avec la ville sainte [Jérusalem] et de dissimuler l’état de confusion sans précédent de l’establishment sioniste dans l’organisation de la soi-disant marche des drapeaux. »
Pourquoi cette absence de réaction ?
Pour les analystes, le Hamas ne souhaite pas procéder au lancement de roquettes depuis la bande de Gaza – ce qui déclencherait une réponse israélienne forte et engendrerait davantage de morts côté palestinien –, préférant donner aux médiateurs la chance d’essayer d’arranger la situation dans le territoire après le bombardement.
« Le Hamas agira avec retenue pendant la prochaine étape, qu’elle prenne des semaines ou des mois », affirme Mukhaimar Abu Saada, professeur de sciences politiques à l’université al-Azhar de Gaza, « en particulier à la lumière de la présence d’un gouvernement israélien sérieux, dirigé par l’une des figures clés de la droite israélienne. »
Il ajoute que cela donnerait à l’Égypte les moyens de pression nécessaires pour faciliter la réouverture des postes-frontières.
« Le Hamas doit restaurer ce qui a été détruit durant la dernière guerre », poursuit Abu Saada, « que ce soit au niveau de ses capacités militaires ou de la reconstruction de la bande de Gaza, et créer une opportunité pour que des fonds entrent [dans le territoire]. »
Selon l’accord de cessez-le-feu, des négociations additionnelles seront organisées entre les factions palestiniennes de Gaza et Israël, sous la médiation de l’Égypte, afin de discuter des mécanismes permettant d’atteindre une trêve à long terme.
« Les factions de la bande de Gaza ont décidé de redoubler de pression sur Israël avant le début des nouvelles négociations en Égypte [cette semaine] », selon les propos attribués à des sources palestiniennes par le journal libanais Al-Akhbar.
Ces sources ont également indiqué qu’après les attaques israéliennes contre les sites du Hamas à Gaza mercredi, un message avait été transmis à un médiateur égyptien stipulant que ces attaques étaient considérées comme « des violations des règles et conduir[aient] à une escalade ».
Ce message disait aussi : « La pression populaire va […] s’accroître avec le temps, jusqu’à ce qu’Israël revienne sur ses mesures, en particulier sur le sujet de l’espace de pêche, la fermeture des postes-frontières, l’autorisation pour l’aide qatarie d’entrer à Gaza et l’autorisation des matériaux pour la reconstruction. »
Husam al-Dajani, professeur de sciences politiques à l’université Oumma de Gaza, estime que le nouveau Premier ministre israélien Naftali Bennett tente de trouver un équilibre dans la réaction israélienne afin de satisfaire la droite israélienne sans raviver le conflit.
Moyens de pression
Dajani pense que l’absence de réaction du Hamas aux bombardements israéliens la semaine dernière vise à « donner aux médiateurs l’opportunité de faire pression sur Israël et d’améliorer les conditions de vie dans la bande de Gaza ».
Les Gazaouis se plaignent du durcissement du siège israélien et de la réduction des échanges commerciaux depuis et vers l’enclave côtière, lesquels étaient déjà limités en raison de la pandémie de coronavirus et d’années de siège.
Bassem al-Batniji, qui possède une boutique de vêtements, indique que son entreprise a pratiquement fermé en raison du manque de marchandises à Gaza.
« La saison de l’Aïd al-Fitr a été perdue à cause de la guerre et maintenant, on attend pour l’Aïd al-Adha [fin juillet] mais on ne peut pas faire entrer de nouvelles marchandises à cause de la fermeture des postes-frontières, même avec la fin de la guerre.
« Les conditions empirent de jour en jour », confie-t-il à MEE.
Israël a imposé un siège strict à la bande de Gaza en 2007, peu après la victoire du Hamas aux élections. L’actuel blocus a été assoupli et durci selon les moments, déclenchant souvent des représailles militaires et des violences.
L’analyste politique Ibrahim Abrash estime que Gaza restera dans les limbes entre la guerre et la paix pendant longtemps, sans mettre fin à la division avec le Fatah en Cisjordanie ni trouver de voie politique favorable à une solution réalisable.
« À court terme, pendant un an ou un peu plus, la priorité sera d’absorber les résultats de la récente confrontation militaire et le processus de reconstruction », indique-t-il à MEE.
Selon lui, le Hamas tire parti des circonstances actuelles pour « renforcer ses relations étrangères » plutôt que permettre « un retour à l’escalade », lequel « rendrait encore plus difficile la situation humanitaire dans la bande de Gaza ».
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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