Tunisie : acheter son mouton de l’Aïd en ligne, une option face à la pandémie
À l’approche de l’Aïd al-Adha et compte tenu de la situation pandémique critique à laquelle sont confrontés les Tunisiens depuis quelques semaines, le ministère du Commerce a décidé, pour la première fois, de mettre des moutons en vente en ligne.
« En raison du confinement, on a voulu limiter l’affluence des gens, mais aussi encourager ceux qui ne veulent pas se déplacer pour acheter le mouton de l’Aïd et leur proposer du choix tout en restant chez eux », explique à Middle East Eye Tarek Ben Jazia, PDG de la société Ellouhoum, chargée de l’approvisionnement en viande et de l’exploitation des marchés de bétail.
Vendredi 9 juillet, jour de démarrage de la vente en ligne, le site est resté inaccessible. « Au premier jour, 90 000 visites ont été enregistrées sur le site. Ensuite, ce dernier a été piraté », précise Tarek Ben Jazia.
Le temps que l’équipe technique résolve le problème, la société a choisi de poursuivre les ventes en ligne sur sa page Facebook.
« On a basculé sur Facebook. C’est le même principe : on trouve la photo du mouton, son numéro de boucle, son poids et son prix. La commande se fait par téléphone et le paiement à la réception. »
Le prix d’un kilo à Ellouhoum est fixé à 13 dinars (4 euros).
Près de 1 000 commandes ont été effectuées le premier jour, selon le PDG de la société. « La livraison se fait en 72 heures sur le Grand Tunis seulement [gouvernorats de Tunis, la Manouba, l’Ariana et Ben Arous]. Les frais de livraison sont compris entre 20 et 45 dinars [entre 6 et 13 euros]. »
« On touche le mouton pour le choisir ! »
Mais certains Tunisiens restent sceptiques à l’idée d’acheter le mouton de l’Aïd via le web.
« Et si à la livraison, on découvre que le mouton a un problème ou une déformation quelconque ? », s’interroge Sameh, enseignante dans une école primaire, interrogée par MEE.
« L’idée n’est pas mal sur le principe si on veut éviter les encombrements, dans cette situation sanitaire critique, mais nos traditions veulent qu’on touche le mouton pour le choisir ! »
Conscient de ces préoccupations, le responsable de la société assure que « le retour est possible ».
« Selon la loi du commerce électronique, le consommateur a le droit de rétractation. On a eu déjà un retour au premier jour, car l’acheteur n’était pas satisfait. »
Il garantit toutefois « la bonne qualité des bêtes, contrôlées par des vétérinaires, en plus d’un large choix de types de moutons apportés par différents éleveurs de tous les gouvernorats du pays ».
Ellouhoum offre aussi l’hébergement du mouton pour quatre dinars la journée, dans les étables de la société jusqu’au jour de l’Aïd.
« Je peux aussi le faire garder sans frais supplémentaires chez l’éleveur », témoigne Wissem, qui préfère toutefois acheter son mouton à Rahba, espace en plein air où l’on expose les bêtes à vendre.
L’informaticien de 35 ans privilégie cette formule pour « avoir plus de choix » mais aussi « négocier le prix ».
« Je n’achète le mouton que deux jours avant l’Aïd car j’habite dans un appartement et je n’ai pas la place pour le garder. Certains vendeurs acceptent de le garder jusqu’à la veille de l’Aïd. »
Traduction : « Point de vente d’ovins à Douz, le 8 juillet 2021. »
Oussema, propriétaire d’une chaîne de fast-food, considère pour sa part que « l’e-commerce n’est pas assez développé en Tunisie ».
« J’ai toujours eu de mauvaises expériences avec l’achat en ligne. La dernière fois, j’ai dû attendre deux semaines pour une pomme de douche, qui s’est révélée cassée à la livraison. Et j’ai ensuite galéré pour le retour », confie-t-il à MEE. Alors pour lui, acheter un mouton en ligne n’est pas envisageable.
Mais c’est surtout la recrudescence des cas de coronavirus qui le dissuade de tout achat.
« Avec mes parents et mes frères, on va seulement acheter quelques kilos de viande », témoigne-t-il.
« Même le prophète Ibrahim [à l’origine de la tradition du sacrifice du mouton dans l’islam] aurait acheté du gel hydroalcoolique et des masques au lieu du mouton s’il vivait parmi nous aujourd’hui. »
Pour Sameh et sa famille aussi, il n’y aura pas de mouton cette année.
« Si on ne peut pas fêter l’Aïd dans des conditions normales, en rassemblant la famille dans la joie et la fête, il vaut mieux ne pas le fêter », lâche-t-elle.
Son frère et sa sœur sont à l’étranger et ne rentrent pas cette année. Selon elle, « il serait plus judicieux de faire don de l’argent du mouton pour sauver des vies ou de l’économiser pour les jours difficiles ».
La société Ellouhoum a consacré 8 000 moutons pour la fête prévue le 20 ou le 21 juillet.
Tarek Ben Jazia assure aussi que « la société respecte un protocole sanitaire rigoureux en désinfectant quotidiennement les espaces de vente en direct et en fournissant aux clients le gel hydroalcoolique et les masques ».
La Tunisie connaît depuis quelques semaines une nombre record de contaminations et de décès, en plus d’une saturation dans les hôpitaux.
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