Pegasus : Riyad a ciblé le patron du PSG et de BeIN Sports
L’Arabie saoudite a démenti, jeudi 22 juillet, les accusations « infondées » d’espionnage après la publication d’une enquête choc affirmant que plusieurs pays avaient utilisé le logiciel israélien Pegasus pour surveiller notamment des journalistes et militants des droits humains.
« Un responsable a démenti les allégations parues dans la presse selon lesquelles une entité du royaume aurait utilisé un logiciel pour surveiller les communications », a indiqué l’agence de presse officielle SPA dans la nuit de mercredi à jeudi, sans préciser le nom du logiciel en question.
Pourtant, l’enquête « Projet Pegasus » a bien démontré que le royaume avait utilisé ce malware israélien, notamment pour espionner les proches du journaliste Jamal Khashoggi, assassiné en 2018, ou encore des activistes politiques comme la chercheuse Madawi al-Rasheed. Sans oublier une bonne partie de de l’establishment politico-sécuritaire libanais, dont le président Michel Aoun ou l’ex-Premier ministre Saad Hariri.
Aux personnalités espionnées par Riyad, il faudra désormais ajouter Nasser al-Khelaïfi, patron qatari de l’équipe de football du Paris Saint-Germain et de BeIN Sports.
Selon Le Monde, qui participe au « Projet Pegasus », « un client [de NSO Group, la société israélienne qui a créé ce malware] s’est servi de Pegasus pour viser la direction de BeIN Media Group, présidée par M. Al-Khelaïfi. Ce même client a également ciblé de nombreux hauts responsables turcs, émiratis et libanais et plusieurs voix critiques de la monarchie saoudienne, laissant supposer, avec un très important degré de confiance, qu’il s’agit d’un service de sécurité saoudien ».
Ce ciblage date de la fin 2018, alors que les tensions entre Doha et Riyad étaient vives après blocus imposé sur le Qatar, en juin 2017, par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte et Bahreïn.
Le deal de Chypre
« L’un des champs de bataille de ce conflit est la diffusion des grandes compétitions de football : depuis 2017, une mystérieuse chaîne pirate, BeoutQ, diffuse par satellite et sur Internet, pour un prix modique, l’intégralité des programmes sportifs de BeIN, dont certains acquis à prix d’or », rappelle Le Monde.
« Le Qatar avait déposé, le 1er octobre 2018, une plainte formelle auprès de l’Organisation mondiale du commerce [OMC] et réclamait 1 milliard de dollars [850 millions d’euros] de dommages et intérêts pour les seuls six premiers mois d’existence de la chaîne pirate. »
Peu après ce dépôt de plainte, Nasser al-Khelaïfi a été ciblé par le logiciel espion au profit, selon Le Monde, d’un opérateur présumé saoudien.
Le patron de BeIN n’est pas la seule cible : deux autres responsables sont également visés : Mohammed El-Saïd, le directeur des affaires juridiques pour le Moyen-Orient, « et au moins un membre du conseil d’administration de Qatar Sports Investments, la holding présidée par M. Al-Khelaïfi formellement propriétaire du PSG ».
L’enquête cite aussi « le directeur technique du groupe, Israel Esteban, un employé du service informatique de la chaîne, ainsi qu’un ingénieur spécialisé dans le chiffrement des flux vidéos ».
« Ces attaques semblent correspondre à la période de mise en place par BeIN de dispositifs destinés à bloquer le piratage de ses émissions par BeoutQ », conclut Le Monde.
Il est donc difficile pour Riyad de démentir ces « allégations », d’autant que, par ailleurs, The Guardian vient de publier les détails de la vente par NSO Group aux Saoudiens du logiciel espion.
En juin 2017, à Chypre, un « haut responsable du renseignement militaire » a ainsi rencontré des envoyés de NSO Group venus lui présenter Pegasus.
L’officiel saoudien « a été ‘’stupéfait’’ par ce qu’il a vu », raconte The Guardian. « Après une longue discussion technique, l’espion saoudien, qui avait apporté un nouvel iPhone, a appris comment Pegasus pouvait infecter le téléphone et ensuite être utilisé pour commander à distance son appareil photo. »
« Vous n’aviez pas besoin de comprendre la langue pour voir qu’ils étaient étonnés et excités et qu’ils voyaient [dans ce logiciel] ce dont ils avaient besoin », a déclaré au journal britannique une personne ayant assisté à cette réunion.
« NSO Group avait reçu l’autorisation explicite du gouvernement israélien d’essayer de vendre les outils de piratage aux Saoudiens. Il s’agissait d’un arrangement classifié qui a abouti à la conclusion de la vente à Riyad dans le cadre d’un accord d’une valeur d’au moins 55 millions de dollars. »
The Guardian précise que « le royaume avait été temporairement coupé de l’utilisation de Pegasus en 2018, pendant plusieurs mois, à la suite du meurtre de Jamal Khashoggi, mais avait été autorisé à recommencer à utiliser le logiciel espion en 2019 après l’intervention du gouvernement israélien ».
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