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À l’écran ou dans un roman, la mémoire longtemps tue de l’immigration maghrébine en France

En France, ces dernières années, de nombreux ouvrages et films tentent de recueillir la mémoire des immigrés maghrébins de la première génération
Lina Soualem pose avec son trophée du meilleur documentaire arabe du Festival de cinéma égyptien d’El Gouna, le 30 octobre 2020 (AFP/Ammar Abd Rabbo)
Lina Soualem pose avec son trophée du meilleur documentaire arabe du Festival de cinéma égyptien d’El Gouna, le 30 octobre 2020 (AFP/Ammar Abd Rabbo)
Par AFP à PARIS, France

Mettre des mots sur des vies « marginalisées » pour rompre le silence de l’exil : en France, enfants et petits-enfants d’immigrés algériens et marocains prennent la parole pour documenter la mémoire, souvent tue, de cette immigration post-coloniale.

Sorti mi-octobre au cinéma, Leur Algérie, documentaire de Lina Soualem, 31 ans, (fille de l’acteur Zinedine Soualem) explore le silence de ses grands-parents, Aïcha et Mabrouk, arrivés en France dans les années 1950, qu’ils n’ont jamais quittée.

Car de leur vie, Lina Soualem ne sait rien. C’est cette faille mémorielle, également transmise à son père, qu’elle explore. Comme lorsqu’elle découvre à l’occasion du tournage du film, que son père, né en France, n’a obtenu la nationalité française que bien après ses 18 ans.

« On n’avait jamais parlé de ces questions parce que la norme, c’était le silence. Un silence qui se transmettait de génération en génération, comme si finalement la langue de l’exil était le silence », explique-t-elle à l’AFP.

En donnant la parole à ses grands-parents, « ces invisibles du récit national français, ces gens qui, pour survivre, ont dû rester discrets », Lina Soualem, parvient à relier son histoire personnelle à la grande histoire.

Faire entendre ces voix, c’est aussi ce qu’a voulu Lilia Hassaine avec son roman Soleil Amer (Gallimard), qui a été dans la première sélection du Prix Goncourt, le prix littéraire français le plus prestigieux. Cette fresque sur l’exil en France d’une famille algérienne dans les années 1960 fait écho à sa propre histoire mais n’est pas une autofiction.

Une  « libération de la parole »

« J’avais envie de donner la parole à cette génération, la première à être venue en France car il n’y a rien sur elle. Des films et des livres sur la guerre d’Algérie, on en trouve, mais l’arrivée en France, c’est très peu documenté », soutient la journaliste, notamment chroniqueuse dans l’émission de télévision Quotidien. Elle dit avoir écrit « sans colère ».

Ces dernières années, ont été publiés plusieurs ouvrages qui tentent de recueillir cette mémoire dont les derniers témoins s’éteignent peu à peu : La Discrétion (Plon, 2020) de Faïza Guène, L’art de perdre (Flammarion, Goncourt des lycéens 2017) d’Alice Zeniter, inspiré de la vie de ses grands-parents arrivés d’Algérie, Le pays des autres (Gallimard, 2020) de Leïla Slimani, sur la rencontre de sa grand-mère française avec son grand-père marocain, etc. 

« Ce qui est important, c’est que ces récits existent et vivent dans la société française car ils font bien partie de l’histoire française »

- Lina Soualem, réalisatrice

« On assiste à un vrai mouvement de libération de la parole de cette mémoire immigrée », décrypte auprès de l’AFP la chercheuse Salima Tenfiche. Une parole portée par les petits-enfants des premiers immigrés. 

« Pour la première génération, il fallait rester discret pour survivre. Pour la deuxième, témoin des sacrifices de ses parents, la question de la mémoire était secondaire. C’est la troisième génération, suffisamment proche mais aussi loin de cette histoire douloureuse, qui a réussi à s’emparer de cette question », détaille-t-elle.

Des récits portés par la troisième génération et… principalement par des femmes, actuellement.

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Fin août, la sociologue Kaoutar Harchi publiait Comme nous existons (Actes Sud), qui raconte l’histoire de ses parents arrivés du Maroc en France, puis ses premières années de collège où elle fait l’expérience des inégalités et du racisme latent. Comme cette dédicace, que la jeune femme de 34 ans n’a jamais oubliée, d’une enseignante pour « (s)a petite Arabe ».

Un récit qui la dépasse et dans lequel « beaucoup de personnes peuvent se retrouver », dit-elle.

« Ce qui est important, c’est que ces récits existent et vivent dans la société française car ils font bien partie de l’histoire française. Même si pendant longtemps, on a estimé qu’ils appartenaient à une histoire étrangère à celle de la France », estime la documentariste Lina Soualem. 

Par Alexandra Del Peral

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