Tunisie : la cheffe de cabinet de Kais Saied démissionne au nom de « divergences d’opinion »
En mai 2021, elle s’était trouvée au centre de révélations faites par Middle East Eye, en tant que destinataire d’un plan secret daté du 13 mai expliquant comment le président de la Tunisie Kais Saied allait promulguer l’article 80 de la Constitution lui donnant le contrôle total de l’État.
Son nom est à nouveau apparu hier : Nadia Akacha, cheffe de cabinet du président tunisien et sa très proche conseillère, a annoncé lundi sa démission, invoquant des « divergences d’opinion ».
Presque six mois se sont écoulés depuis que le chef de l’État s’est, le 25 juillet, arrogé les pleins pouvoirs, limogeant le chef de gouvernement de l’époque, Hichem Mechichi, et suspendant le Parlement, dominé par le parti islamo-conservateur Ennahdha.
« J’ai décidé de présenter aujourd’hui ma démission au président […] après deux ans de travail », a-t-elle écrit sur sa page Facebook, assurant avoir toujours « travaillé dans l’intérêt de la Tunisie ».
Âgée de 41 ans, elle a expliqué sa décision par des « divergences fondamentales de points de vue, en relation avec l’intérêt » du pays, sans fournir d’autres précisions.
Citant des sources bien informées, le média basé à Londres Arabi21 a rapporté que cette démission était due au fait que le chef d’état-major de l’armée Mohamed El Ghoul avait rejeté sa demande d’arrestation du président du Parlement et leader d’Ennahdha Rached Ghannouchi.
Nadia Akacha, juriste de formation, qui évite de parler à la presse, est très proche du président Saied et l’accompagnait dans tous ses déplacements depuis son élection en octobre 2019.
Elle avait été nommée conseillère juridique au sein du cabinet présidentiel fin 2019 avant de devenir en janvier 2020 la directrice du cabinet du président.
Titulaire d’un doctorat en droit public, elle est spécialiste en droit constitutionnel. Elle a été chercheure associée à l’Institut Max Planck de droit public et international comparé à Heidelberg (Allemagne).
La crainte d’une dérive autoritaire
Même si un gouvernement de technocrates mené par une femme, Najla Bouden, a été formé en novembre, c’est le président qui dirige le pays par décrets.
Ses opposants ont dénoncé un « coup d’État » et des ONG tunisiennes et internationales ont dit craindre une dérive autoritaire.
Le 13 décembre, Kais Saied a dévoilé une feuille de route destinée à sortir de la crise politique, à travers une consultation populaire via une plateforme électronique, un référendum sur la Constitution et de nouvelles législatives en décembre.
Le 14 janvier, dans des scènes d’une violence plus vue à Tunis depuis dix ans, les policiers ont chargé les manifestants à grand renfort de canons à eau et de gaz lacrymogène, et procédé à des dizaines d’arrestations musclées.
Samedi, lors d’un entretien téléphonique, le président français Emmanuel Macron a appelé son homologue à conduire une « transition dans un cadre le plus inclusif possible ».
La veille, le secrétaire général de l’ONU António Guterres a indiqué suivre « avec inquiétude » l’évolution de la situation en Tunisie, appelant à la « restauration complète d’un cadre démocratique institutionnel ».
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