Tunisie : le président Saied admet une crise des salaires après les protestations des syndicats concernant des retards
Le président tunisien Kais Saied a exigé mardi que son gouvernement paie les salaires des fonctionnaires à temps, avouant ainsi pour la première fois que les salaires étaient versés avec du retard.
Selon les syndicats, ce retard est de plus de dix jours de retard. En Tunisie, les salaires sont généralement versés le 15 du mois.
Lundi, deux syndicats d’enseignants, tous les deux membres de la puissante centrale syndicale UGTT, ont dénoncé des retards de paiement pouvant aller jusqu’à la fin du mois.
Dans le même temps, Habib Mizouri, secrétaire général du syndicat de la Poste (affilié à l’UGTT), a révélé que l’État s’était servi des services postaux nationaux pour payer les salaires de ses fonctionnaires pour le mois de janvier.
Lundi, le syndicaliste a déclaré sur la radio al-Diwan que la Poste tunisienne avait injecté 700 millions de dinars (215 millions d’euros) de ses réserves dans les finances publiques pour contribuer à payer les salaires des fonctionnaires.
Selon Mizouri, ce n’est « pas la première fois que l’État se sert de la Poste pour injecter des capitaux dans le Trésor public ». Il accuse l’État d’être « du côté des banques aux dépens de la Poste ».
« Des actes prémédités et planifiés »
Dans un communiqué publié après sa rencontre au palais présidentiel de Carthage avec la ministre des Finances, Sihem Boughdiri, et la ministre du Commerce, Fadhila Rabhi, le président a imputé la crise économique que traverse le pays aux actions « des opposants du peuple tunisien ».
« Le chef d’État a indiqué que ce qui se passe n’est pas une coïncidence, mais plutôt des actes prémédités et planifiés par ceux qui sont secoués par la nostalgie de l’ère qui a précédé le 25 juillet 2021. »
Le communiqué du président faisait référence à ses mesures controversées annoncées en juillet, et révélées par Middle East Eye deux mois plus tôt, notamment la suspension du Parlement et le limogeage du Premier ministre, dénoncées par son opposition comme un « coup d’État constitutionnel ».
Saied avait cité le taux de chômage record, la corruption endémique et la pandémie de coronavirus comme les motifs de sa prise de pouvoir.
Cependant, la Tunisie reste embourbée et le manque d’action concrète a refroidi de nombreux partisans de cette prise de pouvoir, lesquels critiquent désormais le président et ses politiques.
Mercredi, Kais Saied a reproché à ses opposants la perturbation de la distribution des aliments de base et la hausse des prix, après une augmentation de 3 % des prix des carburants lundi et alors qu’on rapporte des pénuries de pain et d’huile.
« Chaque parti doit assumer pleinement ses responsabilités car les opposants au peuple tunisien veulent le malmener dans tous les aspects de la vie. Parfois, c’est lié aux médicaments vitaux, parfois au carburant, et ces jours-ci, à un certain nombre de biens de base tels que la farine et l’huile subventionnées. »
Sa ministre des Finances a quant à elle indiqué que le gouvernement pourra payer les salaires à temps dans les mois à venir.
Les mesures prises en juillet par Saied ont été suivies par une répression de l’opposition et de ses manifestations. Le vice-président d’Ennahdha, principal parti de l’ancien Parlement, reste gardé vue à l’hôpital en Tunisie, dans des circonstances dénoncées par Human Rights Watch et l’ONU.
L’UGTT, avec plus d’un million de membres représentant environ 5 % de la population tunisienne, n’avait pas initialement rejeté la prise de pouvoir de Saied, mais s’est montré plus critique des actes du président par la suite.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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