The Lady of Heaven, le film qui déclenche la colère des musulmans
Des pays comme le Pakistan, l’Égypte, l’Irak, l’Iran ou encore le Maroc ont interdit la projection en salle du film britannique The Lady of Heaven (La Dame du Paradis) réalisé en 2021 par Eli King et écrit par le religieux musulman chiite Yasser al-Habib, et qui expose, à travers le destin de la fille du prophète Mohammed, Fatima, une version de l’histoire des premières dissidences autour du pouvoir à la disparition du prophète de l’islam.
Comme dans le cas des autres pays ayant interdit ce film, le Maroc a considéré que The Lady of Heaven était « blasphématoire ».
Le Conseil supérieur des oulémas du Maroc, l’instance officielle chargée d’émettre des fatwas (avis religieux), a « fermement condamné » samedi le contenu du film.
Dans un communiqué, le Conseil des oulémas, qui est présidé par le roi Mohammed VI, dénonce « la falsification flagrante de faits établis de l’histoire de l’islam ».
« Cette falsification des faits, qui porte atteinte à l’islam et aux musulmans, est rejetée par tous les peuples, parce qu’elle ne sert pas leurs intérêts supérieurs entre les nations, particulièrement en ces temps », souligne le communiqué de cette instance.
Sorti le 3 juin au Royaume-Uni, le film a été déprogrammé par la chaîne Cineworld après des manifestations à Birmingham, Bolton, Bradford et Sheffield.
« En raison d’incidents récents liés aux projections de Lady of Heaven, nous avons pris la décision d’annuler les projections à venir du film dans tout le pays pour assurer la sécurité de notre personnel et de nos clients », a déclaré Cineworld dans un communiqué.
Les manifestations, auxquelles ont participé des musulmans sunnites et chiites, étaient centrées sur l’affirmation selon laquelle le film dépeindrait de manière inexacte l’histoire musulmane ancienne, représenterait négativement trois des figures les plus importantes de l’islam et attiserait la haine sectaire.
Discours de haine
Les musulmans britanniques ont également exprimé leur colère car les personnages négatifs du film ont été interprétés par des acteurs noirs plutôt que par des acteurs blancs, a rapporté le site Muslim Vibe.
Le scénariste du film, Yasser al-Habib, né au Koweït, avait précédemment provoqué la colère des musulmans sunnites en qualifiant Aïcha, l’épouse du prophète Mohammed, d’« ennemie de Dieu ».
Les discours de Yasser al-Habib contre les figures religieuses sacrées chez les sunnites ont provoqué la colère jusque chez des dignitaires chiites, à l’instar de Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah libanais
Ce prédicateur chiite d’origine koweïtienne, qui a émigré en Grande-Bretagne en 2004, a été arrêté en 2003 au Koweït pour avoir « maudit Abou Bark [premier calife de l’islam], Omar [son successeur] et Aïcha [épouse du prophète] et condamné à dix ans de prison par contumace », d’après sa fiche Wikipédia.
Yasser al-Habib, à Londres, a lancé plusieurs organisations religieuses chiites et ses discours contre les figures religieuses sacrées chez les sunnites ont provoqué la colère jusque chez des dignitaires chiites, à l’instar de Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah libanais.
Le régulateur des médias britannique a lancé plusieurs enquêtes ciblant Fadak TV, dont Yasser al-Habib est l’une des figures les plus importantes, sur fond de suspicion de diffusion de discours de haine.
« J’aimerais pouvoir écrire cette critique en disant que j’encourage les musulmans sunnites à regarder ce film pour mieux comprendre le point de vue chiite sur ces événements – même si c’est bouleversant à voir. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas parce que ce film n’est pas ça », écrit un chroniqueur dans Muslim Vibe.
« Il s’agit simplement d’un investissement de 15 millions de livres sterling [17 millions d’euros] pour diviser la communauté musulmane. Si Yasir Habib s’attend à ce que ce film provoque une onde de choc dans le monde et conduise à des conversions massives à sa version de l’islam chiite, eh bien, je peux dire avec plaisir qu’il a échoué – car c’est un film tellement mal fait », conclut le chroniqueur.
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