Rencontres du troisième type : quatre des plus anciennes mentions de vie extraterrestre dans la littérature moyen-orientale
L’étendue infinie de l’espace fascine les êtres humains depuis la nuit des temps. Parmi les mystères du cosmos, le principal tourne autour de cette question éternelle : y a-t-il de la vie au-delà de la Terre ?
Les premiers humains projetèrent leurs propres mythologies sur les étoiles, donnant aux constellations leurs propres noms et histoires, dont beaucoup perdurent aujourd’hui.
Pour les esprits spéculatifs et mystiques, les plus grandes réalisations de l’humanité, qu’il s’agisse des technologies du monde moderne ou des structures construites par les anciens Égyptiens ou les Mayas, n’étaient pas le résultat de l’ingéniosité humaine mais de l’aide de l’au-delà.
Bien qu’il n’y ait aucune preuve confirmant que les célèbres pyramides de Gizeh ou la ville maya de Chichén Itzá aient été construites par des extraterrestres ou afin de communiquer avec eux, la question de la vie en dehors de notre planète continue de préoccuper les astrophysiciens contemporains et les personnes lambda.
Comme ailleurs dans le monde, le Moyen-Orient a signalé un certain nombre d’observations d’objets volants non identifiés (OVNI), notamment en Iran (1976), en Syrie (2012) et au Koweït (2017).
En 2021, le physicien théoricien israélo-américain Avi Loeb a lancé le projet Galileo pour examiner les phénomènes aériens non identifiés, tels que ceux signalés par les pilotes de la marine.
L’intérêt pour les extraterrestres remonte au moins au satiriste grec Lucian (IIesiècle) et se manifestait parmi les érudits islamiques.
Si selon certaines idées reçues, la possibilité de la vie en dehors de la Terre saperait les croyances religieuses, des spécialistes affirment le contraire.
« La tradition islamique a généralement soutenu les conceptions de la vie extraterrestre », écrit Jorg Matthias Determann dans son récent livre Islam, Science Fiction and Extraterrestrial Life.
« Par exemple, le Coran se réfère à plusieurs reprises à Dieu comme au ‘’Seigneur des mondes’’, et les musulmans ont combiné ces notions avec la recherche astrobiologique mondiale et la science-fiction. »
Le Talmud, dans le judaïsme, mentionne aussi un Dieu parcourant « 18 000 mondes ». Les détails de ce que contiennent ces univers restent un mystère.
Cet intérêt de la région pour l’espace et les secrets qu’il contient est consigné dans une littérature pluriséculaire.
Dans la liste ci-dessous, inspirée des recherches de Determann, Middle East Eye examine certaines des plus anciennes mentions de vie extraterrestre dans la littérature moyen-orientale.
1. Histoire vraie de Lucian de Samosata
Né au second siècle de notre ère à Samosate, dans ce qui est aujourd’hui la Turquie mais était alors la Syrie romaine, Lucian était un satiriste grec qui connut une carrière prolifique grâce à ses parodies des plus grandes épopées de l’Antiquité.
L’œuvre dont on se souvient le mieux est son Histoire vraie, dans laquelle une version romancée de lui-même raconte une épopée inspirée de L’Odyssée d’Homère.
Les vents de tempête transportent Lucian sur la Lune, où il rencontre une race d’extraterrestres ressemblant à des humains qui sont en guerre avec les habitants du Soleil pour le droit de coloniser « l’étoile du berger » (Vénus).
Bien que satirique, la nouvelle contient certaines des premières représentations imaginaires de ce à quoi ressemblerait la vie en dehors de la Terre, et a été qualifiée de première œuvre connue de science-fiction.
Les races rencontrées par Lucian peuvent retirer leurs yeux à leur guise et ne les remettre qu’en cas de besoin, d’autres ont des corps d’hommes avec des visages de chiens, tandis que des versions géantes de créatures existant sur Terre, telles les araignées et les puces, servent de cavalerie sur le champ de bataille.
Il est possible que ses descriptions fantastiques des races rencontrées, les Hippomyrmicks, les Psyllotoxotans et autres Scorodomachians, aient inspiré Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift.
Si les descriptions de Lucian n’étaient destinées qu’à avoir une valeur comique, elles démontrent que l’idée de la vie extraterrestre était fermement enracinée dans l’esprit des Anciens.
2. Les Illuminations de La Mecque d’Ibn Arabi
Le soufi et philosophe andalou Ibn Arabi écrivit son magnum opus sur une période de 30 ans. Cette œuvre rassemble sa poésie, sa prose philosophique et ses fables narratives.
Les Illuminations de La Mecque, qui compte 560 chapitres, commence par la rencontre du mystique du XIIe siècle avec un esprit ancestral pendant qu’il réalise le tawaaf (circumambulation) de la Kaaba dans la Grande Mosquée de La Mecque, le site le plus sacré de l’islam.
L’esprit introduit Ibn Arabi aux secrets de l’existence et à la vraie nature de Dieu et de l’Univers, mais révèle également des informations susceptibles de piquer la curiosité de ceux qui s’intéressent à la vie extraterrestre.
Ayant connaissance des mondes extraterrestres, l’esprit enseigne au mystique les autres civilisations et leurs « vastes villes, dotées de technologies bien supérieures aux nôtres ».
Également digne d’intérêt dans les Illuminations est la mention d’une citation attribuée au prophète Mohammed, dans laquelle il aurait évoqué l’existence de 100 000 « Adams » avant l’Adam qui aurait donné naissance à l’humanité.
Alors qu’Ibn Arabi était considéré comme hétérodoxe et même hérétique par ses contemporains et certains érudits islamiques ultérieurs tels que le théologien conservateur Ibn Taymiyya, il continue d’exercer une forte influence sur la pensée soufie.
3. Les Merveilles des choses créées de Zakariya al-Qazwini
Le médecin et astronome persan Zakariya Ibn Muhammad al-Qazwini (1203-1283) écrivit l’histoire d’un extraterrestre qui se rendit sur Terre depuis une planète lointaine pour observer l’homme et fut dérouté devant les habitudes et les comportements déconcertants des Terriens.
— Islam & Science (@IslamScienceNet) August 13, 2019
Traduction : « Il pourrait être surprenant que l’un des premiers romans de science-fiction écrits ne soit pas, en fait, Frankenstein de Shelley ou The Time Machine de HG Wells, mais le travail de l’écrivain et médecin du XIIIe siècle basé à Bagdad, Zakariya al-Qazwini. Miniature ottomane de Star Wars par Murat Palta. »
En dehors de son intérêt pour la cosmologie, on sait relativement peu de choses de Qazwini, mis à part qu’il est né en Iran dans une famille d’origine arabe.
Parmi ses œuvres majeures, figure Ajaib al-Makhluqat wa Gharaib al-Mawjudat (Les Merveilles des choses créées et les curiosités des choses existantes), dans laquelle il décrit des créations terrestres et célestes, telles que l’homme, les anges et les animaux.
4. Les Aventures de Bouloukiya (auteur inconnu)
La forme que prennent les êtres extraterrestres a fait l’objet de débats parmi les musulmans qui croient en la vie en dehors de la Terre.
Les spéculations se concentrent sur les djinns, des créatures sensibles composées de ce qui est décrit comme du « feu » et qui occupent le monde aux côtés des humains.
Dans la théologie islamique, les djinns sont soumis à des lois morales comme les hommes, mais à quelques exceptions près, ils vivent sans présenter aucune preuve observable de leur existence.
Contrairement aux humains, les djinns auraient des pouvoirs qui peuvent transcender le temps et l’espace.
Compte tenu de ces attributs, certains musulmans pensent que les êtres « d’un autre monde » considérés comme des extraterrestres dans la culture populaire sont en fait une sorte de djinn.
De telles idées étaient probablement connues des compilateurs de la collection d’histoires orientales connue sous le nom de Mille et Une Nuits (Alf Layla wa Layla), datant du tournant du premier millénaire de notre ère.
Dans Les Aventures de Bouloukiya, le personnage éponyme, un roi israélite, abandonne son trône après avoir découvert une lettre que son père lui avait cachée, et qui lui prédisait l’arrivée du prophète Mohammed.
Bouloukiya se lance alors à la recherche du prophète – une quête qui se transforme en odyssée pleine de digressions durant laquelle il traverse les dimensions et rencontre une série d’êtres célestes et extraterrestres, notamment des djinns, des géants et des anges.
Les origines exactes de l’histoire, comme beaucoup de celles que contient Les Mille et Une Nuits, sont inconnues, mais les conteurs musulmans auraient l’adaptée d’une source juive, laquelle pourrait à son tour avoir été influencée par L’Épopée de Gilgamesh.
Traduit de l’anglais (original).
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