La première pasteure palestinienne de Jérusalem parle de parité, d’occupation et de ses nouvelles fonctions
Quand elle était enfant, Sally Azar accompagnait souvent son père à l’église de Jérusalem ainsi qu’aux réunions et séances d’études de la Bible.
Son père, ancien pasteur et actuel évêque de l’Église luthérienne, l’emmenait avec lui pour aider lors des camps de vacances ou des animations socioéducatives, ce qui a nourri son intérêt pour la théologie.
Aujourd’hui, à l’âge de 26 ans, Sally Azar est la première pasteure palestinienne dans la vieille ville de Jérusalem. Elle a été ordonnée lors d’une cérémonie à l’église luthérienne en début d’année et dirigera la congrégation anglophone à l’église du Rédempteur, église évangélique luthérienne en Jordanie et Terre sainte.
Elle remplira toutes les fonctions d’un pasteur vis-à-vis de la congrégation, des mariages et baptêmes jusqu’aux offices. Elle poursuivra également son travail en matière de justice, d’initiatives pour la jeunesse et de parité.
L’information a fait les unes du monde entier, car la plupart des chrétiens palestiniens appartiennent à des confessions où les femmes ne peuvent intégrer le clergé, ce qui fait de la nomination de Sally Azar une exception très célébrée dans la région.
Combat pour l’égalité
Sally Azar est née et a grandi à Jérusalem mais a aussi vécu en Allemagne, où elle a étudié la théologie interculturelle. Elle a également fait un stage de deux ans à Berlin dans une église.
Dans l’ensemble, elle estime avoir étudié huit ans avant son ordination.
Ses nouvelles fonctions ont inspiré de nombreuses femmes dans son entourage.
« Certaines de mes amies musulmanes sont même venues dans la vieille ville pour voir mon ordination… c’est généralement une atmosphère positive », raconte-t-elle à Middle East Eye.
Cependant, tout le monde n’a pas été enthousiasmé par son ordination.
« Certaines Églises étaient contre et certains prêtres m’ont félicitée officieusement, ils ne pouvaient pas le faire en public parce que leurs Églises ne soutiennent pas [l’ordination des femmes] », explique-t-elle.
En plus de se préparer à ses nouvelles fonctions, Sally Azar défend publiquement l’importance des femmes aux postes de direction au sein de l’Église.
Nous avons effectué des changements dans la politique de justice générale de notre Église luthérienne, nous nous battons pour l’égalité », assure-t-elle.
« Maintenant que je suis pasteure, je réalise l’importance que cela a en Palestine, et c’est pourquoi de nombreuses femmes m’ont écrit. Je suis si fière de cela parce que c’est un grand pas en avant pour les femmes », poursuit-elle.
Sally Azar espère que la société acceptera davantage les femmes aux postes de direction dans les diverses autres Églises, et ailleurs, comme sur le lieu de travail.
Check-points et défis de l’occupation
Rentrer à Jérusalem après avoir passé des années en Allemagne a été un choc pour elle.
Elle a dû s’habituer aux situations tendues sur le terrain et aux restrictions et défis imposés par l’occupation israélienne.
« Actuellement, les choses empirent. Je suis consciente que de nombreux membres de notre congrégation sont inquiets et se demandent s’il est sûr de se rendre dans certains endroits en particulier », confie-t-elle.
Bien que les membres de la congrégation aient trouvé diverses solutions pour faire face à ces défis, la pasteure est persuadée que ces derniers peuvent encore causer d’importants problèmes.
« Les Palestiniens de Jérusalem et ceux en Cisjordanie qui vivent derrière le mur sont affectés par l’occupation au quotidien »
- Sally Azar, pasteure palestinienne
« Les Palestiniens de Jérusalem et ceux en Cisjordanie qui vivent derrière le mur [israélien] sont affectés par l’occupation au quotidien. »
Le plus dur est d’obtenir la permission de passer les check-points pour les membres de la congrégation qui se rendent à Jérusalem afin de se réunir pour des ateliers.
« Il nous faut prendre tellement de choses en considération lorsqu’on prévoit une rencontre à Jérusalem et Bethléem avec l’ensemble de la congrégation. »
Les obstacles quotidiens suscitent de longs délais et les processus compliqués aux check-points sont usants, en particulier à Noël et à Pâques, selon elle.
Cette année, le Ramadan, Pâques et Pessah tombent à peu près au même moment, ce qui amènera des milliers de personnes à Jérusalem.
« Il n’y a pas une année où les forces israéliennes n’ont pas cherché l’affrontement ou monté des check-points pour empêcher les gens d’entrer, il y a toujours des conflits, donc j’espère que nous pourrons le résoudre à l’amiable avec bonté », déclare-t-elle.
Malgré la situation, Sally Azar a l’espoir que les Églises continueront à œuvrer ensemble pour soutenir ceux qui sont affectés par l’occupation israélienne.
Faire entendre la voix des femmes
L’un de ses principaux objectifs est de s’assurer de faire entendre la voix des femmes au sein de l’Église.
En allant au contact et en travaillant au côté des femmes, elle pense que ses nouvelles fonctions lui donneront le pouvoir d’exercer une plus grande influence.
« Je pense qu’un plus grand nombre de femmes viendront me voir en tant que pasteure femme pour signaler des choses telles que des comportements violents, et cela signifiera qu’on en parlera davantage dans la société », avance-t-elle, en expliquant à quel point il peut être plus difficile pour une femme de se rapprocher d’un pasteur pour évoquer certaines expériences.
Elle espère également que sa nomination ouvrira la voie à d’autres femmes qui endosseront des rôles similaires au sein des Églises, ouvrant la voie à un changement des choses en Palestine et dans la région.
Sally Azar est désormais l’une des cinq femmes ordonnées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : il y en a une en Syrie et trois au Liban.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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