Séisme en Turquie : la « torture » des forces de l’ordre pour des pillards présumés
Le 11 février, Ahmet Guresci, accusé de pillage, est roué de coups par des gendarmes. Il en meurt, affirment Amnesty International et Human Rights Watch, qui dénoncent les actes de « torture » auxquels les forces de sécurité se sont livrées après le séisme ayant dévasté le sud de la Turquie.
L’homme de 27 ans avait été interpellé cinq jours après le tremblement de terre pour « suspicion de pillage et autres crimes » avec son frère Sabri, de dix ans son aîné, qui raconte une litanie de coups et autres violences avant le décès du cadet, selon les deux ONG de défense des droits humains.
Les deux ONG ont ainsi documenté treize affaires distinctes, dans lesquelles 34 victimes, tous des hommes, ont été maltraitées par des policiers, gendarmes ou soldats déployés sur les lieux du tremblement de terre
En détention, « jusqu’à dix gendarmes » les ont « longuement battus, ils les ont déshabillés, leur ont tordu les testicules et ont tenté de les violer par voie anale avec des matraques », écrivent-elles dans un rapport paru mercredi.
L’autopsie d’Ahmet Guresci, d’après ces organisations, fait état d’une « blessure au cerveau qui aurait pu causer sa mort et de bleus sur son corps ».
Un rapport médical de son frère Sabri établit « des lésions et de longues ecchymoses sur ses épaules, son dos, ses fesses et ses membres, ainsi qu’un pouce cassé, ce qui correspond à son récit selon lequel il a été battu à coups de matraque et de pied par les gendarmes », de même source.
D’après Amnesty international et Human rights watch (HRW), « trois gendarmes auraient été suspendus le temps d’une enquête ».
Les deux ONG ont ainsi documenté treize affaires distinctes, dans lesquelles 34 victimes, tous des hommes, ont été maltraitées par des policiers, gendarmes ou soldats déployés sur les lieux du tremblement de terre. Aucun autre mort n’est à déplorer.
« Le sommet de l’iceberg »
Questionnés sur ces faits par Amnesty et HRW, les ministères de la Justice et de l’Intérieur turcs leur ont affirmé appliquer une « tolérance zéro sur la torture », les conclusions des deux ONG n’étant selon les autorités que « de vagues affirmations dénuées de bases factuelles ».
Celles-ci disent pourtant s’être appuyées sur des documents officiels (plaintes, certificats médicaux) pour leur recherche, et « lorsque cela était possible », sur des séquences vidéo en rapport avec les violences.
L’une d’entre elles, longue de 32 secondes, qui a circulé sur « quatre chaînes Telegram différentes le 12 février », montre un homme « attaqué par un groupe de personnes habillées en civil et des policiers participant » aux maltraitances alors que « des gendarmes sont présents », racontent-elles.
Originaire de la ville d’Antakya, ravagée par le séisme, la victime venait aider un ami (également battu par la foule et les forces de sécurité) dont la tante et un cousin se trouvaient encore sous les décombres d’un immeuble. Les deux hommes ont finalement réussi à prouver leur bonne foi et ont été relâchés. Ils ont ensuite déposé plainte.
Ces treize affaires « ne sont que le sommet de l’iceberg », affirme Emma Sinclair-Webb, directrice associée de Human rights watch, qu’elle représente en Turquie, un pays traumatisé par le séisme du 6 février dernier qui a fait plus de 50 000 morts.
Sur les lieux du sinistre, la question des pillages avait été extrêmement mal vécue par de nombreuses personnes qui cherchaient alors les dépouilles de leurs proches. L’importante minorité syrienne avait été particulièrement visée par ces accusations, avait constaté l’AFP.
L’état d’urgence, déclaré pour trois mois dans les zones sinistrées pour faire face à la catastrophe, « ne doit pas conduire à l’anarchie et à l’impunité, à la torture et à d’autres mauvais traitements »
« Nous devons admettre qu’il y a eu un défi sécuritaire [pour les autorités], avec des vols et du pillage », estime Emma Sinclair-Webb. « Mais la police et la gendarmerie ont la responsabilité d’assurer la sécurité des gens, ce qui ne signifie par les torturer ou les battre, même s’ils sont suspectés de vol. »
L’état d’urgence, déclaré pour trois mois dans les zones sinistrées pour faire face à la catastrophe, « ne doit pas conduire à l’anarchie et à l’impunité, à la torture et à d’autres mauvais traitements », estime de son côté Esther Major, une chercheuse d’Amnesty international.
Et Esther Major d’espérer qu’après une première réponse « décevante », les autorités turques « [réagiront] avec la tolérance zéro dont ils parlent et qu’elles enquêteront réellement », afin que les coupables « répondent » de ces actes « choquants ».
Par Joris Fioriti.
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