Aller au contenu principal

Un Syrien tué après avoir été « détenu et battu » par des gardes-frontières turcs

Un homme a perdu la vie et sept autres ont été blessés par des gendarmes turcs qui les auraient battus et forcés à boire du diesel alors qu’ils tentaient de franchir la frontière syro-turque
Zakaria Qastal, allongé sur un lit d’hôpital à Bab al-Hawa, le 12 mars 2023 (MEE/Ahmad Fallaha)
Par Ahmed Fallaha à BAB AL-HAWA, Syrie

Un Syrien a été tué dimanche et sept autres blessés après avoir été battus et maltraités par des gendarmes turcs alors qu’ils tentaient de franchir la frontière syro-turque, a appris Middle East Eye de sources locales.

Selon Mazen Alloush, directeur du bureau des relations publiques du poste-frontière de Bab al-Hawa, ces Syriens avaient été arrêtés tôt dimanche.

« Nous sommes arrivés à 1 heure précise dimanche matin ; un certain nombre de déportés venant de Turquie, huit civils, avaient été sévèrement torturés par la gendarmerie turque », indique-t-il à MEE.

« Mon cousin est mort sous mes yeux, battu et torturé par les gendarmes turcs »

- Zakaria Qastal, réfugié syrien

« En conséquence, l’un d’eux est décédé, et les autres ont de graves blessures et fractures, ils sont toujours hospitalisés. »

L’un des détenus dit avoir été contraint de boire du diesel par les gardes-frontières, qui les ont arrêtés pour avoir tenté de passer en Turquie « illégalement ».

« La gendarmerie turque nous a forcés à boire du gazole, et j’ai été frappé avec plusieurs outils, dont des câbles électriques, des bâtons et des brochettes en fer », déclare Youssef Muhammad al-Harj, un jeune déplacé de 16 ans originaire de la campagne d’Alep.

Il affirme que les services de sécurité turcs les ont forcés à se déshabiller, ont cassé leurs téléphones, puis les ont filmés avant de commencer à les battre et à les « torturer ».

« J’ai perdu connaissance plusieurs fois. Plusieurs fois, ils m’ont jeté de l’eau froide pour que je puisse me réveiller et [qu’ils puissent] me torturer à nouveau », ajoute-t-il.

Selon le Centre de documentation des violations dans le nord de la Syrie, le nombre de Syriens tués par la gendarmerie turque depuis 2011 s’élève désormais à 555 personnes, dont 103 mineurs et 67 femmes.

Traces des violences dont Youssef Muhammad al-Harj a été victime aux mains de gendarmes turcs, alors que lui et ses compagnons tentaient de franchir la frontière (MEE/Ahmad Fallaha)
Traces des violences dont Youssef Muhammad al-Harj a été victime aux mains de gendarmes turcs, alors que lui et ses compagnons tentaient de franchir la frontière (MEE/Ahmad Fallaha)

Par ailleurs, 2 295 individus ont été blessés par les balles des gendarmes turcs alors qu’ils tentaient de franchir la frontière. D’autres habitants des villages et villes frontaliers et agriculteurs syriens ont également été visés par la gendarmerie à balles réelles.

« Mon cousin est mort sous mes yeux, battu et torturé par les gendarmes turcs », témoigne à MEE Zakaria Qastal, un déplacé de 34 ans originaire du village d’as-Samra, dans la campagne orientale de Hama.

« Ils allaient le jeter dans un buisson près de la frontière, mais je les en ai empêchés et j’ai commencé à crier de toutes mes forces », dit-il, ajoutant que lui-même peut à peine marcher à cause des coups qu’il a subis.

« Notre seul péché était de sortir de Syrie pour chercher du travail et une source de revenus pour nos familles. J’ai sept enfants.

« J’allais en Turquie pour trouver du travail et de quoi vivre pour ma famille. Mon cousin, mort torturé, n’avait que 19 ans. Il allait chercher un travail et un nouvel avenir. »

Des maltraitances à répétition

Des millions de Syriens ont traversé la frontière avec la Turquie depuis le début de la guerre civile dans leur pays en 2011.

Bien que le gouvernement turc ait dans un premier temps accueilli les Syriens en tant qu’« invités », le pays connaît une vague d’animosité croissante envers ces derniers, un sentiment exploité par des politiciens de tous bords, qui ont appelé à ce qu’ils retournent dans leur pays.

Séisme en Turquie : les ultranationalistes font campagne contre les réfugiés syriens
Lire

Les réfugiés continuent néanmoins à tenter de passer la frontière, une situation exacerbée par les tremblements de terre du mois dernier qui ont dévasté une grande partie du nord de la Syrie et du sud-est de la Turquie.

Dans un communiqué, le Centre de documentation des violations a indiqué que les forces de sécurité turques ciblaient en permanence les Syriens des villages frontaliers.

La Turquie a construit un mur de séparation le long de sa frontière, longue de 911 km, pour empêcher l’entrée de réfugiés, ce qui, selon le centre, n’a cessé d’entraîner des morts et des blessés parmi les civils.

Selon Alloush, le poste frontière de Bab al-Hawa avec la Turquie accueille quotidiennement des Syriens déportés du territoire turc, y compris des personnes arrêtées alors qu’elles traversaient illégalement la frontière.

« Nous appelons le gouvernement turc à ouvrir une enquête immédiate sur l’affaire [de torture], pour connaître les circonstances de l’accident, d’autant que ce problème s’est répété de nombreuses fois ces derniers temps. »

Traduit de l’anglais (original).

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].