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Séisme en Turquie : les ultranationalistes font campagne contre les réfugiés syriens

Des voix d’extrême droite en Turquie présentent les Syriens comme des pillards alors que la réalité sur le terrain est tout autre
Des personnes se réchauffent près d’un brasero et attendent des nouvelles de leurs proches alors que les secours sont à pied d’œuvre à Gaziantep, en Turquie, à la suite de tremblements de terre de magnitude 7,8 et 7,6 le 10 février 2023 (Agence Anadolu)
Par Ragip Soylu à ANKARA, Turquie

Trois jours après le double tremblement de terre dévastateur qui a frappé la Turquie et la Syrie, un professeur de géophysique turc respecté a mis en garde contre un « problème de sécurité nationale » se profilant à l’horizon : les réfugiés syriens.

« Un problème de sécurité nationale est apparu dans des villes comme Kilis, Hatay, Adana, Gaziantep et Şanlıurfa, où les réfugiés sont concentrés », a écrit le professeur Övgün Ahmet Ercan sur Twitter.

« Lorsque la migration hors de Hatay, qui est à moitié détruite, commencera, les Syriens seront les dirigeants de villes comme Hatay et Kilis. L’armée [devrait être] déployée. »

Ercan, expert des tremblements de terre et catastrophes naturelles, n’était pas le seul à mettre en garde contre la présence des Syriens dans le sud de la Turquie et à les pointer du doigt.

Les habitants des régions dévastées sont en colère en raison de la lenteur des interventions d’urgence dans les 48 premières heures après les tremblements de terre de lundi, qui ont jusqu’à présent fait plus de 35 000 morts dans le pays et en Syrie voisine.

Beaucoup se sont tournés vers les réseaux sociaux pour critiquer le pillage des convois d’aide et le vol d’objets de valeur dans les habitations et les magasins effondrés.

Traduction : « Le pillage continue. Cette fois, ils volent une machine à laver. »

Certains n’ont pas tardé à dire que les Syriens étaient derrière les pillages, bien qu’il y ait peu de preuves pour le suggérer. D’autres ont affirmé que les Syriens recevaient une meilleure aide en cas de catastrophe malgré, encore une fois, l’absence de preuve.

« Depuis les premiers instants de la plus grande catastrophe de Turquie, les réfugiés et les fugitifs ont pillé les villes », a affirmé mercredi Ümit Özdağ, chef du parti d’extrême droite anti-réfugiés Yurt Partisi (« la patrie »).

Özdağ mène une campagne publique contre les Syriens à la fois sur les réseaux sociaux et sur le terrain. Son parti a notamment pour programme de renvoyer de force des millions de réfugiés en Syrie.

Les images du pillage partagées sur les réseaux sociaux ne fournissent aucune preuve que les pillards soient des Syriens.

De nombreuses vidéos sont apparues pour montrer des gens en train de piller des supermarchés qui s’exprimaient dans un turc parfait.

« Nous sommes tous les victimes du tremblement de terre ici. Personne ne devrait faire de discrimination contre des personnes en raison de leur race »

- Süleyman Soylu, ministre turc de l’Intérieur

Le ministre turc de l’Intérieur, Süleyman Soylu, qui mène une âpre bataille contre Özdağ et sa rhétorique anti-migrants, a déclaré jeudi que 99 % des dénonciations de pillage s’étaient révélées fausses.

« Il pourrait y avoir des vols et des incidents criminels pendant cette période, comme cela se produit régulièrement », a déclaré le ministre à la télévision.

« Nous sommes tous les victimes du tremblement de terre ici. Personne ne devrait faire de discrimination contre des personnes en raison de leur race. Ces gens ne volaient pas hier. Ont-ils attendu le tremblement de terre pour voler ? »

La Turquie abrite plus de 3,6 millions de Syriens ainsi que près de 320 000 réfugiés d’autres nationalités, ce qui en fait le plus grand pays d’accueil de réfugiés au monde selon l’ONU. Mais une décennie après le déclenchement de la guerre en Syrie, les relations entre les communautés se sont tendues.

Les Syriens participent aux efforts humanitaires

Selon İsmail Çoktan, journaliste turc spécialisé sur la Syrie, il n’est pas surprenant que la colère soit dirigée contre les Syriens à un moment aussi catastrophique dans l’histoire du pays, où l’opinion publique est bouleversée.

« En raison du problème des réfugiés, qui a longtemps été alimenté par divers partis ultranationalistes, la [colère] des gens peut se retourner contre les réfugiés syriens », dit-il à Middle East Eye.

Çoktan ajoute que lors de tout incident grave en Turquie, les cercles d’extrême droite blâment d’abord les Syriens.

« Certains Syriens ont participé au pillage de certains magasins à Hatay avec d’autres citoyens turcs, mais ces groupes ultranationalistes se comportent comme si tous les Syriens étaient désormais des pillards », dénonce-t-il.

Dans le nord de la Syrie, il n’y a « plus aucun espoir » de trouver des survivants du séisme
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Contrairement à l’image peinte par certaines voix d’extrême droite, les réfugiés syriens dans la zone touchée et dans toute la Turquie ont rejoint les efforts d’aide d’urgence.

Ils se portent volontaires car ils se considèrent comme des membres à part entière de la société turque et sont directement touchés par les tremblements de terre, explique Çoktan.

Près de 1,9 million de réfugiés syriens vivent dans les dix provinces touchées par les tremblements de terre.

« J’espère pouvoir y aller bientôt », déclarait mardi à MEE Abdulrahman al-Ahmad, un réfugié syrien vivant à Istanbul qui s’est porté volontaire pour aider les secouristes. « J’ai enregistré toutes mes données pour participer à la recherche de survivants sous les décombres. »

Omer Ali, un épicier syrien, distribuait pour sa part gratuitement des fruits et légumes à Kahramanmaraş, l’épicentre de l’un des séismes.

« Laissez-les venir. Il y a des oranges, il y a des pommes, il y a tout. Laissez-les les prendre, pour l’amour d’Allah », a-t-il dit.

D’après Bülent Yıldırım, président de l’ONG islamique d’aide humanitaire İHH, des Syriens dans les zones contrôlées par la Turquie dans le nord de la Syrie ont cuit 300 000 pains par jour pour les expédier dans les zones touchées par le tremblement de terre.

« Les deux parties s’entraident », a-t-il déclaré.

Traduit de l’anglais (orignal).

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