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Tunisie : selon une enquête, moins de la moitié des 18-29 ans connaissent l’existence de la pilule contraceptive

Les résultats de l’étude reflètent l’absence de programmes d’éducation sexuelle structurés et efficaces en Tunisie ainsi que l’utilisation de médias sociaux canalisant des courants d’idées divers et contradictoires, relève l’association à l’origine du sondage
Selon l’enquête, seuls 20,8 % des jeunes interrogés connaissent la pilule du lendemain (AFP/Fethi Belaïd)
Selon l’enquête, seulement 54,2 % des jeunes connaissent le préservatif masculin (AFP/Fethi Belaïd)
Par MEE

À l’image des enquêtes précédentes menées par le groupe Tawhida Ben Cheikh pour la recherche et l’action sur la santé des femmes (association composée de scientifiques, d’experts et de militants œuvrant pour la promotion des droits à la santé sexuelle et reproductive), la dernière étude réalisée entre novembre 2022 et février 2023 montre que les Tunisiens de 18 à 29 ans méconnaissent « des sujets essentiels de la vie, tels que la sexualité et la santé sexuelle et reproductive », selon les termes du communiqué.

Cette enquête visait à « collecter des indicateurs, à identifier les déterminants des perceptions et des attitudes, ainsi que des sources d'influence des valeurs à l’égard de la sexualité, de la santé sexuelle et reproductive et de la relation de genre ».

Elle a été menée auprès de 6 000 jeunes, hommes et femmes, issus de huit gouvernorats (Ariana, Ben Arous, Le Kef, Manouba, Médenine, Sfax, Tataouine et Tunis).

66,9 % des hommes indiquent que l’homme doit avoir le dernier mot lorsqu’il s’agit de décisions importantes pour la famille

Les résultats montrent « une persistance des valeurs patriarcales en rapport avec le genre », souligne le groupe, en relevant que 66,9 % des hommes indiquent que l’homme doit avoir le dernier mot lorsqu’il s’agit de décisions importantes pour la famille.

Ils mettent aussi en évidence « des tabous associés à la sexualité des femmes et la diversité dans l’orientation sexuelle » et révèlent que « la diffusion des attitudes traditionnelles va au-delà des niveaux socio-économiques, les tranches d’âge et le niveau d’éducation ».

En matière de sexualité et de santé sexuelle et reproductive, seulement 54,2 % des jeunes connaissent le préservatif masculin, 45,8 % la pilule contraceptive et 20,8 % la pilule du lendemain, ceci en dépit des pratiques sexuelles, précoces chez les hommes, dont une grande partie est non protégée. 

L’accès à l’avortement contesté

Comparé à une enquête réalisée en 2018 sur les mêmes sujets, certes sur un échantillon beaucoup plus réduit (un peu plus de 1 000 jeunes) et seulement dans des zones du Grand Tunis, ce nouveau sondage prouve que les choses n’ont pas beaucoup évolué.

À l’époque, 60 % des jeunes interrogés ignoraient l’existence de la pilule du lendemain et 23 % des 15-16 ans ne connaissaient aucune méthode contraceptive.

Pourtant, l’éducation sexuelle existe en Tunisie depuis les années 1990. À l’époque, l’Office national pour la famille et la population (ONFP) avait mis en place des politiques de prévention face au virus du sida qui comprenaient l’éducation sexuelle.

« L’éducation sexuelle et la sensibilisation se faisaient via des ateliers et dans le cadre d’espaces mis en place pour les jeunes dans les 24 gouvernorats tunisiens. Mais ces lieux sont restés confidentiels, à la fois pour ne pas intimider la jeunesse qui s’y rendait, souvent déjà déscolarisée et non encadrée, mais aussi à cause des tabous de la société », rapportait Middle East Eye en 2018.

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Cette année, l’étude tend aussi à montrer « une exposition à une information globalisée [les inscriptions à Facebook dépassent 90 %] et l’utilisation de substances » comme le tabac, l’alcool et le cannabis. 32,8 % des hommes disent fumer du cannabis de temps en temps ou de façon régulière. La consommation de drogues dures est aussi plus élevée parmi les hommes. 

« La connaissance du droit et l’accès à l’avortement sont très limités », note le groupe. 38 % des hommes et 31 % des femmes désapprouvent l’idée que « chaque femme célibataire a le droit de bénéficier des prestations de l’avortement quand elle le désire ».

La connaissance de la loi en vigueur sur l’avortement est aussi limitée. Dans les textes, l’IVG est légale depuis 1973 et pratiquée gratuitement à la demande de la femme jusqu’à trois mois de grossesse. Mais le site tunisien Nawaat rapporte que le manque de moyens et le conservatisme de la société menacent ce droit. L’association Tawhida Ben Cheikh a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme l’an dernier sur l’infléchissement des droits sexuels et reproductifs des femmes.

« Ces données reflètent l’absence de programmes d’éducation sexuelle structurés et efficaces, dans les écoles et en dehors des écoles, et l’utilisation de médias sociaux canalisant des courants d’idées divers et contradictoires », souligne encore aujourd’hui l’association.

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