Égypte : la voix d’Oum Kalthoum générée par l’IA au cœur d’un débat juridique
Le compositeur et producteur égyptien Amr Mostafa s’est retrouvé au centre d’un vif débat après avoir dévoilé un clip promotionnel sur les réseaux sociaux présentant un extrait de sa composition, accompagné de la voix générée par l’intelligence artificielle (IA) de l’icône égyptienne Oum Kalthoum.
L’artiste a publié un clip audio de 32 secondes intitulé « Aftekerlak Eh » (Ce dont je me souviens de vous), qu’il a composé et pour lequel il a écrit les paroles, le représentant avec Oum Kalthoum.
Il a ensuite supprimé le message, mais le 19 mai, a remis en ligne, sur les réseaux sociaux, une version avec une vidéo montrant une bougie allumée.
Dans la nouvelle légende du post, Amr Mostafa a supprimé le nom d’Oum Kalthoum et a précisé que le clip avait été créé à l’aide de l’intelligence artificielle, mettant en lumière le caractère innovant de l’expérience.
L’incident a suscité des réactions mitigées parmi les Égyptiens et soulevé des questions sur l’authenticité et la propriété dans l’industrie de la musique.
De nombreux partisans de cette expérimentation ont salué l’innovation et la créativité de Mostafa, et l’émergence de nouveaux contenus associés à une icône reconnue comme l’une des meilleures chanteuses du monde arabophone.
D’autres utilisateurs ont déclaré qu’ils trouvaient le clip « effrayant » ou « faux ».
Le clip a par exemple suscité de vives critiques de la part de Mohsen Gaber, le propriétaire d’Alam El Fan, la société de production détenant les droits sur la musique d’Oum Kalthoum.
Une tendance visible sur TikTok
Dans une déclaration à la télé égyptienne, il a jugé « inacceptable » d’utiliser la voix ou l’image de la diva – ou une version générée par l’IA – sans le consentement du titulaire de la licence, soulignant que l’œuvre de Mostafa constituait, selon la loi égyptienne, une violation des droits d’Oum Kalthoum et de ses héritiers, ces droits n’étant pas encore tombés dans le domaine public.
La petite-fille d’Oum Kalthoum, Gihan El Desouky, a également désapprouvé une telle initiative : s’exprimant au nom de la famille à la télévision égyptienne, elle a dit craindre qu’une utilisation abusive de la technologie de l’IA ne ternisse l’héritage de sa grand-mère.
Le 23 mai, Amr Mostafa a partagé une mise à jour avec l’avocat de la famille, Yasser Kantoush, déclarant qu’un accord avait été conclu et que les préoccupations de la famille avaient été prises en compte.
Middle East Eye a contacté l’avocat pour un commentaire mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication.
L’émergence de contenu généré par l’IA présente des opportunités pour les musiciens, les créatifs et les innovateurs. Mais ce qui est produit reste pour l’instant dans une zone grise juridique.
Le clip d’Amr Mostafa s’inscrit dans une tendance visible sur TikTok, consistant à présenter des voix d’artistes internationaux tels qu’Ariana Grande et Rihanna, générées par l’IA, en train d’interpréter des classiques de la pop arabe.
Les utilisateurs de réseaux sociaux ont même emprunté la voix de l’ancien président américain Donald Trump pour générer artificiellement la chanson populaire de la pop star Sherine, « Katar Kheiri ».
Nourhan N. Moussa, juriste et chercheur en cybersécurité, explique à MEE que bien que la percée de l’intelligence artificielle soit « vitale pour toutes les industries », le rythme rapide de son développement a été sans précédent pour les législateurs.
« L’évolution des algorithmes dans ce domaine de la technologie est extrêmement rapide, et il n’y a pas de cadre juridique – spécifiquement autour de ces développements – qui soit sans ambiguïté dans les lois ou les conventions. »
Traduit partiellement de l’anglais (original).
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].
