Israël étend la loi permettant aux villages et villes du pays de « rejeter les Palestiniens »
Le Parlement israélien est accusé d’avoir adopté une loi « raciste » qui empêcherait les citoyens palestiniens d’Israël de vivre dans près de la moitié des villages et petites villes du pays.
La loi dite des « comités d’admission » adoptée le 25 juillet renforcerait une loi controversée de 2011 qui autorise ces mêmes comités – composés de membres de la communauté locale – à filtrer les candidats à des logements et des terrains dans des centaines de « villes communautaires » juives israéliennes construites sur des terres domaniales.
Pour les militants des droits de l’homme, l’objectif est de donner aux petites communautés juives le pouvoir d’empêcher les citoyens palestiniens d’y acheter ou louer des logements. Près de deux millions de Palestiniens vivent en Israël, représentant 20 % de la population du pays.
La loi n’autorise pas officiellement les comités à rejeter des candidats sur des critères de race, religion, sexe, nationalité, handicap, classe, âge, filiation, orientation sexuelle, pays d’origine, opinions ou affiliation politique.
Cependant, le libellé de la loi de 2011 permet aux comités de rejeter des candidats qu’ils jugent « inappropriés au vu du tissu social et culturel » de la communauté.
« Nous parlons clairement d’un pays qui a décidé d’être un État d’apartheid […] Une grande partie de ce pays ne sera pas accessible aux citoyens arabes »
- Hassan Jabareen, fondateur d’Adalah
« Dans la pratique, ce pouvoir a conduit à l’exclusion des citoyens palestiniens d’Israël de ces communautés, qui sont construites sur des terres contrôlées par l’État », a déclaré Adalah, le Centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël, dans un communiqué publié après l’adoption de la loi.
« Nous sommes maintenant dans une situation très critique », explique Hassan Jabareen, le fondateur d’Adalah, à Middle East Eye. Pour lui, il existe désormais un « climat dans lequel les Arabes peuvent faire facilement l’objet de discriminations ».
« Près de la moitié des villes du pays »
En 2012, Adalah a poursuivi le gouvernement israélien en justice, arguant que la loi sur les comités d’admission était raciste et ciblait principalement les Palestiniens.
Quatre membres de la Cour suprême d’Israël se sont dits du même avis, tandis que cinq autres ont estimé qu’il était trop tôt pour statuer sur la question.
Alors que le Parlement israélien augmente désormais le nombre de villes autorisées à déterminer qui vit au sein de leur communauté, « nous parlons de près de la moitié des villes du pays » potentiellement interdites aux Palestiniens, poursuit Jabareen.
À ce jour, la loi, qui ne s’appliquait auparavant qu’à la Galilée dans le nord d’Israël et au Néguev (Naqab) dans le sud, permettait aux communautés juives comptant jusqu’à 400 foyers de créer des comités d’admission et de sélectionner qui pouvait vivre dans les communautés.
L’expansion de la loi récemment adoptée augmente cette limite aux communautés comptant jusqu’à 700 ménages, et, dans cinq ans, le ministre de l’Économie et de l’Industrie pourra accroître le nombre de comités d’admission en incluant les villes de plus de 700 ménages.
Il étend également les zones d’application de la loi, au-delà de la Galilée et du Néguev, aux zones désignées comme faisant l’objet d’une priorité nationale en matière de logement.
« La zone au nord de Haïfa et jusqu’à la Galilée, qui couvre 241 villes ou 80 % des villes du nord », pourrait désormais être interdite aux Palestiniens, selon Jabareen.
Dans le sud du pays, dans la région du Néguev, 89 % des villes pourraient également être considérées comme interdites aux Palestiniens.
Vu qu’il existe une forte concentration de Palestiniens dans le nord et le sud du pays, il est difficile de ne pas conclure que la loi est soigneusement ciblée pour planifier une suprématie juive sur le plan démographique.
« Nous parlons clairement d’un pays qui a décidé d’être un État d’apartheid à l’intérieur de la ligne verte », commente Hassan Jabareen, en faisant référence aux frontières d’Israël d’avant 1967. « Une grande partie de ce pays ne sera pas accessible aux citoyens arabes. »
« Ce qui est étrange, c’est que cette loi a été adoptée sans aucune attention médiatique ou publique [en Israël]. Il est de plus en plus facile d’enfreindre les droits des Arabes », déplore-t-il.
Un processus « sioniste et idéologique »
Hormis les politiciens représentant les deux partis arabes au Parlement, seuls deux députés travaillistes de l’opposition ont voté contre la législation, tous les autres votant pour.
Ahmad Tibi, un membre palestinien du Parlement israélien qui a voté contre la loi, indique à MEE qu’alors que les communautés juives continuent de bénéficier d’un traitement préférentiel en matière de logement et d’attribution des terres, « un nouveau village arabe n’a jamais été établi en Galilée ni d’ailleurs dans aucune région d’Israël ».
« Le processus de planification des constructions en Israël est sioniste et idéologique, et donc il aliène la population arabe et lui est hostile », affirme le législateur.
Au fil des ans, Israël a utilisé divers instruments pour empêcher les Palestiniens d’étendre leurs communautés, selon Tibi.
La loi Kaminitz, adoptée en 2017, impose des sanctions sévères aux travaux de construction jugés illégaux. Selon les militants des droits humains, cela pénalise les Palestiniens du pays, qui obtiennent rarement l’autorisation d’agrandir leurs habitations.
« Les villes arabes ont le droit de planifier leur avenir », déclare Tibi. « Il y a une pénurie de parcelles de terre pour les jeunes couples et aucun terrain n’est mis à disposition. »
« Certains jeunes Arabes vont dans d’autres villes, des villes mixtes ou des villes juives israéliennes, mais cette loi sur les comités d’admission les empêche de vivre dans des centaines de villes et villages à priorité nationale », ajoute-t-il.
« Je crains que cette interdiction ne soit encore étendue aux villes mixtes et qu’il y ait des quartiers juifs qui interdisent les Arabes. »
Traduit de l’anglais (original).
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