Séisme au Maroc : des villages de montagne reculés et isolés peinent à faire face au désastre
Brahim Boudad a passé six heures d’angoisse dans la nuit de vendredi à samedi.
Sa famille se trouvait à Amizmiz, une petite ville marocaine située au pied du Haut Atlas, tandis que lui se trouvait à quelque 55 km de là, à Marrakech, lorsque le séisme dévastateur a frappé.
« Ma famille était coincée à l’intérieur », raconte-t-il à Middle East Eye. « J’ai attendu [des nouvelles] jusqu’à une heure du matin. Puis mon père m’a appelé, ça m’a fait tellement plaisir. »
La famille de Brahim Boudad a eu de la chance. Dans la petite ville, on estime qu’au moins 25 personnes ont perdu la vie, indique un habitant. De nombreuses maisons ont été rayées de la carte.
Amizmiz, qui compte environ 20 000 habitants, est située dans la province d’Al Haouz, épicentre du séisme et région la plus durement touchée.
Après un samedi d’horreur, un calme pesant s’est installé dans la soirée.
Les habitants ont passé la journée à chercher des survivants à l’aide d’outils rudimentaires, car l’aide extérieure a tardé à arriver. Éprouvés, les gens se sont rassemblés dans des espaces ouverts, rares étaient ceux qui circulaient dans les rues.
Certains se sont réfugiés dans un café ouvert tard dans la soirée. D’autres se sont allongés dans la rue pour dormir. Une personne à genoux priait.
« J’ai vu la mort de mes propres yeux ici », raconte Moustafa, assis autour d’une table en plastique encombrée où il partage un repas avec les hommes qui l’entourent.
Des véhicules de l’armée étaient stationnés le long des routes et des soldats disséminés dans le village. Mais à la tombée de la nuit, il n’y avait pas grand-chose à faire, l’étendue des dégâts étant difficile à évaluer dans l’obscurité.
« L’armée ? Elle n’est arrivée que plus tard, c’était les gens ici », indique Moustafa tout en montrant de la main le groupe de survivants autour de lui qui campent sur le terrain vague.
Les villes de montagne comme Amizmiz sont difficiles d’accès dans le meilleur des cas, ce qui ralentit les tentatives d’acheminement de l’aide. Il a fallu cinq heures pour que la première aide extérieure arrive, même à Amizmiz, qui se trouve au pied de la chaîne de montagnes.
« L’armée ? Elle n’est arrivée que plus tard, c’était les gens ici »
– Moustafa, survivant du séisme
À quelques encablures de là, des villages entiers se sont effondrés. Il s’agit de petits douars, de minuscules villages amazighs, souvent composés d’une seule famille.
Un homme fait passer un téléphone montrant une vidéo du village de Tafeghaghte presque totalement détruit, où un père a passé la journée à creuser des tombes pour ses deux jeunes filles.
Dans des endroits comme Tafeghaghte, déjà pauvres et où aucune aide extérieure n’arrive rapidement, l’ampleur des dégâts n’est pas encore clairement définie mais va certainement grimper.
L’inaccessibilité de certaines zones reculées a été aggravée par des chutes de pierres qui ont obstrué les routes et coupé les villages les uns des autres.
Stupeur et solidarité
Dans la ville d’Agadir, à trois heures de route au sud-ouest de Marrakech, le séisme a été moins violent. Pourtant, les rues sont remplies de personnes terrifiées à l’idée de rentrer chez elles.
WhatsApp est rapidement devenu une bouée de sauvetage, permettant de passer des appels désespérés pour prendre des nouvelles de la famille et des amis ailleurs dans le pays. Des informations et des mises à jour sont transmises d’un groupe à l’autre.
Beaucoup sont soulagés de savoir leurs proches sains et saufs, mais le fait d’apprendre que le séisme a été ressenti jusqu’à Tanger et que des bâtiments se sont effondrés à Safi et à Marrakech est un indicateur alarmant de la gravité des événements.
Pour ceux qui ont réussi à dormir le matin, la découverte au réveil du bilan de 600 victimes, qui a passé la barre du millier et continué de s’envoler au fil de la journée, a eu l’effet d’un coup de massue.
Les nouvelles en provenance des montagnes proches de l’épicentre sont arrivées plus lentement en raison des coupures de courant, des routes bloquées et des pannes de connexion.
Plus à l’intérieur des terres, dans la ville de Taroudant, les secousses ont été plus fortes. Des familles entières se sont réfugiées dans des campements installés le long de la route à l’extérieur des murs de la ville.
« Ce qui s’est passé, nous n’arrivions pas à y croire », confie à MEE une jeune femme restée anonyme qui raconte sa nuit à l’aide d’une application de traduction pour téléphone.
« Nous sommes sortis de la maison terrorisés. Nous avons dormi dehors toute la nuit. »
Nombreux sont ceux qui, comme elle, ont passé la deuxième nuit dehors, soit parce que leur maison est détruite, soit par crainte des répliques.
De l’autre côté de Taroudant, la banque du sang est remplie de gens qui se bousculent pour venir faire un don.
Un homme, Abdellatif Ezzaki, est surpris en regardant l’heure : il a attendu plus de deux heures pour donner son sang.
« Priez pour nous parce que les gens sont tellement dévastés, nos maisons sont détruites »
– Brahim Boudad, survivant du séisme
« C’était la première fois que je voyais une telle atmosphère. Tout le monde est solidaire et tout le monde veut aider », dit-il. « Le moins que l’on puisse faire est d’apporter notre aide. »
Samedi soir, les routes menant aux régions les plus touchées des montagnes de l’Atlas étaient calmes. De rares voitures et une poignée d’ambulances circulaient dans la direction opposée vers un terrain plus sûr, mais la région est pauvre et beaucoup ne peuvent pas partir.
Dans les campements de fortune, en ville comme à la campagne, la stupeur prédomine. Le pays n’est pas habitué aux séismes, surtout de cette ampleur et de ce niveau de destruction. Mais il n’y a pas grand-chose d’autre à dire ou à faire que d’essayer de supporter une nuit de plus.
« Je veux que les gens prient pour le Maroc, pour ma région, partout », demande Moulay Brahim. « Juste qu’ils prient pour nous parce que les gens sont tellement dévastés, nos maisons sont détruites. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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