Selon un journaliste israélien, il n’y a aucune preuve de décapitation de bébés par le Hamas
Oren Ziv, journaliste basé en Israël et collaborateur pour Middle East Eye, affirme qu’il n’existe aucune preuve démontrant que le Hamas a décapité des bébés.
Un reportage de la chaîne de télévision israélienne I24 et un article du journal basé à Londres The Jewish Chronicle ont affirmé que jusqu’à 40 bébés israéliens avaient été retrouvés assassinés, dont certains décapités.
Cette information a été reprise par les médias internationaux et a fait la une de nombreux médias.
Mise au point : j'étais hier à Kfar Aza. Personne ne m'a parlé de décapitations, encore moins d'enfants décapités, encore moins de 40 enfants décapités.
— Samuel Forey (@SamForey) October 11, 2023
Mais selon Oren Ziv, qui couvre la région avec d’autres journalistes, il n’existe aucune preuve de ces exactions. Ni le porte-parole de l’armée israélienne ni d’autres responsables militaires n’ont mentionné de tels assassinats.
« Pendant [la visite organisée pour les médias], les journalistes ont été autorisés à s’adresser aux centaines de soldats présents sur place, sans supervision de l’équipe des porte-parole de l’armée. La journaliste d’I24 a déclaré qu’elle l’avait entendu ‘’de la bouche des soldats’’ », rapporte Oren Ziv dans une série de tweets.
« Les soldats avec qui j’ai parlé hier à Kfar Aza n’ont pas mentionné de ‘'bébés décapités’’. Le porte-parole de l’armée a déclaré : ‘’Nous ne pouvons pas confirmer [cette information] à ce stade… nous sommes conscients des actes odieux dont le Hamas est capable’’ », relate-t-il.
came from an IDF soldier(s), have in some cases morphed and gone viral. Some outlets are reporting '40 babies killed', or '40 babies beheaded', while some are reporting '40 babies killed, some beheaded'. Neither the 40 babies being killed and/or beheaded has been independently pic.twitter.com/DTUiqrBNxe
— Marc Owen Jones (@marcowenjones) October 11, 2023
Traduction : « [Ces informations] présumées obtenues [dans le reportage original] auprès d’un ou de plusieurs soldats se sont dans certains cas transformées et sont devenues virales. Certains médias rapportent ’’40 bébés tués’’ ou ’’40 bébés décapités’’, tandis que d’autres rapportent ’’40 bébés tués, certains décapités’’. [Le chiffre] de 40 bébés tués et/ou décapités n’a jamais été indépendamment vérifié. »
Selon Marc Owen Jones, un expert en désinformation et en médias numériques, l’information non confirmée de 40 bébés assassinés a comptabilisé au moins 44 millions d’impressions, 300 000 likes et plus de 100 000 partages, notamment de la part de JK. Rowling, la romancière britannique qui a créé Harry Potter.
Le président américain Joe Biden a affirmé avoir confirmé des photos d’enfants décapités lors d’une attaque surprise du Hamas contre Israël.
« Je fais cela depuis longtemps – je n’aurais jamais vraiment pensé voir et confirmer des photos de terroristes décapitant des enfants », a-t-il précisé lors d’un événement avec les dirigeants de la communauté juive mercredi. La Maison-Blanche a par la suite démenti que le président ait vu de telles photos.
Le bureau politique du Hamas avait publié plus tôt un communiqué niant l’incident, les qualifiant d’« allégations sans fondement ».
L’armée ne « commentera pas publiquement »
Mais des inquiétudes quant à l’exactitude des détails de ces reportages ont été soulevées par Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés, qui a appelé les journalistes à faire preuve de prudence dans leurs reportages.
« La divulgation d’informations non vérifiées risque d’aggraver les tensions et de mettre des vies en danger dans un contexte instable », a-t-elle prévenu sur X.
Samuel Forey, journaliste collaborateur pour plusieurs médias francophones dont le site internet du Monde, Le Soir ou encore Médiapart, témoigne aussi sur Twitter : il rapporte que ses sources sur place ne lui ont pas parlé de décapitations, et que deux services de secours affirment de pas avoir été témoins de telles exactions.
Le porte-parole de l’armée, le commandant Nir Dinar, a déclaré mercredi au site américain Insider que l’armée israélienne « n’enquêtera[it] pas sur l’état des corps » et ne « commentera[it] pas publiquement » les allégations selon lesquelles des bébés auraient été décapités par le Hamas.
Il a par ailleurs ajouté qu’il serait « irrespectueux envers les morts » de fournir la preuve des conditions dans lesquelles les victimes israéliennes sont décédées.
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