France : Yasmine Belkaïd à la tête de l’Institut Pasteur, une occasion de reparler du sort des binationaux en Algérie
Une « fierté » pour l’Algérie. Au moment où Yasmine Belkaïd a été nommée directrice générale de l’Institut Pasteur à Paris – deuxième femme à occuper ce poste –, en mars 2023, les internautes s’étaient enflammés pour cette nouvelle.
Quelle fierté que de voir Yasmine Belkaid, immunologiste et chercheuse Algérienne à la tête de l’@institutpasteur
— Hicham Rochdi (@HichRochdi) April 2, 2023
La réussite que l’on aime et que l’on soutient de manière inconditionnelle.
Bravo#institutpasteur #recherche #maladie https://t.co/rxeY4pVjMl
Entre bravos et félicitations, certains médias algériens avaient toutefois soulevé la question : pourquoi faut-il que ce soit à l’étranger, une fois de plus, que les talents algériens et/ou binationaux soient reconnus et récompensés pour leurs compétences, et non pas en Algérie ?
Si dans la Constitution révisée de 2020, Abdelmadjid Tebboune a abrogé l’article 51 qui prive les binationaux d’accès aux hautes fonctions publiques, dans les faits, les Algériens détenteurs d’une autre nationalité sont regardés en Algérie avec méfiance.
La nouvelle loi sur l’information, parue le 29 août 2023 au Journal officiel, a par exemple spécifié que les propriétaires de médias en Algérie devaient être exclusivement algériens.
Fille d’Aboubakr Belkaïd, plusieurs fois ministre entre 1986 et 1992 (Travail, Enseignement supérieur, Intérieur, Chargé des relations avec le Parlement, etc.), assassiné par le Groupe islamique armé (GIA) en 1995, pendant la décennie noire, Yasmine Belkaïd est née à Alger en 1995.
« Sa carrière scientifique a démarré par une formation en maladies infectieuses à l’Institut Pasteur, pour ensuite englober une multitude de domaines, dont la parasitologie, la microbiologie, l’entomologie médicale, la virologie, l’immunité tissulaire, le microbiome ou encore l’immunologie humaine », détaille le communiqué de presse de sa nomination.
D’Elias Zerhouni à Meriem Merad
Avant de prendre la direction de l’Institut Pasteur, cette Franco-Algérienne dirigeait le Centre d’immunologie humaine des National Institutes of Health (NIH), l’agence américaine chargée de la recherche médicale et biomédicale, ainsi que le programme Microbiome du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), aux NIH (Bethesda, Maryland, États-Unis), dont elle est la fondatrice.
Son parcours rappelle celui d’autres Algériens de la diaspora scientifique dont les carrières sont souvent citées dans leur pays d’origine comme des exemples de success stories.
Le plus connu d’entre eux est sans doute l’Algéro-Américain Elias Zerhouni, médecin radiologue et professeur d’université qui a dirigé les National Institute of Health de 2002 à 2008 et a présidé le département recherche et développement du groupe Sanofi de 2011 à 2018.
La loi organique sur l'Information a été publiée dans le Journal officiel du 29 août 2023.
— Zahra Rahmouni (@ZahraaRhm) September 3, 2023
Elle interdit aux binationaux le droit d’être propriétaires d’un média en #Algérie ou d’en être actionnaires. https://t.co/tc99HgYyQg pic.twitter.com/J6gKCPMLDV
Mais il en existe bien d’autres : Noureddine Melikechi, physicien atomique à l’agence spatiale américaine, la NASA ; Youcef Saad, professeur émérite de science informatique à l’université du Minnesota qui a remporté le prestigieux prix John-von-Neumann des mathématiques en 2023 ; ou encore Meriem Merad, professeure en immunologie du cancer et directrice du Marc and Jennifer Lipschultz Precision Immunology Institute (PrIISM) à New York.
Abdelmadjid Tebboune rappelle régulièrement, comme en décembre 2023, qu’il souhaite voir la diaspora algérienne – estimée à plus de 5 millions de personnes – faire « partie intégrante du tissu sociétal national », et assure que sa « marginalisation est terminée ».
Mais dans les faits, le niveau très bas des salaires et les conditions difficiles dans lesquelles les chercheurs évoluent ne contribuent pas à rendre l’environnement plus attractif. Par exemple, depuis l’an dernier, une nouvelle règle interdit aux enseignants et aux étudiants de participer à toute manifestation scientifique internationale sans autorisation du ministère de l’Enseignement supérieur.
Le Global Talent Competitiveness Index, qui classe les pays les plus attractifs pour les jeunes actifs aux compétences recherchées en fonction de la réglementation, du marché, de l’environnement, etc. qui participent à créer un climat favorable au développement et à l’épanouissement des talents, a placé l’Algérie en 2023 à la 102e place sur 134 pays.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].