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Un responsable égyptien confirme la vente d’une ville méditerranéenne à des investisseurs émiratis pour 22 milliards de dollars

Les informations faisant état de la vente de Ras el-Hikma ont suscité des critiques de la part des opposants à Sissi, alors que Le Caire a désespérément besoin de liquidités étrangères pour atténuer ses problèmes de change
Le président des Émirats arabes unis, Mohammed ben Zayed al-Nahyane, reçu par son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi à son arrivée à El-Alamein, ville côtière méditerranéenne de l’Égypte, le 21 août 2022 (AFP)
Par MEE

Un responsable égyptien a confirmé mercredi les rumeurs selon lesquelles des investisseurs émiratis s’apprêteraient à acheter une ville méditerranéenne haut de gamme sur la côte nord-ouest de l’Égypte après des semaines de spéculations sur un accord de plusieurs milliards de dollars.

Des informations non confirmées jusqu’alors avaient déclenché une large condamnation de l’accord, qui, selon les critiques, cèderait l’une des plus belles zones côtières d’Égypte, Ras el-Hikma, dans le seul but d’attirer des devises étrangères.

Hossam Heiba, chef de l’Autorité générale pour l’investissement et les zones franches, a déclaré mercredi à la chaîne CNBC Arabia qu’un projet de développement de Ras el-Hikma était estimé à 22 milliards de dollars.

« Nous avons reçu des offres de plusieurs consortiums, et un consortium émirati a été choisi pour mettre en œuvre le projet », a-t-il précisé. Il a ajouté que les investissements initiaux pour le projet pourraient dépasser les 22 milliards de dollars et ne seraient pas payés en une seule fois.

« Le consortium des Émirats arabes unis sera responsable du financement, du développement et de la gestion du projet », a ajouté Heiba.

« Nous avons terminé les négociations et nous nous préparons maintenant à signer des contrats », a-t-il indiqué, soulignant que des entreprises locales et étrangères participeraient à la mise en œuvre du projet.

Une image de la plage sur la côte méditerranéenne dans le nord de l’Égypte (Wikicommons)
Une image de la plage sur la côte méditerranéenne dans le nord de l’Égypte (Wikicommons)

La semaine dernière, les informations selon lesquelles des investisseurs des Émirats arabes unis s’apprêtaient à acheter Ras el-Hikma avaient déclenché un tollé dans le pays.

Les médias égyptiens proches du gouvernement ont fait circuler des rumeurs sur cette vente présumée de 22 milliards de dollars, qui n’avait été démentie que par des sources anonymes dans un média lié aux services de renseignement.

Vendre pour « mettre fin à la crise des taux de change »

Cette vente intervient dans un contexte de crise des devises étrangères et de dévaluation de la livre égyptienne, qui a perdu plus de la moitié de sa valeur en un an sur les marchés parallèles, exacerbant ainsi l’inflation.

Il faut aujourd’hui 70 livres, contre 40 en septembre, pour obtenir un dollar américain sur le marché noir, ce qui fait que la monnaie est plus de 50 % plus faible que le taux officiel de la Banque centrale, lequel est d’environ 30,9 %.

Une mission du Fonds monétaire international (FMI) a achevé jeudi 1er février une visite de deux semaines dans le pays pour discuter d’un éventuel accord de renflouement qui pourrait atteindre les 10 milliards de dollars et qui devrait être suivi d’une dévaluation de la monnaie pour l’aligner sur les taux du marché noir.

Dans ce contexte, les médias égyptiens ont rapporté que la zone côtière de Ras el-Hikma devait faire l’objet d’investissements étrangers évalués à 22 milliards de dollars, un montant qui, selon eux, permettrait d’atténuer le déficit en devises du pays.

La zone appartient à la ville de Marsa Matrouh, dans le gouvernorat de Matrouh. Sa bande côtière de 50 km de long, qui relie les villes de Dabaa et Marsa Matrouh, se distingue par ses plages de sable blanc et ses eaux turquoise, parmi les plus cristallines au monde.

Le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sissi a inclus la zone dans son projet de développement urbain de la côte nord-ouest, qui devrait être achevé à l’horizon 2050.

« Qui a donné le droit au dénommé Abdel Fattah al-Sissi de vendre Ras el-Hikma ? S’agit-il de l’héritage de sa mère ou de celui de son père ? »

- Amr Waked, cinéaste

La nouvelle avait suscité les foudres de l’opposition égyptienne.

Hesham Sabry, un ancien responsable de la sécurité d’État égyptienne devenu critique de Sissi, a qualifié Ras el-Hikma de « paradis sur terre ». « Je n’arrive vraiment pas à suivre les catastrophes de Sissi. Il marche à la vitesse de 250 accidents par heure », a-t-il écrit sur X.

Amr Waked, acteur et cinéaste, a également fustigé le président égyptien en réaction à la nouvelle : « Qui a donné le droit au dénommé Abdel Fattah al-Sissi de vendre Ras el-Hikma ? S’agit-il de l’héritage de sa mère ou celui de son père ? ».

Mamdouh Hamza, un autre critique du président Sissi, a fait valoir que le projet devrait être confié à des promoteurs égyptiens plutôt qu’étrangers.

Décrivant Ras el-Hikma comme « la plus belle plage d’Égypte », il a déclaré : « Il serait plus judicieux que le projet soit développé par des promoteurs égyptiens capables de payer en dollars, car dans ce cas les bénéfices rester[aient] à l’intérieur du pays. Un promoteur étranger transférera les bénéfices, qui s[er]ont bien plus élevés que le prix du terrain, hors du pays en devises étrangères ».

Les investissements des Émirats arabes unis sur la côte nord de l’Égypte avaient suscité un tollé à l’été 2022 après que des experts eurent déclaré qu’un projet émirati à Sidi Abdel Rahman avait causé des dommages potentiellement irréparables aux plages.

Emprunt et dévaluation

Les rumeurs de vente de terrains ont coïncidé avec la visite d’une délégation du Fond monétaire international, qui se trouvait au Caire pour discuter d’un programme de réforme en suspens, soutenu par le mécanisme élargi de crédit (MEDC) du Fonds.

Le FMI a approuvé son dernier prêt en date à l’Égypte, le quatrième en six ans, en décembre 2022. Dans le cadre d’un accord de 3 milliards de dollars, Le Caire a accepté une série de conditions strictes, notamment le passage à un taux de change flexible, la réduction de l’empreinte de l’armée dans l’économie et l’ouverture des livres de comptes des entreprises d’État.

La première évaluation du programme de 46 mois était prévue pour le 15 mars 2023, mais elle a été reportée car le bailleur de fonds aurait attendu de voir davantage de progrès de la part du Caire pour garantir le succès de l’évaluation. 

La cheffe de la délégation, Ivanna Vladkova Hollar, a déclaré lors de la visite que le FMI avait fait « d’excellents progrès » dans ses échanges avec les autorités égyptiennes.

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« À cette fin, l’équipe du FMI et les autorités égyptiennes se sont mises d’accord sur les principaux éléments du programme. Les autorités ont exprimé leur ferme engagement à agir rapidement sur tous les aspects critiques du programme de réforme économique de l’Égypte », a déclaré Vladkova Hollar.

Le FMI serait en négociation pour porter le montant de l’accord existant à 10 milliards de dollars afin de soutenir l’économie à la suite des tensions en mer Rouge et de la guerre d’Israël contre la bande de Gaza voisine.

La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, avait auparavant annoncé que les négociations entre les deux parties en vue d’augmenter le montant du prêt étaient « dans la toute dernière ligne droite ».

L’Égypte, qui compte plus de 109 millions d’habitants, est confrontée à une grave crise économique, marquée par une inflation record et une pénurie de devises étrangères

En août, l’inflation annuelle en Égypte a atteint près de 40 %, selon les chiffres officiels, plongeant de nombreux Égyptiens près ou sous le seuil de pauvreté.

Abdel Fattah al-Sissi a été réélu pour un troisième mandat en décembre, à l’issue d’un scrutin entaché par l’exclusion des opposants et la mobilisation massive des citoyens à coups de pots-de-vin et d’intimidations.

Beaucoup pensent que la dévaluation de la livre, l’une des conditions du FMI, a été reportée après l’élection d’Abdel Fattah al-Sissi afin d’éviter les réactions populaires qui auraient pu perturber le processus électoral.

Sous la présidence de Sissi, qui dure depuis près de dix ans, la dette extérieure a quadruplé, atteignant les 164 milliards de dollars. Le service de la dette absorbe actuellement la majeure partie des dépenses annuelles de l’État.

Les réserves de devises étrangères de l’Égypte s’élèvent à 35 milliards de dollars, mais rien qu’en 2024, l’État devra verser 30 milliards de dollars à ses créanciers.

Selon la Banque centrale égyptienne, le ratio des dettes à court terme par rapport aux réserves de devises étrangères en 2022 a dépassé 80 %, soit le double de celui de 2021.

Mercredi, le président égyptien a ordonné une augmentation de 50 % du salaire minimum pour atteindre 6 000 livres égyptienne (environ 180 euros) par mois. Actuellement, le salaire minimum en Égypte est de 4 000 livres égyptienne (120 euros).

Traduit de l’anglais (original) par Imène Guiza.

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