Plus de 1 300 migrants morts ou disparus devant les côtes tunisiennes en 2023 : « un chiffre jamais atteint »
Plus de 1 300 migrants partis des côtes tunisiennes pour tenter de rejoindre clandestinement l’Europe ont péri en mer en 2023, a annoncé mardi le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), une ONG tunisienne spécialiste des questions migratoires.
Au total « 1 313 personnes sont mortes ou ont disparu devant les côtes tunisiennes, un chiffre jamais atteint en Tunisie », a indiqué devant la presse Islem Ghaarbi, experte en migrations au sein du FTDES.
L’experte, qui a précisé qu’au moins deux tiers de victimes étaient originaires d’Afrique subsaharienne, a souligné que ce funeste bilan « équivaut à peu près à la moitié des morts et disparus en Méditerranée » en 2023.
Plus de 2 498 personnes sont mortes ou ont disparu en 2023 en Méditerranée centrale, soit 75 % de plus que l’année précédente, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Davantage de mineurs
Le président du forum, Romdhan Ben Omar, a expliqué que le taux de migration des mineurs avait par ailleurs augmenté au cours de l’année écoulée, à 26 % en 2023, contre 17 % en 2022 ».
« Plus de 4 600 mineurs ont franchi illégalement les frontières », a-t-il détaillé, soulignant que le taux de migration parmi les femmes a également augmenté en 2023 pour atteindre 8% par rapport à 2022.
Dans ce contexte, Ben Amor a souligné la nécessité d’établir « une politique nationale de migration qui préserve les droits des migrants’’, notant que l’autorité « a fermé la porte au dialogue sur cette question ».
Les départs de ressortissants subsahariens ont connu une accélération en Tunisie après un discours en février 2023 du président Kais Saied, dénonçant l’arrivée « de hordes de migrants clandestins » qu’il avait présentés comme une menace démographique pour son pays.
En marge du sommet Italie-Afrique, qui s’est tenu les 28 et 29 janvier à Rome, il a déclaré à l’agence de presse officielle tunisienne (TAP) que la Tunisie « n’acceptera pas l’implantation de migrants sur son territoire ».
Selon un rapport de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) paru en décembre 2023, les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile subissent en Tunisie « une violence institutionnelle quotidienne », avec des « arrestations arbitraires », des « déplacements forcés » et des « expulsions illégales ».
L’étude de 58 pages, qui cite des témoignages directs et d’ONG partenaires, pointe du doigt « la responsabilité » des autorités tunisiennes dans « les violations commises sur le territoire, y compris les zones frontalières ».
« En transférant les migrants vers la frontière et en les poussant vers l’Algérie, les autorités tunisiennes ont tenté des expulsions collectives, interdites par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples », avait déjà alerté Human Rights Watch (HRW) en juillet.
Une hausse visible à Sfax
La semaine passée, 13 réfugiés soudanais ont péri et 27 autres sont portés disparus après le naufrage de leur embarcation de fortune partie jeudi du littoral proche de Sfax (centre-est) pour tenter la traversée de la Méditerranée vers l’Italie, dont les côtes les plus proches se trouvent à moins de 150 kilomètres.
La ville portuaire de Sfax est un des principaux points de départ des migrants clandestins vers l’Italie, à 150 km de là, qui a vu arriver en 2023 plus de 150 000 clandestins, soit plus de 60 % d’augmentation par rapport à 2022.
L’aggravation de la conjoncture économique en Tunisie avec une croissance évaluée à 1,2 % pour 2023 (la moitié de 2022) et un chômage des jeunes à 38 %, sont par ailleurs des facteurs décisifs de l’émigration massive des Tunisiens.
En 2023, ils ont représenté la deuxième nationalité de migrants illégaux arrivés en Italie (17 304 personnes) juste derrière les Guinéens (18 204), selon le ministère de l’Intérieur italien.
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