Aaron Bushnell, ce soldat de l’US Air Force qui a crié « Libérez la Palestine » avant de s’immoler par le feu
Aaron Bushnell, membre actif de l’armée de l’air américaine, est mort dimanche après s’être immolé par le feu devant l’ambassade d’Israël à Washington, dans un acte de protestation contre le « génocide » à Gaza.
Ses dernières paroles ont été « Libérez la Palestine ».
« Je ne serai plus complice d’un génocide. Je suis sur le point de m’engager dans un acte de protestation extrême, mais comparé à ce que les gens vivent en Palestine aux mains de leurs colonisateurs, ce n’est pas du tout extrême. C’est ce que notre classe dirigeante a jugé normal. Libérez la Palestine », a-t-il déclaré dans une vidéo qu’il a réalisée en marchant devant l’ambassade.
Le Pentagone a qualifié lundi sa mort d’« événement tragique ».
Le porte-parole du Pentagone, le général de division Patrick Ryder, a indiqué que le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, suivait l’évolution de la situation.
Aaron Bushnell, 25 ans, était en tenue militaire lorsqu’il a utilisé un briquet pour s’enflammer après s’être aspergé de liquide. Il a diffusé l’intégralité de l’incident sur Twitch, une plateforme de diffusion en continu très populaire, qui a retiré la vidéo.
Dans la vidéo, deux représentants des forces de l’ordre s’approchent de lui alors qu’il est en flamme. L’un d’eux pointe une arme sur lui. L’autre dit : « Je n’ai pas besoin d’armes, j’ai besoin d’extincteurs ! ».
Aaron Bushnell serait resté en proie aux flammes pendant environ une minute avant que les forces de l’ordre n’éteignent les flammes.
Un message Facebook attribué à Aaron Bushnell a été largement partagé sur Twitter lundi 26 février. Il y dit : « Beaucoup d’entre nous aiment se demander : que ferais-je si j’étais vivant pendant l’esclavage ? Ou du temps de Jim Crow dans le sud ? Ou de l’apartheid ? Que ferais-je si mon pays commettait un génocide ? La réponse est que vous êtes en train de le faire. En ce moment même. »
Aaron Bushnell vivait à San Antonio, au Texas, et préparait une licence en ingénierie logicielle.
Sur son profil LinkedIn, on peut lire : « Tout au long de mon parcours dans l’armée, tant dans des rôles de leadership que de suivi, ainsi que lors de mes expériences professionnelles antérieures dans divers domaines civils, j’ai prospéré dans des environnements d’équipe et acquis de très bonnes compétences en communication ».
Ce n’est pas la première fois que des incidents de ce type ont lieu aux États-Unis pour protester contre les guerres, et c’est le deuxième acte d’auto-immolation depuis le début de la guerre à Gaza en octobre.
En décembre, une manifestante s’est immolée devant le bâtiment du consulat d’Israël à Atlanta, ce que la police américaine a décrit comme « un acte extrême de protestation politique ». Elle a été brûlée au troisième degré. Un drapeau palestinien a été retrouvé sur les lieux. Son nom et son âge n’ont jamais été révélés par les autorités.
Le 2 novembre 1965, Norman Morrison, un militant antiguerre, s’est aspergé de kérosène et s’est immolé par le feu sous le bureau du secrétaire à la défense Robert McNamara au Pentagone, pour protester contre la participation des États-Unis à la guerre du Vietnam.
En 1993, Graham Bamford s’est aspergé d’essence et s’est brûlé vif devant la chambre basse du Parlement britannique, en pleine journée, pour attirer l’attention sur les souffrances des victimes du génocide en Bosnie.
Critique des médias
À la suite de l’incident, les grands médias ont été critiqués pour le choix de leurs titres. Le New York Times a titré : « Un homme meurt après s’être immolé devant l’ambassade d’Israël à Washington, selon la police ».
CNN : « Un aviateur américain meurt après s’être immolé par le feu devant l’ambassade d’Israël à Washington ».
BBC : « Aaron Bushnell : un aviateur américain meurt après s’être immolé par le feu devant l’ambassade d’Israël à Washington ».
Washington Post : « Un aviateur meurt après s’être immolé par le feu devant l’ambassade d’Israël à Washington ».
« Pourquoi a-t-il fait ça ? », a écrit Assal Rad, un utilisateur de X. « Aucun [des titres] ne mentionne les mots "Gaza" ou "génocide", la raison de la protestation d’Aaron, ou le mot "Palestine", les derniers mots qu’il a prononcés. »
Un « martyr » et un « témoin »
Les « Staffers for Ceasefire », un groupe de collaborateurs de l’administration Biden qui font pression sur l’administration pour obtenir un cessez-le-feu, ont déploré la perte d’Aaron Bushnell et ont appelé à un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza.
« Le président Biden, notre commandant en chef, continue d’ignorer les dissensions au sein de son équipe au sujet des souffrances massives causées par la complicité de nos dirigeants », peut-on lire dans la déclaration.
« Le président Biden a l’unique pouvoir d’atténuer les dommages causés — non pas par des conversations inutiles en coulisse, mais par des processus établis de droit international et de diplomatie forte. Il peut choisir de changer notre trajectoire actuelle de destruction inutile. »
Le Palestinian Youth Movement (mouvement de la jeunesse palestinienne) a déclaré dans une publication Instagram : « Alors que les médias américains tournent déjà l’histoire comme celle d’un jeune malade mental et troublé, le message d’Aaron lui-même dans les secondes qui ont précédé son acte démontre la clarté morale et la prévoyance avec lesquelles il a réfléchi et finalement décidé de son acte ».
Ils ont ajouté que « le mot arabe pour martyr, ‘’shaheed’’, se traduit par ‘’témoin’’, ou quelqu’un dont le dernier moment de la vie est celui où il témoigne de l’injustice ».
« Aaron Bushnell est un martyr, dont le dernier moment a été passé dans la chaleur d’une vérité nue et inébranlable : la conscience morale de chaque être humain, du ventre de la bête jusqu’aux confins de la Terre, exige une attention et une action immédiates pour mettre fin aux horreurs auxquelles nous faisons face », indique le communiqué.
Le People’s Forum, un centre communautaire travaillant pour la classe ouvrière et les communautés marginalisées de la ville de New York, participera à l’organisation d’une veillée pour Aaron Bushnell le 27 février, en collaboration avec le Palestinian Youth Movement.
Dans une publication sur Instagram, le People’s Forum a écrit qu’Aaron Bushnell « a[vait] fait le sacrifice ultime pour mettre fin à un génocide perpétré, soutenu et financé par l’administration Biden ».
« Le système est coupable de crimes contre l’humanité à Gaza et Aaron Bushnell a adopté une position héroïque. Nous lui rendons hommage ainsi qu’à son sacrifice. »
Traduit de l’anglais (original) par Imène Guiza.
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