Les prisons européennes, « pépinières » pour les combattants islamistes, prévient un rapport
Les prisons européennes sont devenues des « pépinières » pour les combattants du groupe État islamique (EI) et d’al-Qaïda, selon un rapport qui relève que deux tiers des « djihadistes » européens ont été impliqués auparavant dans des crimes violents.
L’étude, publiée par le Centre international d’étude de la radicalisation et de la violence politique (ICSR), au King’s College de Londres, a mis en garde contre le développement « d’une nouvelle connexion entre le crime et la terreur ». En clair, les réseaux criminels dans les prisons et dans les communautés cèdent la place aux réseaux de recrutement dans les groupes armés. Les prisons, en particulier, représentent une plaque-tournante majeure pour ces groupes.
« La prison est en train de prendre une place de plus en plus importante comme lieu où s’opère une grande part de réseautage », explique Peter Neumann, directeur de l’ICSR et co-auteur de l’étude.
« Compte tenu des récentes arrestations et condamnations dans des affaires liées au terrorisme, nous sommes convaincus que les prisons auront tendance à devenir, non pas moins mais plus, des réservoirs importants pour le mouvement djihadiste. »
La génération qui a rejoint l’EI est, contrairement aux générations précédentes, issue dans des proportions considérables en Europe, de milieux criminels. Selon l’étude, qui s’est penchée sur le profil de 79 combattants, 57 % d’entre eux ont passé du temps en prison avant leur radicalisation et 65% ont été impliqués dans des crimes violents.
Un phénomène qui contraste avec le recrutement des générations précédentes de combattants islamistes, qui s’effectuait plutôt dans les écoles ou les universités religieuses et sont souvent issus de familles de la classe moyenne, relativement bien intégrées dans la société.
Des experts ont déjà évoqué le rôle des étrangers dans la création de groupes comme al-Qaïda ou l’EI. Là, l’étude souligne également que les combattants qui ont mené les attaques de façon isolée en Europe ont souvent obtenu de l’argent de crimes mineurs, et que des attaques comme celles de Paris en novembre 2015 ont coûté moins de 10 000 euros.
Peter Neumann aborde aussi la question de la réforme des prisons, en qualifiant les prisons défaillantes en particulier, de « pépinières pour la radicalisation ».
Les autorités perdent le contrôle sur les prisons
« La radicalisation survient souvent dans les prisons surpeuplées, où les autorités ont perdu le contrôle de leur propre établissement – et la première et la plus importante des recommandations concerne l’ordre et la sécurité dans les prisons puisque c’est dans des prisons où règnent le désordre et l’insécurité que les conditions sont réunies pour la radicalisation », a-t-il expliqué à Middle East Eye.
Ces cinq dernières années, quelque 5 000 individus d’Europe de l’ouest ont voyagé au Moyen-Orient pour rejoindre les rangs de l’EI ou des groupes syriens affiliés à al-Qaïda.
Pour certains, rejoindre ces groupes offre une forme de « rédemption » pour leurs crimes, expliquent les chercheurs.
Le rapport cite Ali Almanasfi, britannique d’origine syrienne, résidant à Londres, qui s’est battu en Syrie après avoir purgé une peine de prison pour agression violente : « Je voulais, pour une fois, faire quelque chose de bien. Je voulais faire quelque chose de pur. »
Selon Peter Neumann, les conclusions montrent un changement dans la façon dont l’EI opère.
« Nous pensons que l’EI n’aspire plus à être une organisation très religieuse. Elle personnifie la brutalité, la force et la violence que ces jeunes hommes, qui ont pour la plupart été des membres de gangs, recherchent. »
« Le message envoyé est le suivant : ‘’Vous pouvez continuer à faire tout ce que vous faisiez avant, mais cette fois, vous irez au paradis’’. »
Traduit de l’anglais (original).
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