Trump : un résultat de rêve pour Israël qui pourrait se transformer en cauchemar au Moyen-Orient
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou peut se vanter de la paternité de l’invention. Il fut le premier des dirigeants populistes de ce XXIe siècle à prendre la tête de leur pays dans des élections démocratiques libres et à remodeler alors la politique à leur image. Netanyahou a été suivi par le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan, le Brexit et maintenant Donald Trump en Amérique. Qui sera le suivant ? Marine Le Pen en tant que nouvelle présidente de la France en 2017 ?
Netanyahou a été le premier dirigeant à identifier et utiliser comme outils politiques le ressentiment de beaucoup contre les élites traditionnelles, ouvrant la voie à Trump
Malgré toutes leurs différences, ce que ces dirigeants et ces tendances ont en commun sont une rhétorique incendiaire et un nationalisme combiné à une certaine dose de cléricalisme, à la haine de l’autre, à la provocation contre les étrangers, à la politique de division et à la création d’ennemis réels et fictifs.
En ce sens, Netanyahou est un magicien. Il a été le premier dirigeant – dès 1996 lorsqu’il a été élu Premier ministre – à identifier et à utiliser comme outils politiques le ressentiment de nombreux citoyens contre les élites traditionnelles, l’establishment politique et les médias traditionnels, et à exploiter les craintes des pauvres et des défavorisés. Peu importe que Netanyahou lui-même, exactement comme Trump, soit un produit de cette même élite et ait grandi dans une famille riche et privilégiée.
Netanyahou et les ministres de son gouvernement n’ont guère attendu non seulement pour féliciter Trump, mais aussi pour se réjouir. Ils considéraient le président Barack Obama comme l’ennemi d’Israël, en dépit de son soutien diplomatique et militaire envers l’État juif. Maintenant, ils attendent beaucoup de Trump. Ils lui ont rappelé immédiatement les promesses et la déclaration qu’il a faites pendant la campagne électorale.
Les membres du cabinet de droite ont cité la déclaration de Trump selon laquelle il tournerait le dos à la solution à deux États et ne permettrait pas la création de l’État palestinien
Trump a déclaré que, s’il était élu, il déplacerait l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem. Il n’est cependant pas le premier candidat à la présidence à avoir promis de le faire, mais les présidents précédents – une fois au Bureau ovale – se sont rendus compte que c’était plus facile à dire qu’à faire. Le monde arabe, l’ONU et la plupart de la communauté internationale s’opposent à une telle démarche.
Les ministres de droite comme Naftali Bennett, qui représente le mouvement des colons, ont cité la déclaration de Trump selon laquelle il tournerait le dos à la solution à deux États et ne permettrait pas la création de l’État palestinien. Pour la plus grande joie de Netanyahou et des ministres israéliens, Trump a également menacé d’annuler l’accord sur le nucléaire avec l’Iran.
Liens familiaux
Les dirigeants israéliens savent bien que les beaux-parents de Trump sont juifs orthodoxes et que sa fille s’est convertie au judaïsme. Pas étonnant que de nombreux juifs orthodoxes américains et israéliens expatriés aient voté pour lui malgré la tendance traditionnelle qui veut que la majorité des juifs américains ont toujours voté pour les candidats démocrates.
En tant qu’homme d’affaires qui pense que rien n’est gratuit, il peut se demander si les 3,8 milliards de dollars versés chaque année à Israël constituent un investissement judicieux
Mais il est trop tôt pour se réjouir. Trump est imprévisible. Son imprévisibilité peut se retourner contre Israël. En tant qu’homme d’affaires qui pense que rien n’est gratuit, il peut se demander pourquoi Israël est le plus grand bénéficiaire de l’aide étrangère des États-Unis et si les 3,8 milliards de dollars versés chaque année à Israël constituent un investissement judicieux et rapporte des dividendes aux intérêts américains.
Le président élu peut également garder rancune à Netanyahou pour son refus de le rencontrer à un stade précoce de la campagne lorsque Trump était encore insignifiant et perçu comme une anecdote excentrique.
Il manque avant tout d’expérience en matière de politique étrangère en général et du Moyen-Orient en particulier. Il lui faudra quelques temps pour choisir son équipe chargée du Moyen-Orient et comprendre les complexités de la région.
Si, et c’est un grand si, Trump tente malgré tout de remplir ses promesses électorales et de les mettre à exécution, les États-Unis pourraient s’engager sur la trajectoire dangereuse d’une collision avec l’ensemble du monde arabe, notamment les pays riches en pétrole que sont l’Arabie saoudite, les Émirats et l’Iran.
Dès le départ, cela semble très peu probable. Mais c’est exactement ce qui a été dit au sujet de l’association des locutions « Donald Trump » et « président américain ».
- Yossi Melman est un commentateur spécialiste de la sécurité et du renseignement israéliens. Il est co-auteur de Spies Against Armageddon.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : le candidat républicain à la présidence, Donald Trump, s’exprime lors d’un rassemblement électoral au Cabarrus Arena 7 Events Centre à Concord (Caroline du Nord), le 3 novembre 2016 (AFP).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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