Trump : George W. Bush en plus méchant
Dès le moment où Trump est descendu de l’ascenseur dans le hall d’entrée kitsch et doré de la Trump Tower pour annoncer sa candidature, le 14 juin 2015, jusqu’au moment où il a prêté serment en tant que 45e président des États-Unis, il a pris presque toutes les positions et s’est rangé des deux côtés de toutes les questions.
C’est un personnage politique comme aucun autre avant lui. Trump n’est attaché à aucune idéologie, théologie, philosophie ou politique.
Trump se donne l'apparence d’une version moins pensante, plus incohérente et plus téméraire de Bush
C’est un bateau sans gouvernail, un être humain sans boussole morale – à moins, bien entendu, qu’il n’aperçoive un gros pactole qui l’attend au bout du tunnel.
Ainsi, en essayant de prédire la direction de la politique étrangère d’un gars qui affirme d’un côté qu’il veut « bombarder à mort » le Moyen-Orient, puis de l’autre qu’il veut que l’Amérique se retire du monde – en plaçant « l’Amérique d’abord » –, les experts de la sécurité nationale ont fini par s’embrouiller l’esprit face à ce à quoi nous avons affaire ici et à l’intérieur du Bureau ovale.
Rendre Israël – à nouveau – grand
Sa première semaine de présidence passée, nous avons enfin un aperçu du genre de président que sera Trump. Et c’est une présidence que les peuples du Moyen-Orient ne connaissent que trop bien : Trump est un George W. Bush revisité.
Ou plutôt, Trump se donne l'apparence d’une version moins pensante, plus incohérente et plus téméraire de Bush.
En effet, ses premiers décrets laissent penser que Trump sera un Bush sous stéroïdes – une version plus méchante, plus brutale et plus imbécile du gars qui a mis le feu au Moyen-Orient et fait s’effondrer tout l’univers financier.
Le jour de l’investiture de Trump, l’État d’apartheid israélien, apparemment enhardi par la fin de la présidence d’Obama, a annoncé son intention de construire 500 logements de colonisation illégale supplémentaires à Jérusalem-Est occupée – bafouant ouvertement la résolution du mois dernier de l’ONU visant à amener Israël à respecter le droit international, les normes et la quatrième Convention de Genève.
Deux jours plus tard, Trump et Netanyahou ont discuté par téléphone. Bien que nous ne connaissions pas les détails de cet appel, mis à part les discussions concernant la prochaine visite de Netanyahou à la Maison Blanche, nous pouvons supposer que l’État d’apartheid israélien a reçu le feu vert pour annexer la Cisjordanie.
Lundi dernier, Israël a annoncé qu’il allait désormais procéder à la construction de 2 500 logements de colonisation illégale dans les territoires occupés.
Alors que l’entreprise de colonisation de l’État d’apartheid israélien ne s’était pas arrêtée pendant les années Obama, la population coloniale a progressé plus lentement sous Obama (25 % d’augmentation) que sous Bush (35 % d’augmentation).
La détente annoncée par le tandem Trump-Netanyahou promet un retour au boom du mouvement de colons observé sous Bush, d’autant plus que l’ambassadeur américain en Israël choisi par Trump soutient l’annexion illégale de la Cisjordanie par Israël.
De plus, Trump promet d’aller plus à droite en Israël que Bush n’en a jamais rêvé. Trump a réitéré sa promesse de déplacer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem occupée, ce que tous les présidents américains ont refusé de faire jusqu’à présent.
Aucun autre pays n’a placé son ambassade à Jérusalem au motif que cela légitimerait le vol de terres palestiniennes par Israël et ses violations du droit international.
Un moteur du terrorisme
Trump a également l’intention d’annuler les réformes d’Obama sur la « guerre contre le terrorisme » et de rétablir les violations flagrantes des droits de l’homme et du droit international commises par Bush.
Les stratégies de Trump en matière de politique étrangère et de lutte contre le terrorisme, qui imitent et dépassent celles de Bush, ne servent aucun autre objectif que celui de satisfaire sa base raciste, nationaliste blanche et sioniste chrétienne
Selon un projet de décret de trois pages obtenu par le New York Times, intitulé « Detention and Interrogation of Enemy Combatants » (« Détention et interrogatoire de combattants ennemis »), Trump a l’intention de remettre au goût du jour l’« extraordinary rendition » [« transfert extraordinaire », enlèvement et transfert de prisonniers hors du cadre judiciaire] et de rouvrir les prisons secrètes de la CIA à l’étranger (« black sites ») dans le but de contourner la loi américaine interdisant la torture.
D’après le document, Trump entend également révoquer la directive adressée par Obama à la Croix-Rouge internationale qui donne au groupe d’aide humanitaire l’accès aux personnes détenues par les États-Unis.
De toute évidence, Trump retourne à l’époque des violations commises par Bush de la Convention de Genève – et des normes et règles qui régissent la façon légale selon laquelle les États doivent pratiquer la guerre.
Non seulement les politiques de lutte contre le terrorisme de l’ère Bush – en particulier les transferts et la torture – ont-elles été répudiées par de nombreux responsables militaires américains, qui ont jugé ces programmes « illégaux, immoraux et dommageables pour la sécurité nationale », mais elles ont également été utilisées comme un important discours de propagande, qui a contribué à motiver des milliers de recrues à se jeter dans les bras ouverts et chaleureux de l’État islamique, d’al-Qaïda et de divers autres éléments du même acabit.
C’est l’expérience de la torture dans les prisons égyptiennes qui a motivé Sayyid Qutb, le fondateur du djihadisme moderne, ainsi qu’Ayman al-Zawahiri, cofondateur d’al-Qaïda. C’est également la torture infligée par l’armée américaine à Camp Bucca et Abou Ghraib qui a motivé al-Baghdadi et les autres cofondateurs de l’État islamique.
« In Trump we trust »
L’administration Trump a également annoncé son intention d’imposer une « interdiction temporaire » de toutes les demandes de visa effectuées par des citoyens de sept pays majoritairement musulmans – la Syrie, l’Irak, l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan et le Yémen.
L’interdiction de l’immigration musulmane est une pierre angulaire de la politique de lutte contre le terrorisme de Trump, mais le fait que l’Arabie saoudite soit manifestement absente de la liste des pays musulmans de Trump démontre que cette politique est ancrée uniquement dans le racisme – un appel lancé à ses partisans les plus islamophobes.
L’attentat terroriste le plus catastrophique jamais perpétré sur le sol américain – les attentats du 11 septembre – a été mené par quinze citoyens saoudiens, ce qui souligne ainsi la futilité concrète et la nature raciste d’une telle politique.
En fin de compte, les stratégies de Trump en matière de politique étrangère et de lutte contre le terrorisme, qui imitent et dépassent celles de Bush, ne servent aucun autre objectif que celui de satisfaire sa base raciste, nationaliste blanche et sioniste chrétienne.
Elles représentent un os à ronger pour les xénophobes et un poison pour le reste d’entre nous.
- CJ Werleman est l’auteur de Crucifying America, God Hates You. Hate Him Back et Koran Curious. Il est également l’animateur du podcast « Foreign Object ». Vous pouvez le suivre sur Twitter : @cjwerleman.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : le président américain Donald Trump s’apprête à signer un décret initiant le projet de mur à la frontière mexicaine, dans les locaux du département de la Sécurité intérieure, à Washington, D.C., le 25 janvier 2017 (AFP).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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