Une association algérienne réclame les crânes des résistants algériens entreposés à Paris
ALGER – Le secrétaire général de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM), Saïd Abadou a répété, mardi à Alger, à l'occasion de la célébration de la Journée nationale de l'immigration, la nécessité d'exiger des autorités françaises des excuses au peuple algérien, l'indemnisation pour les richesses spoliées durant la période coloniale et la restitution des crânes des anciens combattants « pour les inhumer dans les cimetières de chouhada [martyrs] en Algérie ».
L’« affaire des crânes » n’est pas nouvelle : plusieurs intellectuels français et algériens – dont les historiens Benjamin Stora, Mohammed Harbi ou Malika Rahal ou l’écrivain Didier Daeninckx – avaient en juillet 2017, demandé la restitution des crânes des révoltés de 1849 à l’Algérie estimant qu’« ils n’ont rien à faire » au Musée de l’homme de Paris, où ils se trouvent actuellement.
À LIRE : France-Algérie : la fin de la guerre de la mémoire ?
Avant eux, en mai 2011, une pétition avait été lancée par l’archéologue et historien algérien Ali Farid Belkadi, « pour le rapatriement des restes mortuaires algériens conservés dans les musées français », en particulier les crânes de ces résistants algériens tués et décapités par le corps expéditionnaire français dans les années 1840 et 1850.
Dans l’appel de juillet 2017, les intellectuels précisent toutefois que cette revendication « ne revient aucunement à un quelconque tropisme de ‘’repentance’’ ou une supposée ‘’guerre des mémoires’’, ce qui n’aurait aucun sens. Il s’agit seulement de contribuer à sortir de l’oubli l’une des pages sombres de l’histoire de France, celles dont l’effacement participe aujourd’hui aux dérives xénophobes qui gangrènent la société française. »
Selon le secrétaire national de l’ONM, les relations de coopération entre l’Algérie et la France restent au contraire « tributaires de la concrétisation de ces demandes, un maillon du parcours de la lutte nationale qu’il y a lieu de parachever ».
La journée d’hier marquait aussi l’anniversaire du « massacre » du 17 octobre 1961. Organisée par la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN), la manifestation pacifique des Algériens pour boycotter le couvre-feu imposé aux « Nord-Africains » par le préfet de police de Paris Maurice Papon, avait été réprimée par la police française. Les estimations sur le nombre de victimes divergent mais ils auraient été plus d'une centaine à mourir cette nuit-là, sous les coups des policiers ou noyés dans la Seine.
Le politologue Olivier Le Cour Grandmaison a déclaré à ce sujet le 13 octobre que l’État français, « responsable et coupable », devait en effet « réparation » à « ceux et celles qui ont été assassinés dans ce massacre, le plus important de l’après-guerre » – et a d’ailleurs envoyé deux courriers au président Macron pour lui demander de reconnaître la responsabilité de l’État dans les crimes coloniaux et de masse. « Jusqu’à ce jour nous n’avons reçu ni réponse ni même un accusé de réception (…) ce qui peut témoigner d’un certain mépris, voire d’un mépris certain », a-t-il souligné hier à Paris.
Comme chaque année, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées sur le pont Saint-Michel à Paris pour réclamer « vérité et justice » et ont demandé à ce qu’une stèle soit érigée « à la mémoire des victimes de l’irréparable ».
Le 17 octobre reste, selon Saïd Abadou, « une étape charnière dans l'histoire de l'Algérie » pour avoir « accéléré le recouvrement de la souveraineté nationale ».
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].