EXCLUSIF : L’UE sera confrontée à un second « exode » syrien si l’aide s’amenuise, prévient le HCR
BRUXELLES – L’Europe sera confrontée à une nouvelle crise des réfugiés semblable à celle de 2015 qui a provoqué un vaste « exode » depuis la Syrie si la communauté internationale n’honore pas les engagements financiers pris envers des millions de réfugiés, a averti le directeur du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) au Moyen-Orient.
Dans un entretien exclusif avec Middle East Eye, Amin Awad a lancé un grave avertissement concernant une éventuelle catastrophe humanitaire tandis que les donateurs internationaux se réunissaient à Bruxelles.
Pour soutenir les réfugiés syriens en Jordanie, en Turquie, en Irak, en Égypte, au Liban et en Syrie, l’UE et l’ONU appellent les donateurs présents à la conférence « Bruxelles II sur l’avenir de la Syrie et de la région », qui se déroule les 25 et 26 avril, à s’engager à donner 6 milliards de dollars. Cependant, Awad est « inquiet » à l’idée que cet objectif ne soit pas atteint en raison de la « lassitude des donateurs ».
« Au début de cette crise, les donateurs étaient las et la conséquence en 2015 fut un vaste exode vers l’Europe », a déclaré Awad.
« Au début de cette crise, les donateurs étaient las et la conséquence en 2015 fut un vaste exode vers l’Europe »
« Les gens sont partis à pied, ils ont quitté leurs villes et villages parce que le financement humanitaire était affreux, il n’y avait pas assez de nourriture et nous ne pouvions pas atteindre notre objectif en matière d’éducation », a-t-il indiqué.
Il a déclaré que depuis 2015, la charge de travail du HCR avait augmenté jusqu’à atteindre les 5,6 millions de réfugiés dans la région et qu’il craignait qu’une baisse des financements engendre une « répétition de 2015 et plus encore ».
Sur le terrain, Awad a déclaré qu’un manque significatif de fonds engendrerait une « réalité » où les réfugiés « ne bénéficieraient pas de services clés, ne recevraient pas de fonds et seraient forcés de vivre dans des conditions horribles et [qu’]ils s’enliseraient dans les dettes et leurs enfants seraient dans l’incapacité d’aller à l’école. »
Il a averti que si les niveaux d’aide baissaient, les réfugiés dans la région « pourraient chercher d’autres options », soulignant que plus de 40 000 réfugiés syriens se trouvaient déjà en Libye et cherchaient à faire le dangereux voyage à travers la Méditerranée vers l’Europe.
« Je crains par-dessus tout qu’un manque de financement affecte l’espace de protection des réfugiés syriens actuellement fourni par les pays voisins », a-t-il déclaré.
Alerte alimentaire pour les Syriens à Amman
Les commentaires du plus haut responsable de l’ONU pour les réfugiés au Moyen-Orient ont trouvé un écho chez ceux d’Ayman al-Safadi, le ministre jordanien des Affaires étrangères.
Celui-ci a déclaré mercredi aux délégués que le manque de financement contraindrait le Programme alimentaire mondial (PAM) à Amman à réduire les subventions allouées pour venir en aide à 500 000 réfugiés syriens plus tard cette année.
Des responsables présents à Bruxelles ont déclaré à MEE qu’ils craignaient que cela ne soit qu’une réduction de l’aide parmi d’autres, car les chiffres publiés récemment par l’ONU montrent que deux programmes clés d’aide de l’ONU en Syrie et dans la région sont gravement sous-financés.
Le plan régional de résilience du HCR pour aider plus de neuf millions de réfugiés dans la région a besoin de 5,6 milliards de dollars en 2018, mais n’est actuellement financé qu’à hauteur de 27 %, tandis que le plan d’intervention humanitaire des Nations unies en Syrie, qui nécessite 3,51 milliards de dollars pour aider 13,1 millions de Syriens ayant besoin d’aide humanitaire, est seulement financé à hauteur de 14,6 %.
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Les chiffres montrent également que le soutien aux programmes pour les réfugiés en Égypte, en Irak, en Jordanie et au Liban est inférieur de 3,2 milliards de dollars aux besoins des Nations unies pour fournir un approvisionnement basique, tandis que ces pays continuent d’accueillir des réfugiés à une « échelle sans précédent ».
Des responsables de l’ONU à Bruxelles ont déclaré à MEE que jusqu’à 80 % des réfugiés syriens dans les pays voisins risquaient de « s’enfoncer rapidement sous le seuil de pauvreté » et ont averti que sans promesses de dons majeures, il existait de « réelles inquiétudes » de voir les programmes du HCR dans la région et en Syrie être radicalement réduits à la mi-2018.
« Les critères de vulnérabilité que nous utilisons pour fournir de l’aide aux familles syriennes sont de plus en plus restreints », a déclaré le responsable.
S’exprimant en marge du sommet, Inge Brees, responsable du plaidoyer européen pour l’ONG CARE International, a déclaré à MEE qu’il y avait « un découragement et une tristesse compréhensibles » au sein des ONG et associations syriennes présentes au sommet, puisque les mêmes conversations concernant le financement se répètent à Bruxelles depuis plus de sept ans sans engagements adéquats à long terme.
La Grande-Bretagne devrait promettre 250 millions de livres d’aide supplémentaire
Le gouvernement britannique a néanmoins été salué pour son engagement financier, alors que la ministre britannique du Développement international Penny Mordaunt devrait promettre une aide supplémentaire de 250 millions de livres pour « protéger les civils, les travailleurs humanitaires et les hôpitaux ciblés par le régime d’Assad » dans le cadre d’un plan global de 2,71 milliards de livres versé à la Syrie depuis le début du conflit.
Le Royaume-Uni a ouvert la voie à la réponse humanitaire à la crise syrienne et le nouveau financement contribuera à former des milliers de médecins et d’infirmières à la fourniture de soins en traumatologie, selon Mordaunt.
L’engagement du Royaume-Uni vient s’ajouter aux 500 millions de livres sterling déjà promis pour 2018 et 2019 ; néanmoins, Mordaunt devrait inviter les donateurs internationaux à « aller au-delà » des engagements financiers et à « prendre des mesures concrètes » en faveur de la paix. MEE comprend que le financement britannique est déjà déboursé en Syrie à l’heure actuelle dans le cadre du Plan de réponse humanitaire des Nations unies.
On craint toutefois que les autres pays donateurs ne soient pas disposés à concéder de nouveaux engagements. Un responsable de l’UE a affirmé craindre que l’objectif de financement de Bruxelles « ne soit pas atteint », mais espérait l’arrivée des promesses de financement supplémentaires plus tard dans l’année.
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Dans le même temps, les dirigeants de l’UE et des Nations unies ont profité de ces pourparlers pour demander une fin rapide des violences en Syrie, déclarant que les derniers progrès militaires en date enregistrés par Damas et ses alliés n’avaient pas permis d’avancer vers la paix. « En Syrie, nous avons vu ressurgir le visage hideux de la guerre froide, a ajouté Awad. Le pays est devenu le centre d’une guerre par procuration. »
Se livrant à une référence sans équivoque aux États-Unis et à la Russie, il a ajouté que les nations « plus riches et plus puissantes » du globe devaient « continuer d’apporter une aide », mais aussi utiliser leur pouvoir pour « mettre fin à cette guerre ».
Selon Brees, les récents changements sur le terrain en Syrie signifient que les ONG « font face au double problème » de l’incertitude en matière de financement et d’un « accès restreint » sur le terrain dans des régions comme Idleb et Afrin. Un travailleur humanitaire d’une ONG syrienne a indiqué à MEE que l’absence de discussion sur la situation à Afrin et l’incapacité de l’UE à faire pression sur la Turquie laisseraient la réponse humanitaire dans une situation de « paralysie » dans le nord de la Syrie.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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