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Benyamin Netanyahou et John Bolton mettent de l’huile sur le feu moyen-oriental… une fois de plus

Le duo Bibi-Bolton est de retour, semant la haine et les conflits dans la région

​Un inquiétant sentiment de déjà-vu règne au Moyen-Orient. La suite d’un film, projeté à l’hiver 2002-2003, est en production. Même producteur, même réalisateur, même scénario et mêmes acteurs. John Bolton, le nouveau conseiller à la sécurité nationale du président américain Donald Trump, qui – dans le premier film – jouait le méchant cherchant à nuire au régime d’inspection de l’ONU en Irak, est maintenant le grand méchant.

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou joue également un rôle prépondérant alors qu’en 2002, il n’avait qu’un second rôle. Cependant, son témoignage lors des audiences du Congrès américain le 12 septembre 2002 n’était pas seulement une performance digne des Oscars, elle restera également dans l’histoire comme l’une des prédictions politiques les plus précises jamais faites.

Netanyahou avait déclaré avec assurance : « Si vous renversez le régime de Saddam [Hussein…] je vous garantis qu’il y aura d’énormes répercussions positives dans la région. » Il avait absolument raison. Sauf que les conséquences n’étaient positives que pour l’Iran. Peut-être que sa présentation bizarre du 30 avril dernier concernant la prétendue tromperie nucléaire iranienne restera dans les mémoires comme une autre performance remarquable.

Incendie au Moyen-Orient

B&B, le duo composé par Bibi Netanyahou et Bolton, prépare une autre crise qui promet une autre manne pour l’Iran : Washington s’est retiré de l’accord sur le nucléaire avec Téhéran, la Syrie est un champ de tir pour les combattants israéliens, le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem irrite les Arabes et les musulmans, plus d’une centaine de manifestants palestiniens ont été tués à Gaza jusqu’à présent et, enfin, un futur « plan de paix » israélo-palestinien – offert par la belle-famille du président américain – pourrait signer, volontairement assisté par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, l’arrêt de mort de la lutte palestinienne.

Plus simplement : l’incendie au Moyen-Orient a été attisé efficacement. La suite de la guerre en Irak, intitulée « La guerre israélo-iranienne en Syrie », ne pouvait espérer meilleure campagne publicitaire pour sa sortie imminente, et au programme du chapitre final de la trilogie : « Changement de régime à Téhéran ».

La suite de la guerre en Irak, intitulée « La guerre israélo-iranienne en Syrie », ne pouvait espérer meilleure campagne publicitaire pour sa sortie imminente, et au programme du chapitre final de la trilogie : « Changement de régime à Téhéran »

Si l’Iran cherchait un lobby pour améliorer sa position au Moyen-Orient, elle n’aurait jamais pu trouver de meilleur partenaire que B&B & Associés.

Après les excellents services rendus en Irak en 2003, l’entreprise fait aujourd’hui son retour en semant la haine et le ressentiment dans la région. Qassem Suleimani, qui dirige la force al-Qods iranienne, la branche des forces spéciales d’élite des Gardiens de la Révolution iranienne, pourrait prendre des vacances, arrêter d’autres ingérences étrangères et attendre confortablement les bonus apportés gratuitement par B&B.

Un conflit imminent

Outre le sarcasme et la métaphore, l’impression d’un conflit imminent dans la région va grandissante. La situation au Moyen-Orient rappelle celle en Europe à l’été 1914. À l’époque, personne ne souhaitait un conflit prolongé, mais l’Europe fut prise au piège d’une guerre longue et sans précédent qui changea l’histoire de l’Europe et du Moyen-Orient. Il faut espérer que l’histoire ne se répétera pas en Syrie.

Israël et ses partenaires ressemblent à un joueur de poker qui a mal joué sa main et essaie de se refaire (AFP)

Bien que cette fois, les règles d’engagement aient été établies et appliquées par la Russie, la Syrie est encombrée par tant d’acteurs que les risques d’erreur et d’escalade ne peuvent être ignorés. La semaine dernière, Netanyahou s’est rendu à Moscou, pas seulement pour assister à un défilé militaire, selon toute probabilité, mais pour renforcer ces règles et, espérons-le, obtenir de Poutine une liste de cibles « approuvées » et moins provocantes pour les avions israéliens en Syrie.

L’équilibre du pouvoir changeant au Moyen-Orient est un autre facteur de conflit. Alors que l’essor de l’Allemagne en 1914 était un catalyseur de la Première Guerre mondiale, l’Iran pourrait suivre le même scénario, notamment parce que l’essor de Téhéran s’accélère, surtout depuis l’invasion américaine de l’Irak en 2003 et ses conséquences catastrophiques.

Le président syrien Bachar al-Assad est en train de gagner ; les récentes élections libanaises ont consolidé le pouvoir du Hezbollah. Indépendamment de la victoire de Moqtada al-Sadr aux élections irakiennes, le résultat politique dans le pays sera plus favorable à Téhéran qu’à Washington. Enfin, le Yémen devient l’Afghanistan de l’Arabie saoudite.

Une telle débâcle ne peut plus être tolérée par l’Axe de la Restauration, l’alliance contre nature formée par les États-Unis, Israël et les royaumes arabes sunnites. La « menace existentielle » que représentent Téhéran, Bagdad, Damas et Beyrouth pour l’Axe de la Résistance doit être stoppée et éradiquée.

Deux options

Israël est à la pointe de cet effort en fournissant le récit, Washington vend le matériel militaire et, comme d’habitude, Riyad donne l’argent. Le premier théâtre choisi pour inverser la tendance est la Syrie déjà dévastée, tandis que la cible principale est désormais la présence iranienne dans le pays.

Israël et ses partenaires ressemblent à un joueur de poker qui a mal joué sa main et tente de se remettre d’une situation largement compromise. L’obsession pour le Croissant chiite a entraîné davantage qu’un flirt avec les djihadistes sunnites dans une tentative conjointe pour le retrait d’Assad ; malheureusement, le conflit a pris une tournure différente de celle espérée.

Israël et ses partenaires sont maintenant confrontés à deux options : accepter le fait accompli et le camoufler par des frappes non pertinentes sur des cibles syriennes secondaires approuvées par Moscou, ou renverser la table avec un conflit direct.

La décision de Trump sur le dossier nucléaire de l’Iran devrait être appréhendée dans ce contexte. Elle est semblable à une femme qui entamerait aujourd’hui une procédure de divorce parce que son mari pourrait la trahir dans quinze ans ; en un mot : absurde.

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Elle est si autodestructrice qu’elle doit cacher autre chose : le feu vert à un conflit israélo-iranien en Syrie. En effet, à cette table de poker, la partie est perçue comme largement compromise ; elle n’est plus viable même pour les agents de l’autodestruction en série que représentent les membres de l’Axe de la Restauration.

L’intention proclamée par Trump de se désengager de la région n’est pas sérieuse. Il a déjà montré sa capacité à se contredire aussi facilement qu’il respire. Bien sûr, si les États-Unis rejoignent Israël dans le conflit, les chances de succès s’amélioreront, mais aussi les risques.

La Russie pourrait réagir. En outre, il ne sera pas facile d’attirer l’Iran dans un conflit ouvert en fournissant le casus belli solide qui manque actuellement. Les dirigeants iraniens agissent généralement avec retenue et préfèrent choisir l’heure et le lieu de leurs représailles contre les « provocations ».

Dernier point, mais non des moindres, bien que B&B soit spécialisé dans la préparation de casus belli, leur fiabilité et leurs capacités marketing sont devenues de moins en moins convaincantes. Et d’ailleurs, le Moyen-Orient subit encore, quinze ans après, les « conséquences inattendues » du premier chapitre de la trilogie. Restez à l’écoute : le meilleur est à venir.

- Marco Carnelos est un ancien diplomate italien. Il a été en poste en Somalie, en Australie et aux Nations unies. Il a été membre du personnel de la politique étrangère de trois Premiers ministres italiens entre 1995 et 2011. Plus récemment, il a été l’envoyé spécial coordonnateur du processus de paix au Moyen-Orient pour la Syrie du gouvernement italien et, jusqu’en novembre 2017, ambassadeur d’Italie en Irak.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : le président américain Donald Trump parle aux côtés du conseiller à la sécurité nationale John Bolton (à droite) lors d’une réunion du gouvernement dans la salle du Cabinet de la Maison-Blanche à Washington D.C., le 9 mai 2018 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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