Cinq mesures tangibles que nous pourrions prendre pour mettre fin aux attentats terroristes
Lorsque des attentats terroristes aussi horribles que celui de la semaine dernière à Manchester touchent des pays occidentaux, les responsables politiques et les médias appellent inévitablement à freiner les flux migratoires en direction de l’Occident, à accroître les pouvoirs de la police contre les communautés arabes et musulmanes en Occident et à accentuer la guerre dans le Grand Moyen-Orient, une région qui englobe l’Asie de l’Ouest, l’Asie centrale et l’Afrique du Nord.
Dire que les lois migratoires généralement réclamées après ces attentats revêtent un caractère sectaire, que la religion n’est pas la cause des attentats-suicides et que la guerre constitue une cause principale plutôt qu’une solution au terrorisme ne suffit pas
Ceux qui s’opposent au racisme et à la guerre font valoir à juste titre que les pratiques en matière d’application de la loi et les lois migratoires généralement réclamées après ces attentats revêtent un caractère sectaire, que la religion n’est pas la cause des attentats-suicides et que la guerre dans le Grand Moyen-Orient tue injustement des innocents et constitue une cause principale plutôt qu’une solution au terrorisme.
Pourtant, il est inadéquat de soutenir simplement que les politiques migratoires xénophobes, les pratiques discriminatoires en matière d’application de la loi et la guerre ne sont pas la réponse à donner. Débattre de ce qui relève du terrorisme peut être utile – et j’emploierai ici ce terme pour désigner la violence politique contre des civils, y compris celle qui est perpétrée par les armées occidentales et leurs alliés, bien que ce ne soit pas l’objet de mon analyse –, mais cela est insuffisant en soi.
Pour dissuader les populations des pays occidentaux de soutenir des politiques bellicistes et islamophobes, il est nécessaire de formuler des propositions concrètes quant aux façons de mettre un terme au terrorisme – et nombre de ces propositions pourraient contribuer à résoudre dans le même temps un large éventail d’autres problèmes sociaux.
La solution optimale, à mon avis, serait une révolution socialiste mondiale dans laquelle l’exploitation et la concurrence pour les ressources axée sur le profit seraient remplacées par un contrôle démocratique de l’économie et une solidarité internationale. Étant donné que cette issue est loin d’être imminente, voici des mesures plus facilement applicables à court terme :
1. Arrêter de soutenir les groupes qui commettent des actes terroristes
À l’échelle internationale, on peut commencer par le point le plus évident : les États-Unis et leur partenaire saoudien doivent cesser d’essayer de contrer leurs rivaux en soutenant et en renforçant les organisations qui commettent des actes terroristes – ce que les gouvernements de ces deux pays ont pratiqué en Afghanistan, en Libye et en Syrie.
2. Mettre fin aux guerres – et ne pas en commencer de nouvelles
Il est tout aussi essentiel de faciliter une fin négociée des guerres en cours, en particulier en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie et au Yémen. Cela signifie que les efforts menés par les États-Unis dans le but d’évincer ou d’affaiblir les gouvernements en Syrie et en Iran doivent cesser. Il est impératif de ne pas lancer de guerre à grande échelle contre l’Iran – et de mettre un terme à la posture de confrontation que l’Occident et ses alliés en Israël et dans le Golfe ont adoptée à l’égard du pays.
La mort, la souffrance et le chaos incommensurables que causent les guerres sont au cœur des conditions qui favorisent le terrorisme, et tout plan destiné à mettre un terme à celui-ci doit être centré sur la fin du militarisme dirigé par les États-Unis.
Ce point sera douloureusement manifeste s’il s’avère que, comme le montrent les informations encore émergentes et incomplètes à ce sujet, le kamikaze de Manchester et sa famille étaient impliqués dans des groupes libyens que les États-Unis classent au rang de groupes terroristes. De telles organisations ont gagné du terrain dans le pays lorsque Kadhafi a été renversé au cours d’une guerre dirigée par les États-Unis visant à contrôler les ressources en Libye et à travers l’Afrique.
3. Démanteler les bases militaires
Le démantèlement des bases militaires occidentales dans le Grand Moyen-Orient – dont la plupart sont américaines – et le retrait des forces qui s’y trouvent constituent une étape cruciale pour accomplir ces objectifs. Ces bases facilitent les guerres impérialistes dirigées par les États-Unis et leur présence sert de menace contre les acteurs politiques qui souhaitent œuvrer en faveur du bien-être de la population locale plutôt que des diktats américains.
Par conséquent, et on le comprend aisément, beaucoup dans la région voient ces bases comme des éléments de la domination impérialiste. Celles-ci contribuent donc à alimenter l’hostilité envers les sociétés occidentales, laquelle est souvent en jeu lors d’attentats-suicides comme celui de Manchester.
3. Arrêter de soutenir les tyrans
Le fait de cesser de soutenir les tyrannies comme celles qui régissent l’Égypte, la Jordanie, les pays du Golfe et Israël en mettant fin aux ventes d’armes et à l’aide militaire apportée à tous ces États devrait constituer un élément clé de tout effort visant à réduire les attentats terroristes. Ces intermédiaires des États-Unis ont écrasé les populations qu’ils contrôlent et défiguré la région par la guerre, par une répression politique extrême, en particulier à l’encontre de groupes minoritaires et de mouvements progressistes, ainsi que par la domination économique des élites.
4. Soutenir un développement économique indépendant
Si l’Occident permettait le développement économique indépendant des populations de la région sans leur imposer d’être gouvernées par des dictatures – et versait des dédommagements pour la reconstruction de pays du Grand Moyen-Orient détruits par des guerres ou par un développement économique inégal, voire par les deux –, un pas en avant serait réalisé vers la fin des attentats terroristes liés à cette partie du monde.
Il en va de même pour la fin du contrôle exercé par l’Occident sur les ressources humaines, naturelles et financières du Grand Moyen-Orient et des efforts déployés pour assurer cette emprise. Alors que de nombreux individus impliqués dans des massacres terroristes sont issus des classes moyennes occidentales, le contexte politique de ces tueries se rattache toujours à des groupes dont les actes et les idéologies fleurissent dans des conditions d’exploitation et de paupérisation.
5. Balayer devant notre porte
De même, en Occident, il est nécessaire de promouvoir une redistribution des richesses et des programmes de création d’emplois, mais aussi d’entreprendre un renforcement des filets de protection sociale. Ces mesures contribueraient à réduire l’aliénation et l’insécurité qui, d’une certaine manière, sont toujours en jeu dans un attentat terroriste ; cela serait également permis par un accroissement des services de santé mentale. Dans cette même optique, il est urgent d’initier un effort concerté à tous les niveaux de la société pour lutter contre l’islamophobie, notamment au sein des appareils sécuritaires et des médias.
Certes, d’énormes changements politiques devraient avoir lieu pour que l’une ou l’autre de ces propositions soit adoptée. Mais pour remplir l’un ou l’autre de ces objectifs, une première étape clé consiste non seulement à pouvoir affirmer que les réponses violentes et répressives aux attentats terroristes sont indésirables, mais aussi à articuler des moyens spécifiques pour mettre un terme aux atrocités commises contre les civils, que ce soit à Paris ou en Palestine, à Bruxelles ou à Beyrouth, à Manchester ou à Mossoul.
Les États occidentaux ne sont pas les seuls responsables de toutes les tragédies qui se produisent dans le Grand Moyen-Orient ou des tragédies qui y sont liées en Occident. Toutefois, les classes dirigeantes de l’empire dirigé par les États-Unis, y compris de leurs partenaires régionaux, sont profondément coupables de nombre d’entre elles et il existe un large éventail d’options, comme celles qui sont proposées ici, pour assurer une vie plus sûre et plus égalitaire aux populations à travers le monde.
- Greg Shupak est un auteur militant qui enseigne l’étude des médias à l’Université de Guelph, au Canada.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : des personnes respectent une minute de silence sur Saint Ann’s Square, dans le centre de Manchester (nord-ouest de l’Angleterre), le 25 mai 2017, en hommage aux victimes de l’attentat du 22 mai à la Manchester Arena (AFP).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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