Tunisie : quatre personnes condamnées à mort pour l’assassinat de l’homme politique Chokri Belaïd
Un tribunal tunisien a condamné mercredi 27 mars quatre personnes à mort et deux à la réclusion à perpétuité, après les avoir reconnues coupables de participation à l’assassinat, le 6 février 2013, de l’opposant Chokri Belaïd.
La Tunisie applique de facto depuis 1991 un moratoire sur la peine de mort, les peines devraient donc être commuées en réclusion à perpétuité.
Chokri Belaïd, dirigeant de la gauche panarabe, a été abattu dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013. Un autre opposant de gauche, Mohamed Brahmi, a été tué dans des circonstances similaires cinq mois plus tard.
Ces assassinats ont déclenché des troubles politiques en Tunisie, perturbant la transition démocratique qui a suivi la révolution de 2011 ayant renversé le président Zine el-Abidine Ben Ali.
« Restaurer le respect »
Les peines ont été prononcées par le tribunal de première instance de Tunis et annoncées par le procureur adjoint du pôle judiciaire antiterroriste.
Chokri Belaïd a été secrétaire général du Parti unifié des patriotes démocrates, parti qu’il avait créé en 2011. Il était aussi un fervent critique du parti Ennahdha, alors au pouvoir.
Sa famille et ses partisans ont accusé Ennahdha d’être responsable de sa mort. Les assassinats de Belaïd et Brahmi ont cependant été revendiqués par un groupe affilié à l’État islamique (EI).
Les forces de sécurité tunisiennes ont tué le cerveau présumé des meurtres, Kamel Gadhgadhi, en 2014.
Ennahdha, qui défend une idéologie politique islamique modérée, a condamné les assassinats et nié tout lien avec eux. Le gouvernement a déclaré le mouvement salafiste Ansar al-Charia illégal et qualifié l’organisation de « terroriste » à la suite des meurtres.
Selon Ennahdha les condamnations énoncées ce mercredi sont une preuve à la fois de son innocence et des fausses accusations politiques portées contre ses dirigeants au cours de la dernière décennie.
« Les détails conclus par les autorités judiciaires montrent clairement des preuves concluantes de l’innocence d’Ennahdha », a indiqué le parti dans un communiqué.
Il ajoute que cette affaire a « ébranlé l’opinion publique nationale, déstabilisé la coalition au pouvoir, semé le doute parmi les partis nationaux et creusé le fossé entre les familles intellectuelles et politiques ».
« Une nouvelle page de réconciliations majeures »
« Le prononcé des jugements dans l’affaire de l’assassinat doit mettre fin au commerce fait avec le sang du martyr et restaurer le respect envers ceux qui ont fait l’objet d’accusations politiques mensongères et meurtrières, en particulier le leader du mouvement, Rached Ghannouchi », ajoute le communiqué, appelant à « tourner une nouvelle page de réconciliations majeures ».
Ghannouchi, 82 ans, a entamé une grève de la faim en février pour exiger sa libération immédiate et en solidarité avec les autres prisonniers politiques.
Ce fervent critique du président Kais Saied a été arrêté le 17 avril et placé sous mandat de dépôt à la suite de déclarations dans lesquelles il avait affirmé que la Tunisie serait menacée d’une « guerre civile » si les partis de gauche ou ceux issus de l’islam politique comme Ennahdha y étaient éliminés. emprisonné l’année dernière pour incitation contre la police et complot contre la sécurité de l’État.
Bête noire du président Kais Saied, il a été condamné à trois ans de prison pour financement « étranger » illégal de sa formation. Il avait déjà écopé le 15 mai 2023 d’un an de prison pour « apologie du terrorisme », une peine durcie à quinze mois en appel en octobre 2023.
Kais Saied a été élu en 2019 après des années de troubles politiques. Son règne est jusqu’à présent marqué par une répression de l’opposition. Des dizaines de personnalités de l’opposition ont été emprisonnées ou condamnées par contumace.
Le chef de l’État a suspendu unilatéralement le Parlement et dissous le gouvernement en juillet 2021, dans le cadre d’une prise de pouvoir révélée pour la première fois par Middle East Eye. Il a ensuite décidé de gouverner par décret, une décision que ses opposants et les groupes de défense des droits de l’homme ont qualifiée de « coup d’État constitutionnel ».
Le président a également limogé un certain nombre de juges en 2022, les accusant d’entraver les enquêtes sur les meurtres de Belaïd et Brahmi.
Traduit de l’anglais (original).
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